Le PJD est le large vainqueur des législatives du 25 novembre, mais il n'est pas en mesure de gouverner seul. Ses 107 sièges ne lui donnent pas la majorité absolue au parlement et l'obligent à des alliances pour former un gouvernement de coalition. Une première épreuve pour Abdelilah Benkirane qui se heurte aux surenchères des formations politiques. Des partis dont les alliances pré-électorales ne résistent à leur appétit de postes ministériels. Exercice difficile pour le bouillant secrétaire général du PJD. Abdelilah Benkirane, désormais chef du gouvernement marocain, va devoir faire preuve de beaucoup de diplomatie pour réussir à former son équipe. Les 107 sièges de son parti restent insuffisants pour obtenir la majorité absolue (198) à la chambre des représentants. Les alliances sont donc obligatoires. Entamées dès mercredi soir avec le parti de l'Istiqlal, les tractations que mènent Benkirane sont plus que serrées. Si l'Istiqlal n'a pas tardé à dire «oui» à l'appel du PJD pour figurer dans le prochain gouvernement, les camarades d'Abbas El Fassi se montrent tout de même très gourmands et lorgneraient sur des postes clefs, alors que, pour certains membres du parti de Benkirane, certains portefeuilles, dont celui de la Justice et de l'Economie, restent non négociables et doivent revenir au PJD. Koutla : division ou surenchère L'USFP (Union Socialiste des Forces Populaires) est toujours divisée et promet de se décider ce week-end, à l'issue de la réunion du Conseil national du parti. La base du parti serait opposée à une entrée dans le prochain gouvernement, pour permettre à la formation de Abdelouahed Radi de se refaire une santé dans l'opposition. Un avis loin de faire l'unanimité parmi les dirigeants de l'USFP. Toutefois, dès que le PJD a exclu d'incorporer dans son cabinet «des habitués des fauteuils ministériels et des visages consommés, ils [les partisans de la participation au gouvernement] ont changé de camp», indique-t-on au sein du conseil national du parti. L'USFP, dont le secrétaire général a rencontré hier Benkirane, continue de faire monter les enchères, convaincue de son utilité pour permettre au PJD de gouverner avec la Koutla, la coalition de partis regroupant l'USFP, Istiqlal et le PPS. Cette Koutla ne tient plus; le PPS a officieusement dit «oui» à une participation au gouvernement. Chaque parti négocie sa participation, contrairement à ce que ces leaders annonçaient pompeusement avant le scrutin et juste après l'annonce des premiers résultats, samedi dernier. Elle n'est pas la seule coalition à subir des divisions. L'appétit des postes ministériels a également fait voler en éclats la fameuse alliance composée de 8 partis, que Lahcen Daoudi, numéro du PJD qualifiait de «Bande des 8». «La Bande des 8» explose Le PAM, exclu d'emblée par le PJD, s'est résigné à rester dans l'opposition. Il y est rejoint par le RNI de Mezouar qui avait pourtant des chances d'être convoqué par Benkirane. Quant aux autres formations du G8, elles attendent toutes l'appel des islamistes. «Nous avons bien travaillé ensemble [avec le PJD, ndlr] alors que nous étions dans l'opposition», rappelle du côté de son côté le Mouvement Populaire (MP). Les camarades Mohamed Laenser (MP) rêvent même de s'adjuger les ministères de l'Agriculture, de l'Education ou encore des Affaires étrangères ! L'Union Constitutionnelle (UC) dit, elle aussi, attendre que le PJD la contacte. Pour cette dernière formation, le G8 semble déjà relever de l'histoire ancienne : «il ne faut pas croire que, parce que nous sommes dans le G8, nous allons adopter automatiquement la position des autres composantes», fait savoir Mohamed Abied, son secrétaire général. L'alliance n'aura donc même pas tenu deux mois. Quels partis, quelle coalition ? Le PJD pourra-t-il gouverner comme il le souhaitait ? Rien n'est moins sûr. Les frères de Benkirane sont obligés de mettre beaucoup d'eau dans leur thé face aux scénarii qui se dessinent. Si le PJD réussit à obtenir le soutien de la Koutla, le gouvernement disposera d'une majorité confortable (224 sièges). Avec les hésitations de l'USFP, Benkirane pourrait être obligé de se tourner vers « les restes du G8 ». Le PJD pourrait ainsi se tourner vers le MP (32 sièges), issu, à l'instar du parti de la lampe, de l'ex Mouvance Populaire. Avec la participation du PPS, la coalition pourra tenir. Mais sans les camarades de Nabil Benabdallah (PPS), le trio PJD, Istiqlal, MP se limitera à 199 sièges, soit la majorité absolue plus un seul siège. Une situation très inconfortable. Le chef de file des islamistes pourrait compter sur les 23 sièges de l'Union Constitutionnelle pour totaliser 222 sièges, mais à quel prix et pour quels résultats ?