Qualité et défaut à la fois, la gentillesse est motivée par le besoin inconscient de ne pas être «exclu» du groupe. Utilisée intelligement, elle créé un climat propice à la communication. Pour éviter les abus, savoir dire non et fixer des règles claires est nécessaire. Il ne refuse rien à ses collègues : assure la permanence à leur place, prend à son compte un dossier qui tarde à être traité, accepte sans broncher leur mauvaise humeur. Il ? c'est toute personne dont la caractéristique principale est la gentillesse. Pour un patron, cela se traduit très souvent par un comportement paternaliste, très souple avec ses collaborateurs et souvent en proie à des difficultés pour faire avancer le travail. Disons-le d'emblée. La gentillesse est une qualité appréciée de tous. Elle peut être définie comme une attitude, une manière d'être ou un comportement qui nous pousse à faire preuve d'amabilité, de bienveillance, de bonté et d'empathie. Mais comme l'homme est imparfait, il arrive parfois qu'elle cache ou comble d'autres défauts. En milieu professionnel, Youness Belatif, Dg du cabinet Convergence qui l'assimile à «un ensemble de comportements ou d'attitudes relationnelles» estime qu'il ne faut pas en sous-estimer les effets. A son avis, cette qualité est très importante dans la mesure où elle crée un climat propice à la communication. Sauf que tout le monde ne la perçoit pas de la même manière. «Qualité polysémique, la gentillesse peut être traduite de manière négative. Le gentil peut être considéré comme une personne qui manque d'affirmation de soi, de franchise, de combativité ou encore d'intelligence relationnelle», note Saad Benkirane, DG du cabinet Idoine. En somme, on peut se retrouver avec une qualité qui, paradoxalement, sera un frein à son épanouissement personnel. D'ailleurs, dans l'environnement de travail, le bon samaritain n'est pas considéré pour ce qu'il est, mais pour ce dont il peut servir, une sorte de cinquième roue de carrosse que l'on peut solliciter pour toutes les tâches ingrates. Quand ce ne sont pas les collègues qui se déchargent sur lui, c'est le patron qui lui confiera une mission de trop. Trop de gentillesse tue la gentillesse Amine Sobhi, ingénieur télécoms de son état a mis du temps, beaucoup de temps pour se débarrasser de ce qu'on appelle le syndrome du gentil. «Ma gentillesse m'a souvent joué des tours. Je n'arrivais jamais à refuser une demande. Au final, cela se retourne contre moi ; les gens prenaient mon comportement pour de la faiblesse», dit-il avec amertume. Parfois, précarité oblige, on est parfois tenté de se faire tout petit pour éviter tout conflit ouvert. On est amené à être complaisant, à porter un masque, à jouer un rôle. En somme, on prend l'habitude de dissimuler ce qui se passe en nous afin d'acheter la reconnaissance, l'intégration ou un confort apparent plutôt que de nous exprimer tels que nous sommes. Heureusement, la gentillesse n'est pas une maladie grave. Ça se soigne aussi. Pour ne pas se laisser déborder par ses réflexes de bon samaritain, il faut savoir trouver les bonnes parades. En bon coach, Youness Bellatif a vu passer de nombreux «patients» qui souffraient du syndrome. «Trop gentils, ils ne savaient pas agir en bons managers». C'est le cas pour Mohamed M, dirigeant d'une PME. «Je me laissais envahir par l'affectif. Je n'osais pas sévir contre un collaborateur inefficace. Plus maintenant. Aujourd'hui, les objectifs sont définis dès le départ. Chacun sait ce qu'il doit faire. J'ai appris à considérer mes interlocuteurs comme des professionnels ayant une mission à accomplir. J'agis en fonction des résultats», avoue-t-il. Autrement dit quand les règles sont claires, les cas de conscience que peut entraîner le fait d'avoir prononcé des sanctions lourdes ou pas ne se pose plus. Le fautif n'en voudra qu'à lui-même parce que la décision est motivée par des faits. C'est dire qu'en y mettant la forme, il n'est pas impossible d'ajuster une qualité en fonction des situations. Mais les choses ne sont pas aussi simples, Adil Z. Haut cadre qui a la responsabilité d'une équipe de vingt personnes ironise : «Fixer des règles, soit, ce n'est pas compliqué, mais comment réagir devant un collaborateur qui en appelle à votre bonté pour obtenir un délai supplémentaire ou un supérieur qui vous colle un dossier sachant très bien qu'il va compter sur cette fibre de «gentil» que vous avez montrée jusqu'alors ?» A ces interrogations les spécialistes sont formels. Il faut oser dire non en expliquant pourquoi, jouer la carte de la franchise, quitte à choquer. Très important dans ce cas, préparer des arguments convaincants. Rester ferme si l'on est réellement convaincu que la requête est de nature à porter préjudice C'est l'exemple d'Amine Sobhi qui parle d'anticipation. «Connaissant parfaitement mes collègues, j'ai appris à anticiper. En cas de sollicitation imprévisible ma réponse est toujours prête avec une longueur d'avance», témoigne-t-il Quid des conséquences ? Certains n'hésitent pas à faire front sans forcer leur nature. «La démarche est toute simple. Je refuse clairement une réclamation tout en expliquant honnêtement pourquoi. Ceux qui ont compris ont fini par revenir à des relations plus équilibrées», souligne Karim, agent commercial dans une entreprise informatique. De manière plus prosaïque, savoir dire non est aussi un moyen idoine pour repousser les indésirables. Nombre de spécialistes sont d'avis qu'il n'existe pas une manière de «dire de non» spécifique à une personne donnée, un patron, un collaborateur ou un client. Quand vient le moment de prendre une telle décision, la seule précaution est qu'il faudra bien intégrer le contexte pour éviter la rupture. Il est aussi très important, de rester ferme. Mais de manière générale, il faut motiver son refus avec des éléments concrets. «Si on me demande de régler un problème urgent, j'accepte, mais à des conditions. Obtenir un délai ou être déchargé d'une autre tâche. Avec le temps j'ai appris à m'endurcir sans pour autant me faire passer pour un dur», souligne pour sa part Aziz Jallili, chef de projet informatique. Finalement, sachez repérer les sollicitations trompeuses ou les faux appels en détresse dont la finalité est de vous refiler une corvée. «Je n'arrive pas à faire marcher l'imprimante. Tu sais comment la faire fonctionner ?». Arrêtez les frais, vous n'entendez rien au fonctionnement des machines et vous n'avez pas le temps de l'arranger. En plus vous n'avez pas le temps, désolé ! Encore une fois, le meilleur remède reste la fermeté qui, elle-même doit être basée sur des principes solides. Le pire, c'est de s'engager, à cause d'une incapacité à dire non, sur des promesses que l'on est incapable d'honorer.