Analyste financier senior à BMCE Capital Global Research, elle en a vu défiler des saisons de publication de comptes annuels. Et la récolte 2022, elle la juge assez honorable et ne justifie pas la performance enregistrée par l'indice boursier. Dounia Filali Les réalisations commerciales profitent de l'effet prix induit par le contexte inflationniste. Les pertes encaissées par le MASI semblent davantage liées à la révision à la baisse des prévisions par BAM qu'à la hausse du taux directeur en elle-même. Dounia Filali livre son analyse de la performance du marché boursier à la lumière des publications des comptes annuels des sociétés cotées. Quelle lecture faites-vous des résultats publiés jusqu'à maintenant? Quel en a été l'impact sur le marché ? Comme attendu, les réalisations commerciales des sociétés cotées ressortent bien orientées en 2022 avec une hausse de 14%, par rapport à 2021, et profitent principalement de l'effet prix positif induit par le contexte inflationniste. Pour sa part, la capacité bénéficiaire devrait afficher une hausse moins marquée compte tenu du tassement des marges dans le sillage du renchérissement du coût des intrants, notamment pour les entreprises industrielles et de la double pénalité encourue par Maroc Telecom en 2022 avec l'amende de l'ANRT de 2,5 MMDH et le redressement fiscal de 618 MDH. Retraité des éléments exceptionnels impactant le résultat de IAM, le résultat net global de la côte casablancaise devrait progresser, selon nos prévisions initiales, de 8,3%. Depuis quelques mois déjà, le marché boursier marocain semble se déconnecter des réalisations des sociétés cotées, excepté pour les mauvaises nouvelles. En effet, ce dernier a davantage tendance à réagir aux facteurs exogènes (sécheresse, conflits géopolitiques, etc.) et macro-économiques (inflation, décision de BAM, Loi de finances, etc.). Preuve en est, la plus mauvaise performance du marché de ces 20 dernières années a été enregistrée en 2022 alors que les sociétés cotées ont affiché des réalisations honorables compte tenu du contexte. La sortie du Maroc de la liste grise du Gafi, la sortie du Trésor sur le marché international, le possible accord de la ligne de crédit modulable, ont-ils été bien perçus par les investisseurs ? Effectivement, ces différents éléments ont été perçus favorablement par le marché car ils participent à l'amélioration de la réputation du Maroc au-delà de nos frontières. De plus, et en dépit du contexte défavorable, la sortie du Royaume à l'international a pu être effectuée à des conditions globalement intéressantes, ce qui confirme la solidité de la signature marocaine. Avec cette sortie, le Trésor retrouve une certaine aisance comme en attestent la hausse de ses placements sur les dernières semaines ainsi qu'une plus grande marge de manœuvre pour ce qui a trait aux levées sur le marché intérieur. Mais, à côté, les relèvements du taux directeur par Bank Al-Maghrib n'ont pas été bien accueillis. A quel point cette décision plombe le moral des investisseurs ? Quoique attendues, les deux premières hausses du taux directeur au Maroc ont eu un impact négatif sur les marchés financiers. Mais c'est davantage l'incertitude quant à l'orientation future de la politique monétaire et le manque de visibilité qu'elle a engendré qui ont inscrit le marché dans un trend bearish (ndlr : tendance baissère) à partir du 4e trimestre 2022. On a d'ailleurs observé que la dernière hausse du taux directeur du mois de mars, quoique plus importante que prévue, puisque le marché intégrait une augmentation du taux directeur entre +25 pbs et +50 pbs, a relativement été bien acceptée par les investisseurs. En effet, les pertes encaissées par le MASI suite à la publication du communiqué de Bank Al-Maghrib ont été rapidement rattrapées et semblent davantage liées à la révision à la baisse des prévisions de la banque centrale qu'à la hausse du taux directeur en elle-même. A votre avis, quelle trajectoire devrait prendre le marché actions pour cette année ? Cela devrait dépendre de l'évolution de plusieurs facteurs, notamment l'inflation qui oriente notre politique monétaire, les conditions pluviométriques qui devraient confirmer le bon déroulement de la campagne agricole, les politiques monétaires étrangères qui cadrent l'économie mondiale, mais également l'évolution du conflit russo-ukrainien qui influe sur le prix des matières premières. Néanmoins, toutes choses étant égales par ailleurs, on s'attend à ce que les investisseurs soient davantage attentifs aux réalisations des années à venir (2023-2024). Ce qui, a priori, devait permettre au marché de réemprunter une tendance haussière durable à partir du 2e semestre 2023. Avec cette contre-performance, plusieurs opportunités sont à saisir. Quelles valeurs ou quels secteurs pourriez-vous recommander ? En effet, nous croyons fermement que chaque crise recèle son lot d'opportunités et que le niveau de valorisation très intéressant que propose la Bourse de Casablanca en 2023 devrait inciter les investisseurs à opter pour une stratégie de stock picking. Comme nous l'avons communiqué dans notre Annuel boursier 2023, nous considérons que bien sûr certains secteurs vont continuer à afficher un profil de résilience comme l'agro-industrie, les utilities, les banques, etc., alors que d'autres pourraient offrir de la surperformance comme les mines. Mais au-delà des secteurs, pour 2023, il faut centrer plus l'analyse sur le profil propre de chaque valeur dont certaines pourraient s'avérer très intéressantes en temps de crise, notamment leur capacité de résilience, la solidité de leur assise financière ou encore leur pricing power. Nous vous invitons à consulter notre stratégie détaillée ainsi que notre portefeuille sur notre plateforme.