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Un troisième courant se crée au sein de l'USFP
Publié dans La Gazette du Maroc le 14 - 04 - 2003


A cause de l'attentisme d'Elyazghi
Mohamed Elyazghi était sorti grand vainqueur du VI ème Congrès du parti. Paradoxalement, il n'a cessé de perdre du terrain depuis. Ce qui irrite une partie de ses partisans qui lui reprochent son attitude estimée trop “ attentiste ”.
Les déçus commencent à se regrouper au sein d'un troisième courant, formé autour du noyau des actionnaires Mohamed Elyazghi était sorti grand vainqueur du VI ème Congrès du parti. Paradoxalement, il n'a cessé de perdre du terrain depuis. Ce qui irrite une partie de ses partisans qui lui reprochent son attitude estimée trop “ attentiste ”.
Les déçus commencent à se regrouper au sein d'un troisième courant, formé autour du noyau des actionnaires
d'Al Ahdath Al Maghribya membres du Bureau politique de l'USFP d'Al Ahdath Al Maghribya membres du Bureau politique de l'USFP.
“ Sincèrement, je ne comprends plus M. Elyazghi ! ”, avoue non sans un brin d'amertume cet Ittihadi de longue date qui a côtoyé de près le long itinéraire du Premier secrétaire adjoint de l'USFP. En effet, Mohamed Elyazghi qui est apparu comme le grand vainqueur du VIème Congrès national du parti, qui s'est tenu fin avril 2001 à Casablanca, ne semble pas avoir réussi à capitaliser ce succès et ne cesse, au contraire, de perdre de son influence depuis. Ainsi, il n'a pas fallu longtemps à Abderrahman Youssoufi pour redresser la barre et reprendre l'initiative.
Le premier geste dans ce sens a été la désignation de Khalid Alioua, devenu son bras droit, aux fonctions de directeur de la rédaction de l'organe officiel du parti. A ce propos, le quotidien Al Ittihad Al Ichtiraki joue le rôle d'un pouvoir institutionnel et celui qui détient le poste tient les rênes du parti. Logiquement, cette décision devait être entérinée par la Commission administrative, ou tout au moins par le Bureau politique de l'USFP. Mais Youssoufi est passé outre. Les proches de Mohamed Elyazghi essayèrent bien de pousser ce dernier à réagir. En vain.
Par la suite, lors de la désignation des candidatures pour les têtes de liste des législatives de septembre 2002, Youssoufi parvint de même à imposer ses hommes dans certaines circonscriptions casablancaises, en dépit de l'opposition ferme de responsables locaux. Citons en particulier l'architecte Youssef Benjelloun Touimi, le représentant du parti à la circonscription de Casa-Anfa, connu pourtant pour être très proche d'Elyazghi. Là aussi, le Premier secrétaire adjoint resta de marbre. Il ne fit rien pour appuyer la position de ses partisans dans la capitale économique ou tout au moins d'amener Youssoufi à justifier sa décision. Ce n'est que bien plus tard, lors d'une réunion du Bureau politique tenue début 2003, qu'Abderrahman Youssoufi daigna expliquer que les membres de la direction avaient, en fait, le plein droit de se présenter aux élections législatives là où ils voulaient. Ce qui était le cas pour Khalid Alioua, membre du B.P. de l'USFP, qui avait délogé Youssef Benjelloun de la circonscription législative d'Anfa.
Enfin, le dernier exemple de l'éclipse d'Elyazghi est illustré par les circonstances qui ont entouré la nomination des ministres usfpéistes du gouvernement formé par le technocrate Driss Jettou. Ainsi, bien que Youssoufi fut écarté de la primature qu'il lorgnait avec assurance, convaincu qu'elle devait logiquement lui revenir puisque l'USFP qu'il dirigeait s'était classée en tête lors des législatives de septembre, il s'est rattrapé en imposant ses protégés à la
quasi-totalité des postes proposés au parti. Elyazghi parvint à peine à sauvegarder pour lui-même le ministère de l'Aménagement du territoire qu'il occupait déjà sous le gouvernement d'alternance, mais il sera amputé de l'important département de l'Habitat et de l'Urbanisme accordé de surcroît à un Istiqlalien.
Aussi, la déception fut-elle grande parmi les partisans d'Elyazghi au sein de la direction du parti qui lorgnaient des ministères. Mécontents, certains membres du Bureau politique allaient perturber plusieurs réunions de suite de cette instance.
Un comportement ambigu
Trouver une explication convaincante à cette attitude passive adoptée par Elyazghi depuis le VIème congrès n'est pas chose aisée puisque –comme nous l'avons signalé plus haut- il déroute même ses proches. L'hypothèse la plus avancée soutient que le Premier secrétaire adjoint se complaît dans la position d'éternel second. Il a occupé le second rôle deux décennies durant à l'ombre de feu Abderrahim Bouâbid, et il continue aujourd'hui aux côtés de Youssoufi. La raison ? Mohamed Elyazghi serait conscient qu'il n'est pas “ persona grata ” aux yeux de certains appareils de l'Etat qui manifestent leur opposition à lui confier le premier rôle. A ce propos, on ne doit pas négliger le pouvoir de ces appareils de l'ombre qui ont leur poids pour infléchir les décisions, même au niveau du parti d'opposition considéré comme le plus hermétique.
Cette attitude du pouvoir à son égard, Elyazghi la doit à l'ambiguïté, voire la dualité, qui caractérise son comportement. Ainsi, avant la mise en place du gouvernement d'alternance, il a longtemps été opposant au régime tout en maintenant des contacts assidus avec de hauts responsables de l'Etat, notamment Driss Basri, l'ex-homme fort de feu Hassan II. Ensuite, et depuis qu'il est au gouvernement, il n'arrive pas à s'empêcher de faire épisodiquement des sorties “ lèse-majesté ” surprenantes. Il en est ainsi de la déclaration faite au Caire, il y a deux ans environ, au lendemain du décès de feu Hassan II, selon laquelle “ Les palais royaux font partie du patrimoine du peuple marocain ! ”. Ou encore son intervention lors du Conseil des ministres de juillet dernier, sur la crise de l'îlot Tourah avec l'Espagne, lorsqu'il a déploré le fait que le gouvernement n'ait pas été associé à ce dossier, avant de se faire remettre à sa place aussitôt par le Souverain. Et enfin, tout récemment, l'exposé critique de la situation du pays fait devant les instances locales du parti à Imilchil, le mois dernier. Dans leur compte-rendu de la réunion, les “ Services sécuritaires ” imputeraient aux propos d'Elyazghi une partie de la responsabilité dans les émeutes qui allaient éclater les jours suivants dans cette localité, à cause du problème du manque d'eau, et qui ont abouti à la condamnation par la justice d'une dizaine d'habitants. Par conséquent, Mohamed Elyazghi donne l'impression qu'il n'arrive toujours pas à trancher entre sa position de membre de l'Exécutif et l'opposant au pouvoir qu'il a toujours été, du moins jusqu'en 1998.
Cette ambivalence semble de moins en moins acceptée par les proches d'Elyazghi. Aujourd'hui la culture “ participationniste ” a gagné les rangs de la direction du parti des Forces populaires dont les membres qui n'ont pas accédé aux privilèges des fauteuils ministériels piaffent d'impatience. Bien plus, ils estiment qu'ils n'ont pas été payés en retour pour l'appui qu'ils ont apporté au Premier secrétaire adjoint et envisageraient même de le laisser tomber. Tel serait, entre autres, le cas d'Abdelhadi Khaïrat, qui a joué un rôle de premier plan dans la réorganisation de la Chabiba Ittihadia, qui s'était pratiquement désintégrée après le départ de Mohamed Hafid et de ses amis du Bureau national. Abdelhadi Khaïrat a d'ailleurs placé son neveu, en l'occurrence Soufiane Khaïrat, à la tête de la nouvelle organisation de la jeunesse de l'USFP. Et surtout de Driss Lachgar qui a été le principal stratège du VI ème congrès et qui occupe aujourd'hui l'importante fonction de président du groupe parlementaire de l'USFP à la Chambre des représentants. Après la formation de l'actuel Exécutif dont il a été exclu, Driss Lachgar semble avoir décidé de prendre ses distances à l'égard d'Elyazghi. On le soupçonne même de se rapprocher de Youssoufi, considéré plus efficace à récompenser ses courtisans. Ce faisant, Driss Lachgar ne ferait que suivre l'exemple de Mohamed El Achaâri, Taïeb Mounchid, ou encore Khalid Alioua qui avaient commencé leur carrière politique à l'USFP auprès de Mohamed Elyazghi avant de s'en éloigner pour se mettre à la disposition de son rival Abderrahman Youssoufi.
Un troisième courant à l'USFP
Certains estiment aujourd'hui qu'Elyazghi devrait claquer la porte du gouvernement Jettou pour se positionner comme chef de file des mécontents, de plus en plus nombreux, au sein des rangs ittihadis. Ce faisant, il pourrait regagner en crédibilité pour se présenter par la suite en alternative à Youssoufi, qui semble avoir été grugé par le pouvoir. En témoignent à cet égard les propos critiques du Premier responsable de l'USFP qu'il a proférés récemment à Bruxelles, puis au Maroc, sur l'évolution de la vie politique marocaine (voir la précédente édition de La Gazette du Maroc). Mais Mohamed Elyazghi, déjà en butte à Youssoufi, ne semble pas prêt à ouvrir un second front avec le Makhzen. D'autant plus qu'il donne l'impression d'avoir axé toute sa stratégie sur une passation en douceur des commandes à son profit à la tête de l'USFP, après le départ de Youssoufi. Sa conviction se base sur une “ légitimité ” historique : à la veille de sa mort, début 1992, Abderrahim Bouâbid avait désigné deux adjoints dans son testament au Bureau politique : Youssoufi et Elyazghi. Ce dernier – conscient à l'époque de l'hostilité de Amaoui et de ses amis à son égard— s'était désisté de plein gré en faveur du premier. De ce fait, Elyazghi demeure persuadé que Youssoufi lui renverra un jour ou l'autre l'ascenseur.
Mais ce jour tarde à venir, d'autant plus que Youssoufi affiche de plus en plus son intention de rempiler. Et à trop attendre, Elyazghi risque de se réveiller tout seul un jour. Déjà on parle d'un troisième courant au sein même du Bureau politique, à côté de ceux de Youssoufi et d'Elyazghi. Il serait formé autour du noyau des actionnaires d'Al Ahdath Al Maghribya qui sont membres de l'organe de direction de l'USFP, notamment Abderrafie Jaouahiri, Mohamed Karam et Badiaâ Skalli. Mais il compterait également d'autres responsables ittihadis au sein de la Commission administrative du parti et ailleurs. Outre les récriminations citées plus haut, les tenants de ce courant reprochent à Elyazghi ses hésitations à prendre position pour leurs thèses, en particulier sur le concept de la modernité. Par exemple, Elyazghi continue à se cramponner à la Koutla démocratique alors que ce courant, qui est proche de l'association Alternatives de Abdelali Benamour, estime que l'Istiqlal est un parti conservateur dont la place est à droite sur l'échiquier national alors que l'USFP est à gauche. De même, l'attitude conciliante de Mohamed Elyazghi à l'égard des “ Islamistes ” les irrite. Le secrétaire général-adjoint de l'USFP, qui est réputé très pieux, ménage en effet le PJD et les sensibilités qui en sont proches, alors que le quotidien Al Ahdath Al Maghiribya n'arrête pas, à la moindre occasion, de leur tirer dessus comme des lapins sur ses colonnes.
Par conséquent, l'attitude adoptée par le n° 2 de l'USFP depuis le VIème congrès ne l'a pas servi. Et le fossé avec les sensibilités ittihadies qui, il n'y a pas longtemps encore lui étaient proches, risque à l'avenir de se creuser davantage s'il ne réagit pas.


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