Devant l'ampleur de la tragédie, l'énormité de la catastrophe, les morts, nos mots de tous les jours se révèlent soudain pour ce qu'ils sont réellement, faibles, pauvres, sans force, ni consistance ni portée. Des vocables chétifs, étriqués, usés, jaunis. Inefficaces et, à la limite, inutiles ! Avec quels mots donc, et qui ne soient pas galvaudés, dire la surprise, l'indignation, le deuil et la colère ? Dans le fracas des bombes et l'explosion des corps, comment pouvoir dire simplement les choses qui réconfortent, consolent ou rassurent ? Oui, simplement les dire, ces choses indicibles, le sang, la sueur, les larmes, les cervelles éclatées, les crânes fracassés, les corps mutilés, le chagrin d'un enfant, la détresse d'une mère, les sanglots d'une épouse ! “ Seul le silence est grand ”, disait Vigny. Mais même le silence, par les temps de malheur et de misère que nous vivons, n'est plus audible et n'aide plus à exorciser les démons malfaisants, jamais apaisés, jamais “ dormants ” d'un terrorisme aveugle et destructeur ! Mais alors, mais alors, ni même les mots n'ont plus grande signification, à quoi servons-nous, quelle est notre utilité dans la cité ? L'homme a un besoin vital de compréhension et de solidarité avec ses semblables. Et les mots, même usés, même éculés, fugaces et éphémères, restent le seul moyen que nous ayons de nous comprendre et de nous sentir solidaires. Je parle des hommes, dans leur dure “condition humaine”, de leur lutte constante pour le bien-être, dans leurs aspirations et leurs espérances humaines qui vivent, peinent et triment pour que l'humanité progresse un peu plus, chaque jour. Je ne parle que de ces hommes-là. Non des “ bêtes féroces ” qu'on lâche sur nous et qui, aveugles ou criminels conscients, vont dans le calme d'une soirée printanière semer l'horreur et le deuil parmi les honnêtes gens. Ceux-là, bien évidemment, ne méritent ni indulgence ni pardon. Les théoriciens du terrorisme, les commanditaires des attentats, les kamikazes conscients ou trompés, sont tous à mettre dans le même sac, dans la même poubelle ! A quelque chose pourtant malheur est bon. Les événements du 16 mai, à Casablanca, ont démontré que le peuple marocain, dans son immense majorité, ne s'est pas trompé d'ennemi. Il a vite compris que l'objectif premier de ses adversaires est de faire avorter la jeune expérience démocratique au Maroc. Ils en veulent à nos libertés pourtant chèrement acquises, ou en voie de l'être. Les forces obscurantistes n'ont qu'à s'y faire. Malgré eux, contre eux, nous poursuivrons notre combat pacifique pour plus de démocratie. Et que les kamikazes explosent de colère ?