Il y a toujours quelque chose d'émouvant dans la chute d'un puissant. Soudain déchu de son pouvoir et de sa gloire, il apparaît pour ce qu'il n'a jamais cessé d'être : un homme fragile et vulnérable, jamais tout à fait à l'abri des faux-pas ou des mauvais coups. Face à ce pathétique spectacle, on se sent humainement touché. Et la compassion n'est pas loin. L'audience royale, la haute décoration, la réception offerte en son honneur, tout cela le réconforte aujourd'hui. Il le dit hautement, semblant ignorer que cet “excès” d'honneurs soulignait plus fortement la disgrâce, la rendant solennelle et irréversible. Après de tels adieux, il n'est plus de retrouvailles possibles. Mais Driss Basri -c'est de lui qu'il s'agit, vous l'avez deviné !- ne semble pas être de cet avis. Il croit dur comme fer qu'il a peut-être un rôle à jouer encore, qu'on ne peut réellement se passer de lui, de ses compétences, de son expérience et… des secrets qu'il connaît et dont “seul Hassan II” détenait la clé, avait-il naguère déclaré. Grandeur et décadence. Je pense à l'Albatros de Baudelaire : “Ce voyageur ailé qu'il est gauche et veule. Lui naguère si beau, qu'il est comique et laid”. On s'attendait à du panache. A de la résistance, peut-être, à de la contestation. On souhaitait même la rédaction de mémoires vengeurs et sulfureux. Las, on se trouve devant une simple demande d'emploi. Après avoir eu à ses ordres, durant des décennies, l'administration de tout le Royaume, le voici acculé à demander d'être embauché -une deuxième fois- parmi les gens du Makhzen, dévoués au Trône alaouite. Des mauvaises langues prétendent quant à elles que si une espèce de divorce entre feu Hassan II et les masses populaires a bien failli avoir lieu, c'est bien parce que Basri et ses semblables y ont sciemment poussé. Driss Basri a été sans conteste l'un des artisans, l'un des architectes de ce qu'on peut nommer “le complot permanent” dirigé principalement contre la Monarchie. Et à partir de là, il tissa la vaste toile sécuritaire qui a emprisonné le Maroc durant tout “son règne”. Mais aujourd'hui où, sous la conduite moderne et démocratique de S.M. le Roi Mohammed VI, la chape sécuritaire commence à s'estomper, les gens respirent mieux et se sentent plus libres. Pourquoi ? Simplement parce que Driss Basri n'est plus là. Répétons à notre gré le célèbre vers de Lamartine : “un seul être vous manque et tout est dépeuplé”.