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Deux semaines de gestation et toujours pas de gouvernement…
Publié dans La Vie éco le 01 - 11 - 2016

Le congrès extraordinaire et le conseil national du RNI décideront de la composition du gouvernement. L'Istiqlal et le PPS sont officiellement dans la majorité, l'USFP n'a pas encore tranché. Le deuxième round des négociations où il sera question de portefeuilles sera beaucoup plus animé.
Ce week-end, tous les yeux seront rivés sur Bouznika où se tient le congrès extraordinaire du RNI. Le parti de la Colombe devra choisir un autre président et une nouvelle équipe qui devrait le mener au prochain congrès ordinaire. Mais, ce n'est pas seulement pour cela qu'il attire l'attention de la classe politique. La décision de participer ou non au gouvernement se décidera, en effet, après la mise en place des instances dirigeantes du parti qui sera le dernier à être reçu par le chef de gouvernement nommé dans le cadre de ses tentations de formation du gouvernement. La décision du RNI engagera également celle de l'UC qui a décidé de joindre son sort à ce parti et former un groupe parlementaire commun. En même temps, ce 29 octobre se tiendra également le conseil national du MP. Une réunion au cours de laquelle se décidera également le positionnement de ce parti, déjà reçu en premier par Abdelilah Benkirane. En attendant, ce dernier affirme s'appuyer dorénavant sur deux alliés qui ont tranché leur position. Il s'agit de l'Istiqlal dont le conseil national réuni, le 22 octobre, a répondu par un oui sans condition à l'invitation du chef de gouvernement à faire partie de son équipe. Le conseil national est très formel, car la décision d'entrer au gouvernement Benkirane est déjà prise, et acceptée par l'ensemble des membres du parti, affirme une source du parti. Ses membres l'ont d'ailleurs voté à l'unanimité. Cela dit, on aura noté que lors de ce conseil, la réapparition de plusieurs dirigeants qui ont boycotté les réunions des instances dirigeantes ces derniers temps. Il s'agit, entre autres, de Taoufiq Hejira, président du conseil, en rupture de ban depuis 2014. C'est le cas également de Karim Ghellab, Abbas El Fassi, Yasmina Baddou, en plus des dirigeants du courant «Sans répit pour la défense des constantes de l'Istiqlal» (Bila Haouada) qui ont tous répondu présent. Le conseil national de l'Istiqlal n'a toutefois pas discuté d'un éventuel rapprochement avec l'USFP. Quant au PPS, le deuxième allié visé dans les déclarations de Benkirane, la confirmation de sa participation au gouvernement est un acquis, même bien avant l'aval, somme toute formel, de son comité central qui se réunit le 30 octobre.
En attendant du concret…
A vrai dire et contrairement à ce à quoi on pouvait s'attendre, les chefs de partis politiques n'ont, jusque-là, pas compliqué la tâche au chef de gouvernement. Au sortir de son entretien avec Abdelilah Benkirane, lundi dernier, Mohand Laenser, a déclaré à la presse que ces consultations ont «globalement porté sur l'évaluation de cette étape et la participation du MP dans un second mandat gouvernemental, comme elles ont servi à exposer les attentes du parti et de ses militants au chef du gouvernement nommé». Cependant, «la décision de la participation ou non du MP au gouvernement revient aux instances du parti et à son Conseil national, qui se réunira prochainement». Pour sa part, le secrétaire général du PPS, Nabil Benabdellah, a déclaré que son entrevue avec la direction du PJD a été l'occasion d'«échanger les vues et les différentes approches possibles en ce qui concerne la prochaine expérience gouvernementale que nous considérons avec un esprit positif». Benabdellah n'a, toutefois, pas manqué de préciser que la décision finale quant à la participation du PPS au gouvernement sera actée par les structures décisionnelles du parti, mais tout le monde le sait, ce ne sera qu'un acte formel. Le secrétaire général de l'Istiqlal, Hamid Chabat, n'a pas dérogé à cette tendance. Il a souligné, dans une déclaration au terme d'une réunion avec Benkirane, que les consultations ont été l'occasion de discuter de «plusieurs questions qui intéressent le peuple marocain et la stabilité du pays qui nous interpelle tous», notant que les entretiens «n'ont pas abordé les portefeuilles, mais plutôt l'avenir du Maroc après les élections du 7 octobre».
Une bataille pour le perchoir
Au sortir des locaux du PJD, sis au quartier des Orangers à Rabat, la direction de l'Istiqlal savait déjà que cette formation fera partie du prochain gouvernement. Ce qui a encouragé ses dirigeants a appeler à «accélérer la formation du nouveau gouvernement et (la composition des structures) de la Chambre des représentants (...) au vu des questions importantes qui attendent le prochain gouvernement». Pour ce qui est du premier secrétaire de l'USFP, Driss Lachgar, il a annoncé que son parti «œuvrera à faciliter la mission du chef du gouvernement à parachever la formation du nouveau gouvernement», soulignant que l'USFP «attend la proposition du chef de gouvernement une fois les consultations achevées pour que la vision soit éclaircie».
En somme, la question de sa participation au gouvernement n'est pas tranchée. C'est d'ailleurs la commission administrative, dont la date de la réunion n'a pas encore été fixée à l'écriture de ces lignes, qui va en décider. Cela étant, un communiqué du bureau politique, diffusé lundi dernier, maintient l'ambiguïté. A la fin du document, le bureau politique conclut : «Dans ses différents choix, l'USFP part des exigences de l'édification démocratique. Aussi ne peut-il qu'être du côté des partis nationaux démocratiques en vue de servir les masses populaires tant dans le cadre du militantisme pour le respect de la démocratie et les droits de l'Homme que pour la réalisation de la justice sociale, la dignité et l'égalité à travers des réformes globales. L'USFP considère à jamais ces principes comme étant la boussole qui commande ses orientations et son militantisme». En clair, l'USFP est loin d'avoir donné le fin mot de sa participation. Dans les coulisses, les autres membres de la défunte Koutla jouent les bons offices et se chargent de convaincre leurs amis socialistes qui, eux, disent attendre les offres concrètes avant de se décider une fois pour toutes. En attendant, le chef de gouvernement nommé doit s'atteler, d'urgence, à trouver un consensus sur la présidence de la première Chambre. Pour l'heure, trois prétendants se sont déjà déclarés, officieusement, pour le moment. En effet, l'Istiqlal veut ce poste et espère bien y voir son secrétaire général. L'USFP pourrait conditionner sa participation au gouvernement, entre autres, à l'obtention de ce poste pour lequel Habib El Malki s'est présenté ouvertement. Quant au PJD, il ne compte pas renoncer à la présidence de la Chambre à laquelle il voit déjà installer le président de son conseil national Saadeddine El Othmani. A la direction du PJD, on voit, d'ailleurs, mal comment l'USFP ose revendiquer ce poste. Lors de la dernière réunion, en fin de semaine dernière, du secrétariat général du PJD, certains dirigeants s'interrogeaient : «Comment l'USFP, qui n'avait remporté que 57 sièges en 1997, dirigeait le gouvernement et présidait, en même temps, la première Chambre, veut-il disputer ce poste au PJD qui a pourtant remporté 125 sièges alors que les socialistes n'en ont remporté que 20 ?». Bref, quelle que soit la position des uns et des autres, la réalité est telle que depuis qu'ils ont été officiellement investis, le 14 octobre, les nouveaux parlementaires n'ont toujours pas repris service.
Il y a cinq ans, les choses n'étaient pas plus faciles
Les couloirs de la Chambre restent déserts alors qu'en période normale, les commissions devraient déjà entamer les débats du projet de Loi de finances. Mais rien de cela ne peut se faire tant que les instances dirigeantes de la Chambre n'ont pas encore été mises en place.
En 2011, la gestation du gouvernement a duré trente-cinq jours, suscitant une certaine impatience dans l'opinion. Nous sommes au lendemain de l'adoption d'une nouvelle Constitution qui a largement étendu les pouvoirs et les prérogatives du chef de gouvernement. L'impatience de l'opinion publique était donc justifiée. Abdelilah Benkirane a dû, ainsi, faire face à des contraintes multiples, qui découlent justement de ses prérogatives inédites. De par ses nouveaux pouvoirs réels et étendus c'était au chef de gouvernement qu'il revenait, après avoir bouclé sa majorité, de proposer les futurs ministres qui seront nommés par le Roi. Et ce pouvoir de proposition est essentiel dès lors qu'il est exercé pleinement. En même temps, même après avoir été nommée par le Roi, la nouvelle équipe ne devait entrer en action qu'une fois investie par le Parlement, après un vote positif du programme gouvernemental. Le leader islamiste se devait, par conséquent, de constituer une majorité confortable pour obtenir la confiance de la Chambre des représentants. Et faute d'une coalition avec la Koutla, Benkirane a été amené à traiter avec l'Istiqlal, alors deuxième force parlementaire, et le PPS (qui était à l'époque plus près de constituer un groupe qu'aujourd'hui), en comptant sur l'appoint du Mouvement populaire. Les discussions entre le leader islamiste et ses partenaires politiques partaient un peu dans tous les sens. Elles ont porté sur la structure du gouvernement, la répartition des portefeuilles et le choix de leurs titulaires. Rapidement, on a fixé à une trentaine le nombre des ministres. Le PJD s'est réservé la part du lion : onze ministères, en plus de la direction du gouvernement, l'Istiqlal en obtenant six, le PPS et le MP quatre chacun. La distribution arithmétique des postes, censée refléter le nombre des sièges remportés, n'a pas fait que des heureux. Le MP n'a jamais digéré, et il a eu l'occasion de le confier ici et là, qu'il ait hérité du même nombre de sièges que le PPS alors que les deux n'avaient pas le même poids politique. Il s'était fait promettre en effet la présidence de la deuxième Chambre dont le renouvellement n'est intervenu que bien plus tard, le 2 octobre 2015, alors que la carte politique a profondément été chamboulée.
Si le partage des portefeuilles s'est globalement bien passé, le PJD a néanmoins essuyé quelques déceptions. Souhaitée par le PJD, la création d'un poste de vice-chef du gouvernement a été écartée parce que ne figurant pas dans la Constitution, il a été remplacé par un ministre d'Etat unique. De même que la division du ministère de l'intérieur en deux départements, l'un chargé du volet sécuritaire et l'autre des collectivités territoriales, réclamée également par les islamistes qui espéraient y mettre un pied, n'a pas non plus été retenue. Aujourd'hui encore, dans les coulisses les dirigeants du parti islamiste espèrent revenir à la charge sur ce point. Selon des indiscrétions qui émanent du quartier des Orangers, le fait de scinder ce ministère devrait donner une plus grande marge de manœuvre aux élus locaux et accélérer les politiques de développement local. En réalité, les islamistes tentent de réduire autant que possible le pouvoir des walis et gouverneurs en matière de contrôle administratif des collectivités territoriales.
En revanche, le chef du gouvernement a demandé et pu avoir la division du ministère de l'économie et des finances et s'est réservé le ministère délégué au Budget qui a, tout au long du mandat, constitué un œil du parti sur les finances de l'Etat. Il a également bataillé et pu obtenir le ministère de l'équipement et du transport que lui disputait l'Istiqlal. Il est à parier que, comme en 2011, la formation du nouveau gouvernement ne manquera pas de susciter quelques tiraillements entre les membres de la future majorité. En même temps, Abdelilah Benkirane devrait faire face à de nouveaux enjeux : la réduction de l'effectif qui devrait passer en dessous des 30 membres et une plus grande représentation pour la femme.
Un gouvernement ramassé et efficace digne de l'expérience précédente lui impose également d'avoir un droit de regard sur les profils proposés par ses alliés et une plus grande fermeté quant au choix des ministres de son propre parti. Ce deuxième mandat du gouvernement Benkirane est hautement plus crucial que le premier. En effet, pour reprendre un extrait du discours du Souverain à l'ouverture du Parlement, le 14 octobre, «la première législature s'est achevée après la promulgation de la Constitution de 2011. C'était une législature fondatrice, marquée par l'adoption des lois relatives à la mise en place des institutions. C'est dire que l'étape que nous abordons est autrement plus importante que les précédentes. Elle induit la nécessité de se pencher sérieusement sur les questions et les préoccupations réelles des citoyens, d'impulser l'action de service public de l'Administration et d'améliorer la qualité de ses prestations».
[tabs][tab title ="Comment le PJD va choisir ses ministres"]Le conseil national extraordinaire du PJD, qui s'est réuni samedi à Rabat, a institué une commission de proposition de noms des futurs ministrables. Cette commission, constituée en 2011 d'une vingtaine de membres, a vu son effectif passer à 42 membres. Et cela contre la volonté d'Abdelilah Benkirane, qui voulait que les membres de cet organe soient également membres du secrétariat général. Cela dit, le refus du conseil national a été perçu comme un désaveu pour le chef du parti. Concrètement, une fois cette commission constituée et les ministères affectés au PJD connus, elle proposera trois noms pour chaque portefeuille. Il reviendra, ensuite, au secrétariat général, et donc à Benkirane, d'en choisir un. En même temps, le chef du parti aura la possibilité de choisir 25% des futurs ministres proposés par le PJD en dehors de la liste qui lui sera soumise. Abdelilah Benkirane a demandé 30% mais le conseil a refusé encore une fois. En fait, la direction du PJD souhaitait s'ouvrir sur la société civile et proposer au Roi des noms de candidats qui ne sont pas membres du parti, mais qui lui auront quand même rendu service ces derniers temps. Benkirane voulait, en ce sens, une marge de manœuvre plus grande, mais le conseil national du parti a eu le dessus. Quel que soit le choix, le dernier mot reviendra au chef de l'Etat. Cela étant, l'approche étant plus démocratique qu'ailleurs, ce ne sont pas les dirigeants du parti qui décident, ils se contentent de se prononcer sur la liste qui leur est soumise par la commission de proposition. Exit donc le népotisme et le clientélisme, mais subsiste le risque de se retrouver avec des profils inaptes à assumer la charge de certains départements, notamment les plus techniques. De même, rien cependant n'a été décidé concernant les profils qui seront proposés par les partis alliés. Rien n'a été décidé non plus lorsqu'il s'agit de reconduire ou non certains ministres sortants du PJD.[/tab][/tabs]


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