Débat à la Fondation Abderrahim Bouâbid Des intellectuels maghrébins s'interrogent sur le martyre musulman, considéré par certains comme un acte de suicide mais par d'autres comme un témoignage du Jihad. La fondation Abderrahim Bouabid a organisé, le jeudi 5 juin, un colloque scientifique sous le thème du martyre musulman. Cet évènement a été marqué par la présence de plusieurs intellectuels marocains et étrangers. Le thème choisi revêt une grande importance dans les milieux scientifiques. Tout le monde s'interroge sur le mystère qui marque le martyre en tant qu'action individuelle qui se répercute sur la société toute entière. L'objectif de cette rencontre a été de mettre la lumière sur la question. Au début du colloque, le professeur M.Arkoun a tenté de situer l'acte du martyre musulman dans l'histoire universelle. Selon lui, l'origine du mot “martyre” remonte au 3ème siècle de l'époque romaine. Il fut l'action de ceux qui préférèrent la mort à la supériorité de César. En Islam, le martyre est considéré comme une composante fondamentale du Jihad, particulièrement à l'époque du prophète. A l'heure actuelle, cet acte refait surface dans le comportement des fondamentalistes qui préfèrent se donner la mort pour rejoindre le monde éternel. D'après le professeur Arkoun, ce phénomène marque non seulement les pays arabo-musulmans mais aussi les pays occidentaux, à l'image de la France qui ne semble pas à l'abri du fondamentalisme. A la fin de son intervention, Arkoun a relevé la complexité de la question dans la mesure où elle résulte de l'imbrication d'une trilogie problématique : Dieu, le Jihad et le martyre. Ensuite, c'est le professeur Darif qui a pris la parole en mettant l'accent sur la représentation de la notion du martyre dans la pensée des organisations islamistes. D'abord, il a souligné l'importance du martyre dans le comportement religieux des musulmans. Ensuite, Darif a relevé la centralité de la mort dans les convictions religieuses des Musulmans, particulièrement chez le “Moujahid” qui se considère comme un combattant de Dieu et non pas comme un suicidaire fanatique. Selon le professeur, le martyre remplit une fonction principale qui consiste à instaurer la souveraineté de Dieu sur le monde terrestre. De fait, son action devient un “fait social” qui fait partie d'une “industrie de la mort”, selon les termes de Hassan Al Banna. Un fait social destiné à combattre les infidèles et les impies. Du coup, le champ du martyre s'élargie au fur et à mesure que les Musulmans s'écartent du droit chemin. C'est pourquoi, estime le professeur, l'acte du martyre est très convoité par les moujahidines qui usent de tous les moyens technologiques (bombes, Internet…) pour instaurer la supériorité divine d'Allah. Le troisième intervenant de la soirée a été le professeur tunisien, Chérif Ferjani qui a tenu à situer le martyre dans un contexte historique. D'après lui, l'acte du martyre musulman illustre la “relativisation de la mort” qui représente une transition vers la vie éternelle. Et il a ajouté que cet acte s'inscrit dans une logique du Jihad, ancrée dans la tradition de la religion musulmane. En se donnant la mort, les martyrs, estime le professeur Marjane, cherchent la solution qui passe inévitablement par un sacrifice de la vie humaine. Cette vie humaine qui, selon le chercheur tunisien, garantit à l'homme sa dignité et sa valeur universelle.