En annonçant, dans l'euphorie de la victoire, que «le PJD était ouvert à toutes les alliances», les responsables du parti de la lampe étaient loin de se douter qu'ils avaient ouvert la boîte de Pandore. Le premier à se rendre de l'évidence sera assurément le fraîchement nommé chef de gouvernement, qui a été, juste après sa consécration, chargé par le roi de former son équipe. Cet exercice ne s'avère pas aussi simple pour Benkirane, en dépit de ses 107 sièges parlementaires et du renfort que ne manqueront pas de lui apporter les partis avec lesquels il formera sa coalition. Constitutionnellement, c'est la majorité parlementaire qui devra, en principe, donner naissance à la nouvelle coalition gouvernementale, mais, dans les faits, c'est cette dernière qui servira de base d'accord pour la constitution de la majorité parlementaire. C'est d'ailleurs ce qui compliquera la tâche de Abdelilah Benkirane et de son parti. En effet, c'est de «la générosité politique» dont il fera preuve lors de la distribution des postes ministériels que le Parti de la lampe pourra s'assurer d'une majorité confortable au Parlement. Plus de trois jours après la publication officielle des résultats définitifs du 25 novembre dernier, les partis politiques semblent encore végéter dans une sorte de position expectative. Seuls le PAM, exclu d'office, et le RNI, qui ont annoncé clairement leur décision de passer dans l'opposition. Chez les autres partis, l'heure est encore aux hésitations. En dehors de l'Istiqlal qui n'a, dès le départ, fait aucun mystère de sa volonté de participer à la coalition que mènera le PJD, la question est au centre des réunions qui se succèdent au niveau des autres formations politiques sur les conditions d'une éventuelle participation au gouvernement. C'est une décision difficile à prendre parfois au sein d'une même coalition, comme l'a expérimentée l'Alliance pour la démocratie menée par le RNI, le PAM, l'UC et le MP, qui avait tenté une réponse commune dès le lendemain de la proclamation des résultats. Concessions Le PJD saura t-il faire les concessions nécessaires pour ratisser large et réduire l'opposition à sa stricte définition ? En tout cas, cela devrait servir de base solide pour la traduction dans les faits du programme commun de l'alliance qui sera le soubassement de la politique générale du futur gouvernement pendant la prochaine législature. Les contours d'une alliance du PJD avec l'Istiqlal se dessinent chaque jour un peu plus, sauf que le parti de l'ancien Premier ministre conditionne sa participation par celle de ses alliés de la Koutla démocratique (Istiqlal, PPS, USFP). Cette éventualité séduit d'ailleurs les dirigeants du PJD, lequel s'assure, par la même occasion, d'une majorité qui risque de flirter avec la majorité des deux tiers. «La Koutla démocratique a atteint une certaine maturité et nous intéresse», avait déclaré Benkirane, évoquant les partis avec lesquels le chef de gouvernement entamerait ses consultations. Toutefois, au vu de leur score aux dernières élections, l'USFP et le PPS, qui constitueraient, dans ce cas, l'autre aile de la coalition, risquent de ne pas peser lourd dans la gestion des affaires de l'Etat. Du coup, des voix s'élèvent au niveau de ces partis pour appeler à une cure de jouvence dans l'opposition, surtout que dans le passé, ils s'étaient alliés contre la montée annoncée du PJD. Cela avait eu pour conséquence de cantonner le parti de la lampe, depuis sa création en 1998, dans l'opposition, sans avoir un seul véritable allié au niveau de toute la classe politique, forte d'une trentaine de partis. Il partageait d'ailleurs ce rôle de parti d'opposition avec le PAM, avec qui il n'a jamais été en odeur de sainteté. L'alliance avec la Koutla ne semble pas encore acquise pour Benkirane, qui doit élargir son éventail pour s'assurer des garanties nécessaires, surtout que le parti s'est donné un délai maximum d'un mois pour constituer sa majorité. Cette quête qui pourrait l'amener à débaucher, même au niveau de ses adversaires. Appel du cœur Parallèlement, et à défaut de prendre la même route que l'USFP et le PPS, le PJD trouvera certainement en le MP un allié intéressant pour lui et l'Istiqlal. Maintenant, est-ce que le Mouvement populaire faussera la route à ses alliés du G8 ? La question reste en suspens à l'heure actuelle, à l'image de ce qui se passe au niveau de la direction du parti, divisée entre le respect des engagements souscrits à la veille des élections avec les autres partis du G8 et l'éventualité d'une participation au gouvernement. Un des hauts responsables des harakis, Lahcen Haddad a publiquement reconnu que la question fait actuellement objet d'un farouche débat au niveau du parti, n'écartant pas la piste d'une alliance avec le PJD, «avec lequel nous sommes d'ailleurs proches, vu que nous sommes issus de la même mouvance populaire», a-t-il ajouté. Pour le moment, le parti s'est seulement engagé «à servir les causes et intérêts suprêmes du pays, quel que soit son positionnement sur l'échiquier politique», dans une déclaration publiée mardi dernier qui a encore ajouté à la confusion. Il s'agit là d'un véritable appel du pied, qui ressemble un peu plus à la position du PPS qui, sans se prononcer sur la question, s'est félicité de «la résistance des partis de la Koutla» lors du dernier scrutin et a fustigé poliment le G8. Ce qui laisse transparaître la position du Parti du livre, dont le comité central se réunira prochainement pour décider. La conjoncture politique reste encore assez floue, à l'heure de l'entame des négociations pour la formation du gouvernement. À défaut de s'appuyer sur la Koutla, le PJD risque d'ajouter une autre victoire à son tableau, celle de réorganiser l'échiquier politique national. La seule certitude réside en ce que le PJD ne pourra en aucun cas se passer de l'Istiqlal, avec lequel une alliance (167 sièges), formera une solide base à la future coalition. Cela place le parti de la balance en position de force...