Depuis le 24 décembre, un espace consacré à l'art est ouvert aux amateurs, à Rabat. La «Villa des Arts», un joyau architectural dans le plus pur style Art déco, a été restaurée, pour la fondation Ona, par l'architecte Mustapha Alaoui. Recelant plus de 600 œuvres, elle a pour mission de préserver et assurer l'accessibilité de l'art auprès du grand public. Visite guidée d'un lieu enchanteur. De lieux où se donne à voir l'expression esthétique, notre pays est parcimonieux… A peine une trentaine de galeries, aux fortunes inégales et aux destins ondoyants, un musée privé qui bat de l'aile depuis la disparition de son fondateur et un espace voué aux arts, à Casablanca, qui, lui, tient vaillamment la route. Aussi, quand, par bonheur, il en pousse un, cet avènement est considéré comme un événement digne d'être somptueusement fêté. Le baptême de la Villa des Arts de Rabat, en ce jeudi 21 décembre, en est exemplaire. La cérémonie, à laquelle a pris part tout ce qui compte en matière d'arts et lettres, s'entonne par une visite de l'ouvrage. La villa, de par son style Art déco, est un objet d'art en soi Dès le franchissement de la porte, le visiteur est happé par tant de splendeur. Mieux qu'un espace dédié aux arts, la Villa des Arts est un joyau architectural qui vient parer une cité déjà abondamment sertie. Œuvre de la fondation Ona, la villa est l'ouvrage de l'architecte Mustapha Alaoui, qui a su redonner vie, sans jamais en trahir les attraits, à une bâtisse conçue dans le plus pur style Art déco et, pourtant, incroyablement délaissée. Coupable négligence mémorielle heureusement réparée par la fondation Ona, réaffirmant par là à la fois son penchant pour l'architecture des années trente et son souci de la préservation du patrimoine architectural. Qu'on se souvienne de la restauration de la mosquée almohade de Tinmel, puis de celle de la villa Roudani, à Casablanca, un lieu gorgé de mémoire mais qui était voué, implacablement, à la décrépitude ! D'ailleurs, comme l'architecture de la villa Roudani, rebaptisée après sa réhabilitation Villa des Arts de Casablanca, celle de la Villa des Arts de Rabat est belle au-delà de toute expression. La villa saisit par le remarquable travail qui y est fait sur l'ajour et sur le rythme. Quand on scrute sa façade, on s'aperçoit de la fine conception du plein et du vide, puis de l'aveugle et de l'ajour. Avant d'y pénétrer, il importe de se laisser tenter par une flânerie sur la «Promenade». Ici une sculpture se dresse sur votre chemin, là une installation vous interpelle, ailleurs un bassin agrémenté de jeux d'eau ravit votre regard, plus loin, une pergola vous invite à une pause méritée au milieu d'un florilège d'affiches, de sculptures ou de photographies. Après cette dégustation dans les règles de l'art, le visiteur, par les couleurs, les formes et les matières alléché, a tout le loisir de s'en repaître davantage, en accédant aux temples qui les logent. Ils sont nombreux. D'abord la «Galerie sur cour» destinée aux jeunes talents. Ensuite, le «Diwan», antre des expositions permanentes ou itinérantes et des rétrospectives d'artistes consacrés. Puis la «Villa du parc». Et tant et tant d'espaces où l'art est montré dans tous ses états. Des enseignes telles que Kacimi, Chaïbia, Gharbaoui ou Cherkaoui suscitent la curiosité. Il s'agit de noms donnés aux ateliers dans lesquels les créateurs peuvent s'exprimer, montrer leur talent et faire partager au public l'acte de peindre ou de sculpter. Mais si la Villa des Arts de Rabat privilégie l'art, conformément à sa vocation, elle n'exclut pas les autres activités culturelles. Se voulant une passerelle entre les diverses disciplines, elle renferme un lieu, «Al Qantara», consacré aux débats, aux séminaires et aux conférences portant aussi bien sur la peinture que sur la littérature, le cinéma ou le théâtre. Ce dernier y a même son écrin, le «Forum». Un espace d'art, un lieu de création, d'animation et de rencontres Surgavé d'art, le visiteur ne songe plus qu'à reposer ses yeux. Une fontaine serpentine, la «Menchia», lui offre ce répit. Puis un café, dans la pure tradition des cafés maures, l'invite à siroter un thé ou un café pour reprendre ses esprits. Pour autant, il ne quitte pas aussitôt la Villa des Arts. Il s'y attarde encore un peu, tant l'endroit est réellement enchanteur. Un dernier regard sur la «Place des arts», histoire d'admirer l'imagination florissante des jeunes talents, et il se retourne vers ses occupations prosaïques. Objet d'art en soi, la Villa des Arts de Rabat est «un espace d'art contemporain, un lieu de création, d'animation et de rencontres, créé pour contribuer à mieux faire connaître, valoriser le patrimoine artistique du Maroc. Cadre d'éducation visuelle collective, l'objectif de ce projet est avant tout de sauvegarder, préserver, inventorier, valoriser et assurer l'accessibilité de l'art auprès du grand public», lit-on dans la plaquette de présentation. Forte de sa collection excédant six cents œuvres, la fondation Ona peut, avec bonheur, assigner à la Villa des Arts de Rabat cette mission d'archivage et de préservation du patrimoine artistique marocain. Son ambition ne se limite pas là, elle se veut au service de l'artiste, reconnu ou naissant, auquel elle propose un lieu pour mettre en lumière son art. Sans distinction de genres, d'écoles et de courants, car c'est sur l'éclectisme que la Villa des Arts de Rabat entend surfer. Sans exclusive. La collection de la fondation Ona comporte aussi bien des toiles marocaines que celles signées d'artistes étrangers : l'Irakien Dia Azzawi, l'Américain James Brown, le Français Titus Carmel, entre autres. D'autre part, la Villa des Arts de Rabat s'engage sur la voie tracée par sa sœur aînée casablancaise qui, pour son exposition inaugurale, en 1996, «Carte blanche à Fouad Bellamine», avait exposé les œuvres de Vladimir Skoda, Sophie Calle, Georges Rousse, Erro, Stéphane Bordarier… Villa Roudani, Villa des Arts, le mécénat de l'Ona a commencé en 1996 La création de la Villa des Arts de Rabat, ce lieu enchanteur, s'inscrit dans la continuité de l'œuvre de mécénat accomplie depuis 1996 par la fondation Ona dans le domaine artistique. Elle a consisté, d'abord, par la constitution d'une collection importante d'objets d'art; ensuite par l'acquisition de la Villa Roudani et sa restauration en bonne et due forme. A celle-ci fut imparti le double rôle de conservation de la collection et d'exposition d'artistes. Tant au Maroc qu'à l'étranger: au musée des arts décoratifs à Paris, à la Bruneï Gallery de Londres, par exemple. Ne s'arrêtant pas en si bon chemin, la fondation Ona s'est lancée dans l'édition des ouvrages d'art. En témoignent ces pépites que sont Fulgurances Gharboui de Yasmina Filali, Art contemporain. Collection fondation Ona (avec des textes de Gilles Bure, Abdellah Bounfour, Amina Benbouchta, Bernard Collect) et Figures de l'abstraction du Maroc, paru à l'occasion du 75e anniversaire du Bureau international des expositions de Paris. Par ces actes, la fondation Ona prouve que le mécénat peut contribuer grandement à faire sortir l'art de l'ombre.