La pratique démocratique prend peu à peu forme au Maroc. 30 heures après l'annonce des résultats définitifs du scrutin législatif du 7 octobre, le roi a nommé Abdelilah Benkirane à la tête du gouvernement. Mais celui-ci attendra, par « courtoisie constitutionnelle », l'ouverture solennelle du parlement par Mohammed VI, vendredi 14 octobre, pour entamer ses consultations officielles avec les partis. D'ici là, la réflexion et les déclarations ont déjà commencé. Ainsi, dans une déclaration faite aux médias, Abdelilah Benkirane a émis l'idée que ses premières discussions seront avec les partis de la majorité sortante, ce qui est une attitude logique et saine pour la construction structurelle des majorités. Le PJD a renouvelé sa confiance auprès des électeurs, qui ont en revanche sanctionné assez rudement ses alliés. Mais Benkirane a précisé à Akhbar Alyoum : « J'ai travaillé avec des gens et je me dois de les entendre et de recueillir leurs avis avant d'aller vers d'autres formations ». La démarche et la logique sont bonnes. Et donc, si on est presque sûr que le PPS fera partie de la future alliance gouvernementale, et aussi mais dans une moindre mesure le MP, il en va autrement pour le RNI, en pleine tourmente post-électorale. Le président Mezouar est démissionnaire, un congrès extraordinaire devra se réunir dans les semaines qui viennent et, bien que les RNIstes piaffent de voir leur parti faire partie de la nouvelle majorité, il sera bien difficile de prendre une décision dans les conditions actuelles du Rassemblement. Quant aux partis (de ce qui reste) du Mouvement national, Istiqlal et USFP, ils ont également indiqué du bout des lèvres leur (forte) envie d'entrer au gouvernement, mais ils œuvrent à maintenir les apparences et à sauver la face. L'Istiqlal, par communiqué, a indiqué que le scrutin législatif a été émaillé de plusieurs irrégularités, « ce qui a changé au dernier moment le résultat de circonscriptions en principe revenant à l'Istiqlal ». Cela étant, il a également précisé que « la stabilité se fait dans le cadre d'un consensus et de la reconnaissance de tous les enfants de cette nation, quelles que soient les divergences et leurs références ». Ce qui porte à croire que le parti est partant pour le gouvernement, comme l'indique la présence de plusieurs membres du Comité exécutif présents à la réunion de l'instance dirigeante de l'Istiqlal, après plusieurs mois d'absence, à l'exception du président du Conseil national, Taoufiq Hjira. Hamid Chabat a, lui, expliqué, que sa formation attend une proposition du chef du gouvernement désigné, à laquelle il sera donné suite en fonction de certains conditions, dont semble-t-il le poste de président de la Chambre des représentants, selon un membre du CE qui a requis l'anonymat. Pour ce qui concerne l'USFP, encore sous le coup du sévère verdict des urnes, elle se prépare également à recevoir un appel du chef du gouvernement sortant et reconduit. La décision sera prise par le Bureau politique de répondre favorablement ou non à une demande de Benkirane et la Commission administrative sera sollicitée après. L'affirmation du Bureau politique selon laquelle le PJD s'est appuyée sur des associations religieuses pour enlever plus de sièges participe donc d'une politique de surenchère, dans l'objectif d'amadouer le PJD en le mettant dans une position "embarrassante".