L'accompagnement social du relogement et recasement pose toujours problème. En deux ans, plus de 58 000 logements construits pour un investissement de plus de 13 milliards DH. La cadence annuelle de démolition des baraques est de 25 000 contre 5 000 avant le lancement du programme. Le gouvernement compte passer à 50 000. Le programme national «Villes sans bidonvilles» (VSB) a fêté, lundi 24 juillet, ses deux années d'existence. L'occasion pour le ministère chargé de l'Habitat et de l'urbanisme d'en faire le bilan. Deux années après son lancement, le programme a connu une réussite telle qu'il se permet des pointes d'euphorie. Pourtant, pas moins de 16 322 logements, destinés à accueillir les bidonvillois aux quatre coins du pays, demeurent inhabités, et ce sachant que 58 477 logements au total ont été construits . L'inadéquation entre le rythme effréné des constructions et celui, beaucoup plus lent, du déplacement des populations en est la cause. «C'est essentiellement dû à la résistance des bidonvillois qui refusent de quitter leurs baraques pour habiter un logement en dur», explique un haut cadre du ministère de l'Habitat. L'exemple le plus édifiant est celui du programme de relogement du bidonville Douar Lâaskar à Fès. Au printemps dernier, les habitants ont refusé de prendre possession des logements que l'ERAC Centre-Nord leur avait construits, arguant de leur étroitesse par rapport aux grandes superficies qu'ils occupaient, même si c'est dans des baraques. Dans d'autres villes, les bidonvillois refusent catégoriquement de s'acquitter de leur quote-part, comprise généralement entre 45 000 et 50 000 DH selon les programmes. «Les enjeux électoraux, qui seront de plus en plus importants au fur et à mesure que l'échéance de septembre 2007 se rapprochera, ne sont pas pour arranger les choses», souligne la même source. Les habitants des bidonvilles espèrent en fait monnayer leurs voix contre une exonération de leur quote-part. Ce problème mis à part, il convient de noter que le programme VSB a plutôt rempli ses objectifs. Il vise l'éradication de tous les foyers d'habitat insalubre dans le milieu urbain à l'horizon 2010. «Casablanca fait cependant exception, l'objectif ayant été fixé à 2012 en raison de l'énormité du chantier dans la métropole et de la multitude des problèmes rencontrés», souligne Ahmed Taoufiq Hejira, ministre chargé de l'Habitat et de l'urbanisme. Ces deux années de travail d'équipe entre les collectivités locales, les services centraux et locaux de ce département ministériel ainsi que les autorités locales (les walis et gouverneurs en première ligne) ont permis la signature de 53 contrats de villes pour un total de 217 000 ménages bénéficiaires. Le programme dans sa globalité vise 82 contrats-villes pour permettre à quelque 277 000 ménages, logeant dans des conditions insalubres, d'accéder à un habitat décent. Débarrasser les villes marocaines de leurs bidonvilles coûtera en tout près de 20,4 milliards de DH. L'Etat y participera à hauteur de 7,4 milliards de DH. Essaouira, Fkih Ben Salah et Fnideq définitivement sans bidonvilles Il faut savoir que, jusqu'à présent, les 127 391 logements en chantier (58 477 sont fin prêts) ont coûté la bagatelle de 13,10 milliards DH avec une participation étatique atteignant près de 5,8 milliards DH. En deux années, la cadence de démolition des baraques est passée de 5 000 par an (avant le lancement de VSB)à 25 000 (depuis juillet 2004). «Mais c'est un rythme qui demeure insuffisant si l'on veut atteindre notre objectif à l'horizon 2010», commente pour sa part Mohamed Najib Hilmi, directeur du logement social au sein de ce département ministériel. Selon les calculs de Taoufik Hejira, il faudrait en démolir 50 000 par an. «L'Habitat, assure-t-il, peut garantir la construction d'autant d'unités de recasement (lots et logements). Reste à savoir si les autorités locales ont la capacité de démolir autant de baraques». Cela dit, en deux années, les résultats du programme commencent déjà à se faire sentir sur le terrain. A fin janvier 2006, trois villes se sont complètement débarrassées de leurs bidonvilles. Ces champions nationaux ne sont autres qu'Essaouira, Fkih Ben Salah et Fnideq. La première, dont la convention VSB a été signée en mai 2005, comptait 133 ménages bidonvillois, qui ont été relogés et recasés moyennant un programme de 7,6 MDH. Quant à la deuxième, Fkih Ben Salah, donnée en exemple (convention VSB signée en mai 2005 également), elle comptait 200 ménages bidonvillois, qui ont vu leurs conditions de logement s'améliorer contre la somme de 12 MDH. Pour ce qui est de Fnideq, et même s'il n'y a pas de contrat VSB entre les autorités et le ministère de l'Habitat, elle a réussi à recaser ses 66 ménages bidonvillois. D'autres villes peuvent également être citées en exemple. C'est ainsi que Béni Mellal arrive à un taux d'exécution de son programme VSB de l'ordre de 92 %, 291 de ses 317 baraques ayant été balayées. Khouribga, pour sa part, atteint un taux de 88 % avec 1 425 baraques radiées sur un total de 1 620. Précisément, pour Khouribga, «la performance est remarquable car, jusqu'au milieu des années 1990, elle comptait l'un des plus grands taux d'implantation de bidonvilles à l'échelle nationale», souligne le directeur du logement social au ministère de l'Habitat et de l'urbanisme. Le score réalisé par Bouznika est également à souligner. La petite ville à mi-chemin entre Rabat et Casablanca a réussi à éradiquer 221 des 266 baraques qu'elle comptait avant la signature de sa convention VSB. Montant alloué à cette opération : 83 MDH. Les retardataires : Rabat, Casablanca et El Jadida Evidemment, le programme n'avance pas partout à la même cadence. Sur d'autres villes, le taux d'éradication des bidonvilles n'arrive même pas à franchir le seuil critique de 50 %. C'est le cas de Marrakech (39 %), Tanger (36 %) ou encore Kénitra (34 %). Certaines villes affichent même des scores plus que dérisoires avec des taux d'éradication inférieurs à 10 %. On citera la lanterne rouge du programme, Boujaâd, qui se satisfait d'un minuscule taux de 2%. Sur les 687 ménages que compte cette petite ville, seuls 13 d'entre eux ont pu être recasés. El Jadida enregistre elle aussi un timide taux de 3 %, ne réussissant à régler la situation que de 49 de ses 1 949 ménages bidonvillois. Elle était pourtant parmi les premières villes à signer une convention VSB, en décembre 2004, pour un investissement prévisionnel global de 51 MDH. Dans cette course aux taux les plus faibles, citons des villes comme Tétouan qui n'a réalisé que 4 % de son objectif avec 31 ménages relogés sur les 700 qui devraient l'être avant la fin 2006, comme le stipule son contrat VSB signé en décembre 2004. Casablanca est également à citer parmi les «mauvais élèves» puisque la métropole n'a réussi que le très faible score de 6 %. La preuve, seules 3 985 des 64 000 baraques que compte la capitale économique ont pu être éradiquées. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet état de fait: difficultés à disposer d'une assiette foncière, multitude des intervenants locaux et complexité de la structure sociale des bidonvillois casablancais. Pire, la métropole ne dispose toujours pas de sa convention VSB. La capitale administrative, Rabat, ne fait pas mieux. Pourtant, ironie du sort, elle avait été la première ville à signer son contrat VSB en juillet 2004 en présence du Souverain. A ce jour, elle n'a réussi qu'un modique taux de réalisation de 14 %. La sortie du ministre pourrait susciter une émulation et activer la cadence. A moins que l'Etat, comme promis dans de pareils cas, passe à la résiliation pure et simple du contrat. Espérons qu'on n'en arrivera pas là ! Innovation Des photos satellites pour traquer les bidonvilles La clé de la réussite de «Villes sans bidonvilles» est d'arrêter la prolifération de l'habitat insalubre dans les différentes régions du Maroc. Pour suivre de plus près le développement de ces foyers d'insalubrité, le ministère de l'Habitat et de l'urbanisme a eu recours aux images satellites. 35 villes sont ainsi concernées. Les résultats de cette couverture devront être prêts vers la fin de l'année 2006. Procédure Des conventions tripartites Le programme «Villes sans bidonvilles» repose sur une convention signée dans chaque ville entre les autorités, les collectivités locales et le ministère chargé de l'Habitat et de l'urbanisme, qui fixe les objectifs à atteindre et les délais à respecter. La participation locale est d'essence technique et logistique, surtout pour ce qui se rapporte aux relations avec la population concernée. Il est également du devoir des collectivités locales d'assainir le foncier nécessaire et de le céder à l'établissement public d'habitat à des prix préférentiels.