La restauration des “ Tourelles'' La restauration des lieux a été opérée par une décoration intérieure sobre et élégante, dans des tons écru- ambré tranché dans certaines pièces par un tadelakt dans des bordeaux- rosé. La composition de l'édifice des “Tourelles des arts” en trois niveaux se décline en une première salle d'exposition au rez-de-chaussée et en une seconde beaucoup plus vaste au premier niveau, qui accueille aussi les bureaux. La terrasse, qui lie les deux tourelles, a été transformée en cafétéria : sorte de belvédère faisant office de salon littéraire, avec une superbe vue sur la Cathédrale du Sacré-cœur et les palmiers du quartier. De plus, sur le plan de l'équipement, les "Tourelles" n'avaient rien à envier aux plus grands musées: système de lumière muséologique, système de déshumidification, climatisation pour préserver les oeuvres, système de sécurité par radar et rayons x... Certes, la restauration n'a pas été réalisée à l'identique. Les ferronneries Art-déco des grilles entourant les villas, ont été remplacées par des copies jugées plutôt maigrichonnes et sans élégance. Et la distribution initiale des maisons a été rendue méconnaissable pour en faire un musée. Ce fut malheureusement le prix à payer pour les sauver d'une destruction certaine. Qui était Marius Germinal Boyer ? Le concepteur des villas “Les Tourelles”, architecte DPLG, est né en 1885. Il a exercé au Maroc de 1919 jusqu'à sa mort à Casablanca en 1947. Il fut professeur d'architecture à l'école des beaux-arts de Casablanca. La production de son agence a été considérable pendant 25 ans et rayonne bien au-delà du Maroc. À Casablanca, ses œuvres majeures sont : le siège de la wilaya- l'immeuble Maroc Soir (Bd Mohammed V)- l'immeuble BCM (rue Driss Lahrizi)- l'immeuble Passage Glaoui (Bd Mohammed V, rue Nolly)- l'immeuble Shell- la Régie des tabacs (avenue Moulay Driss 1er , les anciens bâtiments)- l'hôtel Transatlantique- la villa “Dar El Mokri”- la villa Benazeraf (rue d'Alger)- Le cinéma Vox et l'hôtel d'Anfa. Omar BenjellounOmar Benjelloun était Président du Groupe Saïda Star Auto. Cet industriel et homme d'affaires était connu sur la scène économique. Frère de Othman Benjelloun, il était né en 1928. Il avait voué une grande partie de sa vie à promouvoir la culture et l'art dans notre pays et à l'étranger. Parmi les mécènes les plus connus, il avait une écoute attentive, continue et permanente pour les artistes, à travers notamment la Fondation Omar Benjelloun. Il est décédé le samedi 25 janvier 2003 à Casablanca. La Fondation Omar Benjelloun La Fondation Omar Benjelloun œuvre depuis 1996 dans le domaine du mécénat culturel; plus spécialement dans la restauration de monuments historiques, la création d'espaces culturels et l'édition et la co-édition d'ouvrages et de catalogues sur l'art et la culture. Omar Benjelloun avait commencé dès la fin des années 90 par la restauration, dans la Médina de Marrakech, du Palais Mnebhi au sein duquel il avait créé le “Musée de Marrakech”. Il avait poursuivi sa tâche en réhabilitant les monuments avoisinants : la Merdersa Ben Youssef et la Coupole d'Al-Mourabitine. C'est donc dans ce même esprit que le musée “Tourelles des Arts” de Casablanca fut un bâtiment restauré par la Fondation Omar Benjelloun Ce que Omar Benjelloun voulait faire de ce musée Ce musée venait ainsi combler le grand vide culturel dont souffre encore Casablanca. “Créer un musée d'art, c'est accomplir une noble et pieuse action, concourir à promouvoir une haute éducation de la Oumma” disait Omar Benjelloun. Cet espace avait ainsi été mis au service du patrimoine national, afin de maintenir une vie culturelle qui aurait éclairé tout son parcours. “La notion de musée est présente, dès l'origine, dans notre culture, d'une manière ou d'une autre : avoir le goût de l'art, est une vertu en soi, une éducation. Il faut l'intégrer dans nos espaces, l'offrir au plaisir des yeux... Et le mécénat d'art est une ancienne tradition de notre civilisation, car la création artistique y a été très tôt, comprise comme étant une source d'élévation” rajoutait O.Benjelloun. C'est dans cette optique que cet amoureux de l'art et grand mécène avait décidé de restaurer les deux villas et d'en faire un musée. Il souhaitait que les Casablancais puissent faire un tour au Musée qu'il considérait comme étant aussi un refuge pour les moments perdus, un lieu où l'on s'instruit par plaisir. Son souhait était de transmettre à nos enfants le goût d'apprendre et de connaître, beaucoup plus encore que nous l'avons eu. Léguer cette culture aux générations futures afin qu'elles soient plus sereines, plus créatives et plus en relation avec le beau. La vocation de ce Musée devait être tournée vers la promotion de la culture arabo- musulmane. Celle-ci devait en constituer une dominante. “Développer la langue arabe, notamment par des conférences et des expositions de calligraphie, ainsi que la connaissance de l'Islam, afin de ne pas se laisser traîner dans la boue par certains” disait Omar Benjelloun. Ce Musée devait aussi être ouvert sur les autres cultures : l'art contemporain et les arts traditionnels. Il tendait également à encourager l'expression et la production de jeunes talents. Enfin, ce lieu se voulait aussi, comme un espace d'animations culturelles : ateliers, concerts, colloques, journées thématiques, séminaires, théâtre… Expositions présentées par le musée avaient présenté deux expositions, l'une d'instruments marocains et l'autre de calligraphie islamique. La première avait déployé les composantes de “L'arbre de musique” décrivant l'histoire musicale du Maroc, des rbabs aux luths en passant par les instruments à vent (comme le nfir et la ghayta) et les percussions. Quant à la seconde exposition, elle avait présenté la collection de la Fondation Omar Benjelloun: des spécimens d'une richesse et d'une diversité exceptionnelles ; pages de manuscrits anciens du Coran, poèmes persans, louanges au Prophète, calligraphie de tous les styles, du koufi au jili-diwani en passant par le naskhi, le maghribi et le tuluth... Cette première exposition regroupait 120 pièces datées entre le IXème et le XIXème siècles et couvrant tout le monde arabo-islamique. Arrêt de l'activité et fermeture du musée “Les Tourelles des Arts” avaient été ouverte au public le 31 mai 2002. Les premières expositions devaient durer jusqu'au 31 mai 2003. Ce musée était donc promis à un très bel avenir. Malheureusement, Omar Benjelloun est décédé le samedi 25 janvier 2003. Avec sa disparition, le monde des arts et de la culture a perdu une figure emblématique. L'espace a très vite fermé ses portes. Cela se comprend. Depuis plus rien ! Il n'a plus jamais rouvert. Le café qui devait initialement fonctionner en binôme avec le musée, est aujourd'hui, le seul lieu de vie de “Les Tourelles des Arts” ; ce qui dénote malheureusement assez bien de notre approche du patrimoine. L'espace d'exposition est inaccessible, les jardins et l'édifice sont visiblement à l'abandon. Mais pour faire vivre un tel lieu, il faut lui redonner une âme. Or celui qui lui impulsait tout son amour de l'art et sa vitalité l'a quitté. “C'est une aberration, car ce café est loué et donc géré par un privé. L'action de Omar Benjelloun est parfaitement louable. Mais la ville devrait avoir son mot à dire, sur ce patrimoine (classé aujourd'hui). Elle devrait si possible aider ou penser à la pérennité de ce musée” nous dit Rachid El Andaloussi. Les pouvoirs publics devraient élaborer un cahier des charges relatif à la restauration des monuments classés. Cela éviterait des déformations de l'état originel. De plus, il est regrettable que de tels patrimoines soient à la merci de problèmes de succession et d'héritage. Les villas “Les Tourelles” méritent un deuxième sauvetage.