L'engouement pour ces cursus est tel que dans les prochaines années le sport-études pourrait devenir une des filières les plus prisées. À condition que le recrutement et les infrastructures suivent. En plein quartier d'Ain Sebaâ à Casablanca, les élèves du Lycée des sportifs retrouvent chaque jour en début d'après-midi leur sport de prédilection. Foot, mini-foot, basket-ball, volley-ball, judo ou taekwondo : pas moins de neuf disciplines sportives y sont enseignées. Et ce n'est pas l'espace qui manque. Etalé sur une superficie de 6 hectares, l'établissement sportif est doté d'une infrastructure intégrée avec des terrains, une salle couverte, une piscine, des pistes d'athlétisme, une salle de kiné, en plus d'un restaurant et d'un internat pour garçons et filles. «On pourrait même envisager une piste de cyclisme dans le futur. Nous sommes justement en discussion avec la Fédération royale marocaine de cyclisme pour intégrer cette discipline dans notre établissement», confie Mohamed El Mahboubi, directeur du Lycée des sportifs d'Ain Sebaâ. Un lieu chargé d'histoire, puisqu'il a été tour à tour ancien orphelinat dans les années 1920 puis centre de formation des cadres en éducation physique dans les années 1980, avant de connaître un nouveau destin et de figurer parmi les tout premiers établissements, avec celui de Tanger, à intégrer la filière Sport-études au Maroc en 2018. «Actuellement, 194 élèves suivent de manière assidue leur enseignement académique et sportif. Nous voulons offrir aux jeunes talentueux toutes les conditions pour renforcer leurs compétences sportives, développer leurs capacités physiques et acquérir les connaissances scientifiques, linguistiques et culturelles nécessaires, et ce, depuis la 1ère année collège jusqu'à la dernière année du bac», poursuit le directeur. Muscler son corps... et son cerveau Parmi ces élèves, Yasmine Salhi, jeune collégienne, retrouve le tatami chaque jour pour s'entraîner au judo. «C'est un sport que je pratique depuis mes 7 ans et grâce à la filière sport-études, j'ai aujourd'hui l'opportunité de vivre ma passion et pourquoi pas devenir championne dans ce domaine», espère-t-elle. Pour sa part, Youssef Elbouinany, 2e année bac, fait partie des jeunes talents du lycée dans la section volley-ball. «Nous sommes amenés à participer à des compétitions scolaires nationales et africaines. Ce sont souvent des challenges qu'il faut savoir apprendre à gérer», lance le jeune adolescent, qui a intégré la sélection nationale des U17 dans sa discipline. Si ces élèves apprennent la rigueur dès les premières années d'études, c'est qu'ils sont confrontés à des exigences multiples et à des agendas parfois surchargés. Leur journée débute tôt le matin pour suivre leurs cours de 8h30 à 13h30 du lundi au samedi. Les troupes rejoignent le réfectoire pour le déjeuner avant de commencer les entraînements l'après-midi à partir de 15h30. «Généralement, ils doivent observer une bonne pause entre les deux périodes, le temps de digérer avant de commencer toute activité sportive. D'autant plus qu'ils sont suivis sur le plan alimentaire et diététique pour éviter les déconvenues», prévient le directeur. Les entraînements commencent alors l'après-midi pour les différentes disciplines exercées au sein du lycée ou en dehors dans les terrains des clubs partenaires quand l'établissement n'en dispose pas. «C'est le cas pour le tennis où nous avons un partenariat avec le club La Noria de Mohammedia. Nous avons deux futurs champions qui s'y entraînent chaque jour», assure El Mahboubi. A partir de 19h30, les élèves dînent et rejoignent les salles de cours pour des séances d'études avant de filer aux dortoirs à 22h. Des lycéennes championnes d'Afrique ! De même, ces futurs champions en herbe sont également amenés à participer à des compétitions nationales et internationales selon les calendriers des différentes fédérations mais aussi continentales. A titre d'exemple, la section féminine de football du lycée Omar Ibn Khatab de Rabat a décroché le titre de championne d'Afrique en sport scolaire l'année dernière. Cette année, elle représentera l'Afrique du Nord au Championnat scolaire africain en Tanzanie. «Compte tenu des différentes compétitions, les élèves absents sont amenés à bénéficier des cours de soutien ou encore de leur envoyer les cours audiovisuels par Whatsapp», note le directeur. Les efforts déployés en entraînement sont également récompensés par l'augmentation du coefficient de la matière appelée «formation sportive» dans les contrôles continus qui peut atteindre jusqu'à 30%. «Le coefficient sport est de 4 pour le collège et de 12 pour le lycée », indique El Mahboubi. Côté option, les élèves de la filière obtiennent un bac soit en sciences naturelles, soit en économie-gestion, soit en sciences humaines. Les AREF(Académie régionale d'éducation et de formation) peuvent ouvrir des classes d'autres bac s'il y a une demande. Ce dispositif permet d'élargir le choix des élèves pour poursuivre leurs études supérieures dans d'autres filières autres que celles orientées vers le sport. Les débouchés ne sont pas en reste. La filière sport peut garantir un output en orientant les élèves sportifs vers les établissements nationaux ou internationaux à vocation sportifs ou des établissements non sportifs (médecine, ingénierie, management...,) en fonction des ambitions et des capacités de l'élève sportif. Au niveau national, l'engouement est tel que dans les prochaines années, le sport-études pourrait devenir une des filières les plus prisées. A en voir les chiffres actuels, nous sommes passés d'un effectif de 267 dont 90 filles en 2019 à plus 6.138 dont 2.046 filles pour l'année 2022/23. Un chiffre multiplié par 30 en l'espace de 3 années seulement ! Et le meilleur est à venir. De fait, la création des établissements «sport-études» a concerné toutes les académies régionales de l'éducation et de la formation. Ce sont pas moins de 88 établissements qui ont intégré le parcours cette année et le processus devrait se généraliser à l'avenir. Quelques difficultés subsistent pour l'encadrement des jeunes Des partenariats sont signés avec les fédérations sportives pour promouvoir la formation sportive dans cette filière. A noter que 36 disciplines sportives fédérales sont représentées avec un effectif de 2.675 personnes en football, suivi de l'athlétisme avec 926 bénéficiaires. Pour Abdesslam Mili, directeur de la promotion du sport scolaire, relevant du ministère de l'Education nationale et des sports, «l'engouement est fort et, actuellement, il y a une demande importante des élèves, quel que soit leur cycle d'enseignement. Toutefois, l'organisation des emplois du temps des élèves dans nos établissements ne permet pas aux jeunes sportifs de concilier efficacement leurs études obligatoires et leurs entraînements sportifs. Force est de constater que nos jeunes athlètes sont contraints à un moment donné de faire le choix douloureux entre poursuivre leurs études ou les abandonner pour une carrière sportive tentante, mais parfois éphémère». Toujours est-il que si des efforts ont été déployés, certaines difficultés persistent encore. Pour Mili, «les fédérations et les clubs rencontrent encore des difficultés à recruter ou à payer un entraîneur pour l'encadrement des élèves durant les séances de la formation sportive. Cette situation a pour conséquence l'arrêt des entraînements, ce qui constitue une problématique pour l'établissement, car les élèves sont livrés à eux-mêmes». Il y a d'autres difficultés à prendre en compte, comme la qualité de la nourriture proposée aux sportifs qui ne répond pas aux exigences diététiques, ainsi que l'hébergement qui nécessite une rénovation et des équipements conformes aux normes internationales. Bref, il va falloir se surpasser pour atteindre la ligne d'arrivée... Comment intégrer la filière sport-études L'instauration des filières de «sport-études» s'inscrit dans le cadre de la convention-cadre de partenariat signée le 17 septembre 2018 entre le ministre de l'Education nationale, de la formation professionnelle, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique et le ministre de la Jeunesse et des sports. Pour intégrer le parcours sport-études, les élèves doivent remplir trois conditions : être affilié à une fédération, une ligue nationale ou un club affilié à une fédération, avoir une moyenne scolaire supérieure ou égale à 12/20 et enfin passer et réussir le test sportif suivant la discipline du candidat. Tout élève sportif possédant une licence fédérale peut s'inscrire dans les classes de la filière sportive de la première année du cycle de l'enseignement secondaire jusqu'au bac. La liste des élèves sportifs est présentée à la Direction régionale par la fédération, la ligue ou le club affilié et avec des attestations d'autorisation des parents. Durant leur cursus, les élèves sont pris en charge par leurs clubs ou leurs fédérations dans les séances de formation sportive.