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Le raisonnement par l'absurde dans la question du Sahara
Publié dans Barlamane le 06 - 03 - 2025

Les articles de presse, à eux seuls, ne suffiront pas à analyser et à réfuter les thèses non scientifiques défendues par une partie de la gauche européenne dans son soutien au projet franco-algérien concernant la question du Sahara marocain. Une telle entreprise requiert des études approfondies, fondées sur un retour aux archives riches en documents, tant au Maroc qu'en Espagne et en France, où les chercheurs trouveront une abondance de matériaux scientifiques mettant en lumière les contre-vérités des adversaires de l'unité territoriale du Maroc.
Il existe une autre méthode, que j'ai personnellement expérimentée avec succès : lire attentivement les écrits de ceux qui tentent de défendre ce projet sous un vernis scientifique. Cette démarche m'a conduit à une conclusion diamétralement opposée à leurs affirmations, ce que j'ai appelé le raisonnement par l'absurde dans la question du Sahara. Ce type de raisonnement, connu en logique et en mathématiques sous le nom de raisonnement par l'absurde (reductio per absurdum), consiste à démontrer qu'une proposition est vraie en prouvant que son contraire est faux.
Parmi les textes auxquels j'ai appliqué cette approche figure un colloque "scientifique" organisé par la Ligue française des droits de l'homme dans la banlieue parisienne de Massy, les 1er et 2 avril 1978. Les actes de ce colloque ont été publiés sous le titre Le Sahara occidental, un peuple et ses droits. Pendant deux jours, des professeurs en sciences humaines, issus de la gauche française, se sont relayés pour tenter de définir l'identité du prétendu "peuple sahraoui".
L'introduction de ce colloque a été confiée à un sociologue du nom de Francis de Chassey, chargé de présenter le cadre géographique, historique et sociologique du sujet. Dès le début de son intervention, il a averti que nombre des affirmations et jugements qu'il allait exposer étaient d'emblée arrêtés, justifiant cela par le fait qu'"il n'y a pas de problématique sans idées préconçues, implicites ou explicites". C'était la première fois que je voyais une problématique aboutir à ses conclusions avant même de passer par l'analyse et la recherche.
En évoquant la région étudiée, c'est-à-dire le "Sahara occidental", cet universitaire la désigne sous l'appellation de "République arabe sahraouie démocratique". Comme le dit un proverbe marocain : "Il a célébré la victoire avant même la bataille".
Il poursuit son exposé en décrivant l'organisation tribale du Sahara et cite le concept d'asabiyya emprunté à Ibn Khaldoun, mais en en détournant totalement le sens. Selon lui, "il doit exister un minimum de solidarité tribale pour qu'une tribu puisse se constituer en entité responsable, se considérant comme l'héritière directe de la nation arabo-islamique, sans passer par aucune médiation spirituelle ou temporelle". L'objectif d'un tel contresens est clair : nier les liens religieux et politiques unissant les tribus sahariennes à l'autorité centrale marocaine. Or, chez Ibn Khaldoun, l'asabiyya désigne la solidarité entre les membres d'une tribu, leur attachement à leur identité et leur défense de celle-ci, et non une quelconque revendication d'un rôle de dépositaire exclusif de la nation arabo-islamique.
Ce n'est là qu'un exemple parmi tant d'autres. Tous les exposés de ce colloque sont truffés d'erreurs sur la société marocaine et les tribus sahariennes, tant sur le plan historique que sociologique. Les conférenciers ont déployé d'immenses efforts pour attribuer au supposé "peuple sahraoui" des caractéristiques spécifiques, telles que la langue hassanie, le système de la siba, l'organisation en jama'a ou encore l'institution des Aït Arbain comme structures prétendument distinctives. Pourtant, tout étudiant en sociologie au Maroc sait que ces formes d'organisation sociale sont répandues dans toute la région et particulièrement parmi les tribus marocaines.
Les universitaires de gauche réunis à Massy ont également commis une autre erreur fondamentale : ils ont unanimement défendu l'idée que le contrôle administratif et militaire d'un territoire constitue la seule preuve de souveraineté. Il s'agit là d'un concept propre au droit occidental, qui ne peut être transposé au contexte marocain. Au Maroc, la souveraineté s'est historiquement exercée avant tout sur les populations, et non exclusivement sur le territoire. Ce phénomène n'est pas limité au Sahara, mais s'observe également aux abords des grandes capitales comme Marrakech, Fès, Meknès et Rabat, où les relations entre l'autorité centrale et les communautés locales ont connu des fluctuations, sans jamais rompre le lien fondamental de souveraineté.
Ce colloque est devenu une sorte d'Evangile pour la gauche française, au même titre que l'ouvrage de l'intellectuel mauritanien Ahmed Baba Miske (1935-2016), Le Polisario, l'âme d'un peuple, publié en 1978. Dans ce livre, Miske falsifie grossièrement l'histoire de la région et ne cache pas sa jubilation face à la destruction de l'Armée de libération marocaine (Jaysh at-Tahrir). Il admet pourtant que "des dizaines de Mauritaniens et de Sahraouis" avaient rejoint cette armée, qui avait libéré une grande partie du Sahara avant d'être écrasée par une coalition franco-espagnole. "Elle fut démembrée en mille morceaux", écrit-il avec une satisfaction à peine dissimulée.
Miske adopte la vision occidentale en affirmant que "le colonialisme a engendré un nouveau nationalisme, contraint d'accepter les frontières tracées par les puissances coloniales". Il ajoute : "Les étrangers ne comprennent pas la question de l'unité territoriale historique". Quant à l'avis de la Cour internationale de justice (CIJ), il prétend qu'elle aurait reconnu l'existence de liens entre les populations de quatre Etats frontaliers sans reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara ni l'existence de relations administratives.
Enfin, en quête d'une identité pour le supposé "peuple sahraoui", Miske conclut en affirmant : "Le Sahraoui, dès son plus jeune âge, est habitué aux razzias. Lorsqu'il tue son ennemi, il se laisse pousser une mèche de cheveux appelée 'le corne'".
Ne trouvez-vous pas là une démonstration parfaite du raisonnement par l'absurde ?


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