Organiser une journée mondiale de la gentillesse par les temps qui courent, commande vraiment y penser et surtout y croire. Mais avouons que c'est une idée et une décision qui mérite d'être soulignée car notre rapport quotidien à la gentillesse n'est guère simple. C'est d'autant plus vrai que nous vivons dans une société où la compétition est de rigueur, où l'incivilité est un mal quotidien, il n'est pas aisé de faire de la bienséance notre lot quotidien. Pourtant, notre équilibre fondamental passe par la gentillesse, une valeur fondamentale qui traduit notre besoin de bien être et de bien vivre. De nos jours la gentillesse n'est pas considérée comme une qualité, elle est souvent synonyme de faiblesse. Dire de quelqu'un qu'il est trop gentil par exemple nous renvoie à l'image d'une personne sotte et naïve. Même les parents qui sont sensés donner à leurs enfants l'exemple et une éducation qui soit à même de leur conférer les qualités et vertus de la gentillesse, prêchent la plupart du temps par excès et désirent que leur progéniture soit forte, compétitive, en un mot que leurs enfants soient durs Pour se faire douceur, gentillesse, altruisme, sont bannis. On entend souvent les parents dire à leurs enfants : «attention tu vas te faire marcher sur les pieds» soit plus fort, reste le meilleur, ne les laisses pas profiter, il est évident dans ces conditions que l'enfant se replie sur lui-même, perd de sa spontanéité et oublie définitivement ce que gentillesse signifie. Un principe universel Il est vrai que la vie moderne, ou du moins ce qu'on nomme comme étant telle ne nous facilite point la tâche et oblige parfois les gens à adopter des comportements bizarres. Les gens sont pressés, ils ne prennent plus le temps de vivre, de manger à table, de discuter autour d'un bon thé à la menthe, de partager leurs idées, de rire de choses et d'autres. La vie trépidante dans une grande ville comme Casablanca par exemple finit par engloutir tous les rapports humains et impose le «chacun pour soi». On assiste dans notre société, individualiste et égoïste, à une augmentation sans précédent des troubles dépressifs et anxieux. Les causes de cette situation sont le manque de chaleur humaine, l'absence de présence rassurante et protectrice de l'autre, l'effritement de la notion de famille solidaire et humaine qui donne sens à la vie. Que devons nous faire ou entreprendre pour remédier à cette situation ? Que faire pour un rayon de soleil puisse venir nous réchauffer et égayer notre triste quotidien ? Il n'y a pas trente six mille réponses ou solutions réalistes et réalisables, il y en une seule, vous l'avez deviné bien entendu. C'est la gentillesse La gentillesse, autrement dit l'attention et la bienveillance à autrui, tout cela nuancé d'empathie, qui signifie la faculté de ressentir ce que l'autre ressent ! L'écrivain Aldous Huxley déclarait : «On me demande souvent quelle est la technique la plus efficace pour améliorer sa vie, il est un peu embarrassant d'avouer après des années de recherches et d'expérimentations que la meilleure réponse est : soyez juste un peu plus gentil» Le Dalaï-lama, qui proclame que «[sa] religion est la gentillesse», partage bien évidemment cette analyse. Un principe universel ! Notre société a changé, il est loin le temps des veillées familiales chaleureuses, de l'entraide entre les voisins, du respect de l'autre, du soutien des personnes âgées ou en situation de précarité. Aujourd'hui, nous sommes trop individualistes et égotiques, une situation qui a fait naître au sein de notre société une augmentation sans précédent de dépressions et d'angoisse. En effet, ces troubles psychiques sont essentiellement dus au manque de chaleur humaine, à l'absence de présence rassurante et protectrice de l'autre, l'effritement de la famille, de la communauté solidaire et humaine qui donne sens à notre vie. La gentillesse devient ainsi un véritable outil thérapeutique. Et surtout ; lors d'une maladie ou d'une hospitalisation, plus le personnel soignant fait preuve de gentillesse avec le malade, plus il progresse, plus son état s'améliore et plus vite sera la guérison. La gentillesse accompagnée d'une présence sincère et altruiste est aussi un excellent rempart contre bon nombre de maladies. L'étude Tecumseh menée sur près de trois mille personnes (Etude de Tecumseh réalisée par le Dr Allen Nicholset parue dans American Journal of Clinical Nutrition) a ainsi démontré que les personnes seules ou mal entourées souffraient entre deux à trois fois plus de moult maladies : arthrite, infarctus, crises cardiaques, cancer, problèmes pulmonaires. Les maladies dégénératives en progression exponentielle ne sont pas en reste : les études ont prouvé que pour retarder le plus longtemps possible ce fléau, les interactions avec autrui, l'ouverture sur le monde, étaient les solutions idoines. Enfin, deux études, l'une suèdoise, l'autre finlandaise concluent que le risque de mortalité précoce est entre trois et quatre fois plus élevé lorsque les personnes souffrent de solitude. Pour une meilleure productivité Il en va de même au travail. Le fait d'être gentil permet des collaborations fructueuses. Forte de ce constat, Juliette Tournand a élaboré une méthode développée dans un livre, La stratégie de la bienveillance. Elle s'est, en effet, aperçue que les rapports de force si prégnants dans le monde de l'entreprise créaient des tensions et se révélaient finalement improductifs. D'où la nécessité pour les responsables d'entreprise d'établir des échanges, qualifiés de « gagnant-gagnant», basés sur l'écoute de l'autre et l'acceptation des diverses personnalités. Dans les sociétés, entreprises où seule la rentabilité et le profit règnent en maitres absolus et où le patron ou le chef d'équipe ne tient pas compte de l'harmonie où de l'ambiance qui peut exister entre les employés. La situation peut devenir invivable, tellement exécrable que les salariés ne restaient jamais longtemps au même endroit Les individus finissent toujours par devenir exténués et démotivés. Le climat est tellement malsain que les objectifs assignés ne sont jamais atteints. Et parfois, il suffit que le chef d'équipe change et que le nouveau se révèle être une personne extrêmement gentille, très à l'écoute des besoins des uns et des autres, des soucis et qui ne fait pas cas de sa position hiérarchique pour que la situation de l'entreprise s'améliore considérablement au niveau de l'ambiance et des résultats. La gentillesse ne vous apporte rien d'immédiat ni de systématique "en retour", mais elle crée entre l'autre et vous un climat d'apaisement et de détente. Et quand elle permet de dessiner un sourire sur un visage longtemps fermé "aux relations" pour cause de trop grande défiance... quelle joie nous envahit alors, de saisir cet instant où l'autre s'ouvre et respire enfin à pleins poumons ! À cette époque propice aux vœux, un seul et unique souhait : que l'an 2012 vous apporte santé et gentillesse !