Le Plan Azur, colonne vertébrale de la vision 2010, est obligé non seulement de jouer les prolongations mais de revoir ses ambitions à la baisse. Un recalibrage des stations balnéaires est en vue. Asa prise de fonction à la tête du Département du Tourisme en octobre 2007, Mohamed Boussaid était certainement persuadé que sa mission ne serait guère facile. À l'époque, soit deux ans avant la date fatidique de 2010, aucun lit n'a encore été livré des 85.000 lits hôteliers attendus dans le cadre du plan Azur. Toutes les stations connaissaient des retards allant d'un an à un an et demi. À l'origine de cette situation, le non-respect par les aménageurs développeurs des calendriers d'exécution initialement arrêtés dans les conventions signées par ces derniers avec l'Etat. Adil Douiri, le prédécesseur de l'actuel ministre, n'est pas arrivé à faire respecter les délais si ce n'est demander aux aménageurs développeurs à chaque fois que l'occasion se présentait, d'accélérer la cadence. Il n'empêche, qu'il a toujours minimisé ces retards devant la presse. Pire, l'ex-ministre ne voulait point entendre parler de réajustement et de redimensionnement du Plan Azur. «Je ne fais le procès de personne, mais le Plan Azur tel qu'il a été conçu, pèche par excès d'ambition en termes de délais de réalisation et de capacité litière. », affirme Mohamed Boussaïd, qui ne veut point juger son prédécesseur. L'actuel ministre, qui estime par ailleurs que son prédécesseur a fait du «bon travail», ne cache pas que la vision 2010 a été pensée sans prendre en compte les aléas, les contraintes, voire la cyclicité du secteur. « C'est là une petite faiblesse de sa gouvernance par rapport à la réalité ». Pour autant, Boussaid n'entend pas baisser les bras : « mon devoir en tant que ministre de tutelle est de réajuster le Plan Azur et le redimensionner ». Comment va-t-il s'y prendre ? Taghazout et Plage Blanche en stand by Le ministre ne veut point s'aventurer sur la question, si ce n'est que pour l'instant, les stations de Taghazout et Plage blanche seront mises en veilleuse. « Nous allons réfléchir plus tard sur les solutions alternatives pour ces deux sites. Le plus dur reste à venir et les années fastes sont derrière nous », dit-il. Pour l'heure, le ministre revoit les ambitions du plan Azur à la baisse. Lui qui ne voulait pas avancer de deadline, finit par repousser l'horizon 2010 à 2016. Quant à la capacité d'hébergement, il passera de 85.000 lits à 35.000 lits. « Pour l'instant, j'ai de la visibilité pour quatre stations, notamment Saïdia, Lixus, Mazagan et Mogador. Trouver actuellement, avec la crise, des repreneurs, relèverait de l'exploit », précise le ministre. Ce qui fera dire à Boussaid, qu'un décalage dans la réalisation des objectifs est nécessaire, vu la complexité des projets. Il faut dire que le département du Tourisme n'avait pas le choix. Il se devait de communiquer sur le Plan Azur, colonne vertébrale de la vision 2010 du tourisme, après le départ des chefs de file qui se sont succédés en l'espace de trois mois, notamment Orco, Thomas & Piron et Colony Capital qui laisse la station de Taghazout sans héritier. C'est sans doute la goutte qui a fait déborder le vase. « C'est un dossier malheureux qui connaît un deuxième échec », dira Boussaïd, pour qui la station ne peut se permettre un troisième échec. Le gouvernement a résilié la convention relative à la mise en valeur de cette nouvelle station, conclue avec le consortium attributaire qui réunit le groupe Colony capital et la société Satocan pour non-respect de clauses du cahier des charges. « Nous avons pris nos responsabilités. Mais cela ne remet pas en cause l'avenir de la station qui est l'un des plus beaux sites du plan Azur. Il faut tout de même reconnaître qu'après le départ de Dallah El Baraka, Colony avait présenté la meilleure offre avec toutes les garanties de réussite. Sauf qu'en deux ans, le moindre mètre cube n'est pas sorti de terre », explique Boussaïd. Le consortium dirigé par Colony Capital n'a pu lever tous les fonds auprès du pool bancaire, composé d'Attijariwafa bank en tant que chef de file, la BCP et la BMCE. Aujourd'hui, tout compte fait, il ne reste plus que Kerzner (station de Mazagan) comme chef de file étranger au niveau des stations balnéaires du Plan Azur. Tous les majors internationaux qui étaient à la tête des consortiums, ont fini par jeter l'éponge. Résultat : toutes les stations ont connu plus que des retards, des glissements dans les délais à cause de plusieurs facteurs, comme la révision de plans d'aménagement, les retards dans les travaux, les problèmes du foncier… Pour autant, le risque n'est pas écarté, à en croire le ministre du Tourisme pour qui la récession présente trois risques majeurs pour le plan Azur. D'abord une baisse de l'attractivité pour l'immobilier de luxe. « Cela fait qu'il y a moins de cash pour les aménageurs développeurs, compromettant ainsi le reste des programmes dont le financement est étroitement lié à l'immobilier », affirme-t-il. Ensuite, la crise touche directement les investisseurs, en ce sens qu'elle réduit leur capacité de financement et le lever des fonds. D'où des arbitrages sur les destinations. Enfin, la conjoncture rend difficile le montage financier de projets, surtout dans le secteur du tourisme. Les banques deviennent plus regardantes et exigent plus de garanties. Pour autant, Boussaid ne perd pas son côté humoristique : « Et si le Plan Azur avait très bien fonctionné avec à la clé les 85.000 lits additionnels, comment allions nous les remplir avec cette crise internationale ? ».