En marge de sa 3ème réunion de politique monétaire en 2022, tenue le 27 septembre dernier, Bank Al Maghrib a décidé de relever son taux directeur à 2,0% et ce pour la 1ère fois depuis 2008. L'institution a finalement penché en faveur du soutien de la stabilité des prix au Maroc. Dans son récent « Research report – fixed income », les analystes d'Attijari Global Research (AGR) estiment que l'impact à court terme de cette hausse sensible du Taux Directeur devrait à priori être restrictif sur la demande intérieure à travers le canal des crédits bancaires. Néanmoins, poursuit la même source, cette première hausse ne semble pas en mesure de rétablir les Taux réels en territoire positif. Par conséquent, les pressions sur la rémunération de l'épargne devraient se poursuivre à court terme. Quels impacts attendus sur la croissance, les recettes voyages, les IDE et les transferts MRE ? Bank Al-Maghrib a opéré un tournant historique en relevant le taux directeur à 2%, en réponse à une inflation galopante. Une décision qui devrait avoir un impact sur la demande intérieure, la croissance, les recettes voyages, les IDE et les transferts MRE. C'est inédit. Pour la 1ère fois depuis 2008, Bank Al-Maghrib relève son taux directeur (TD) de 50 points de base (pbs) à 2%. En procédant à une telle décision, la banque centrale finalement penché en faveur du soutien de la stabilité des prix au Maroc. C'est du moins ce qu'estime Attijari Global Research (AGR) dans son récent « research report – fixed income ». « Ce revirement monétaire ressort en ligne avec notre scénario initial exprimé en juin 202 (Cf. Taux Directeur Juin 2022). Cette décision atteste d'un changement de perception de BAM quant au caractère « transitoire » de l'inflation au Maroc. Désormais, l'institution a comme priorité l'atténuation de la poussée inflationniste qui semble de plus en plus durable », estime AGR. En adoptant un tel revirement de sa politique monétaire, poursuit la même source, Bank Al-Maghrib opte pour un resserrement à la fois fort et rapide. L'objectif étant de faire face aux risques inflationnistes qui pourraient peser sur les perspectives de croissance à long terme. En dépit des enjeux de la relance économique post-Covid et des risques pesant sur la croissance au Maroc, BAM semble ainsi déterminée pour contrer les récentes pressions inflationnistes. En effet, BAM s'aligne sur la trajectoire des grandes Banques Centrales à l'international pour lutter contre une inflation majoritairement importée au Maroc.
Impact attendu sur la demande intérieure
A court terme, les analystes d'AGR estiment que l'impact à court terme de cette hausse sensible du Taux Directeur devrait à priori être restrictif sur la demande intérieure à travers le canal des crédits bancaires. Néanmoins, cette 1ère hausse ne semble pas en mesure de rétablir les Taux réels en territoire positif. Par conséquent, les pressions sur la rémunération de l'épargne devraient se poursuivre à court terme. Dans ces conditions, cette première hausse du Taux Directeur pourrait être, selon les analystes d'AGR, le début d'un nouveau cycle de resserrement monétaire de la part de Bank Al-Maghrib. Dépréciation du dirham, un facteur qui alimente l'inflation Les analystes d'AGR soulignent, par ailleurs, qu'il est évident qu'une inflation durable au niveau national pourrait constituer une sérieuse contrainte à la reprise économique dans la mesure où le pouvoir d'achat des ménages serait entamé. Aujourd'hui, force est de constater une nouvelle source de risque en mesure de maintenir les pressions inflationnistes en 2023. Il s'agit de la poursuite de la dépréciation du Dirham face au Dollar et ce, dans un contexte de relèvement agressif des Taux Directeurs de la Fed. Parallèlement, les conditions de liquidité sur le marché des changes interbancaire seraient moins favorables en raison de la montée en charge des flux imports. À cet effet, les analystes d'AGR rappellent que plus de 50% des importations du Maroc se font en Dollar et concernent principalement les produits énergétiques et céréaliers. Cette situation a propulsé l'écart entre le cours de référence du Dirham et son Mid panier à plus de +3,60%, soit un plus haut depuis la mise en place de la réforme de change en 2018. Ce dernier se rapproche ainsi du seuil haut de la bande de fluctuation du dirham fixé à 5%. Dans ces conditions, la parité Dollar/Dirham atteint son plus haut de plus de 10 ans, à 10,81, en hausse de +17% depuis le début de l'année. Principaux ajustements des prévisions de BAM
Dans son récent « research report – fixed income », publié le 29 septembre, les analystes d'AGR estiment, d'autre part, que la hausse du TD de 50 pbs a poussé la banque centrale à revoir ses projections de croissance ainsi que les perspectives d'inflation durant la période 2022-2023. « Eu égard au resserrement monétaire de BAM et à la poursuite des pressions inflationnistes, BAM revoit encore une fois à la baisse ses projections de croissance en 2022. Celle-ci devrait s'établir à 0,8% contre 1,0% initialement. L'économie marocaine demeure fragilisée en 2022 par une faible campagne agricole de 32 MQx contre un record de 103 MQx en 2021 et un contexte international défavorable », explique-t-on. En 2023, la croissance marocaine devrait s'établir à 3,6% contre 4,0% initialement subissant les effets restrictifs de la hausse du TD sur les canaux de la consommation et de l'investissement. La composante non agricole du PIB afficherait une décélération de son rythme d'évolution à 2,5% en 2023 contre 3,4% une année auparavant. S'agissant de la campagne agricole, un retour vers un rythme normatif de production céréalière de 75 MQx est projeté en 2023E.
Révision à la hausse des perspectives d'inflation en 2022 De même, compte tenu de la hausse du TD à 2%, l'inflation est revue à la hausse en 2022 à 6,3% contre 5,3% initialement. Elle devrait revenir à un rythme modéré selon les projections de BAM à 2,4% en 2023. « L'inflation au Maroc demeure alimentée par les importations à travers les composantes alimentaire transport. Celles-ci représentent près des 2/3 du panier du consommateur marocain. Contrairement aux pays occidentaux, l'inflation au Maroc est considérée comme une inflation d'« Offre » plutôt qu'une inflation de demande. Dans ces conditions, l'inflation est revue à la hausse en 2022 à 6,3% contre 5,3% initialement », souligne AGR. Révision du rythme d'évolution des crédits à l'économie
Tenant compte du resserrement attendu des conditions de financement de l'économie, BAM s'attend, par ailleurs, à une évolution modérée des crédits bancaires soit de 4,0% en 2022 et de 3,6% en 2023. Le déficit de liquidité devrait se creuser à près de 90 MMDH en 2023 reflétant principalement la progression de la monnaie fiduciaire à moyen terme alors que les réserves de change devraient continuer à se raffermir sur le moyen terme. Les réserves en devise devraient atteindre de nouveaux records en 2022 et 2023 à plus de 340 MMDH soutenues par l'appréciation des recettes voyages, des IDE, des transferts MRE ainsi que la concrétisation des financements extérieurs du Trésor prévus dans le cadre de la Loi de finance 2022 à 40 MMDH d'ici la fin de l'année.
« Un impact conséquent sur l'évolution de l'inflation en 2023 » Le président du Centre marocain pour la gouvernance et le management (CMGM),Youssef Guerraoui Filali, a affirmé que la décision de relever le taux directeur à 2% par Bank Al-Maghrib devrait avoir un impact conséquent sur l'évolution de l'inflation en 2023. Dans une déclaration à la MAP, M. Guerraoui a fait savoir que cette décision d'augmenter le taux directeur était attendue par les investisseurs, notamment dans un contexte où les tensions inflationnistes persistent et continuent d'impacter l'économie nationale globalement, notant qu'elle vise aussi à freiner la progression de l'inflation et garantir les conditions d'un retour rapide à des niveaux en ligne avec l'objectif de stabilité des prix. A cet égard, il explique que la hausse du taux directeur signifierait ainsi le ralentissement de la demande sur les crédits, qui deviendront plus coûteux pour les citoyens et les entreprises, limitant ainsi le volume de la masse monétaire en circulation, et du coup la baisse de l'inflation.
Définition du taux directeur
Pour mener à bien leurs missions, les banques centrales utilisent différents taux d'intérêt qu'elles fixent librement. Parmi ces taux, le taux de refinancement représente le prix auquel les banques commerciales achètent leurs liquidités afin de faire crédit aux ménages et aux entreprises. Les mouvements des taux directeurs des banques centrales ont donc une incidence directe sur la masse monétaire en circulation et de fait sur l'activité économique de leur pays. Les taux directeurs sont les taux d'intérêt à court terme fixés par les banques centrales (voir l'article consacrés aux banques centrales). Ces dernières les utilisent pour piloter leur politique monétaire et par conséquent contrôler la masse monétaire et réguler l'activité économique de leur pays.
La croissance économique au Maroc en 2023 selon la BERD
La reprise économique au Maroc devrait ralentir à 1,1% en 2022, après un rebond record de 7,4 % en 2021, souligne la BERD dans son nouveau rapport sur les perspectives économiques régionales. Le PIB n'a progressé que de 0,3 % en glissement annuel au premier trimestre, indique la même source, expliquant que cette situation est due à la contraction de l'agriculture, en raison de la sécheresse. La mauvaise saison agricole accroît la demande de denrées alimentaires importées à des prix internationaux plus élevés, dans un contexte de perturbations de la chaîne d'approvisionnement mondiale, ce qui a fait grimper le taux d'inflation du Maroc à 5,1 % au premier semestre, ajoute la même source. Pour 2023, la BERD prévoit une croissance du PIB de 3,3% à mesure que l'agriculture se redresse et que le rythme de croissance des autres secteurs revient aux niveaux prépandémiques.