Hormis Saïdia, qui livrera ses deux premiers hôtels dans deux ou trois mois, les premières unités des autres stations ne seront opérationnelles, au mieux, qu'en 2010. Derrière les retards d'une année à 18 mois, enregistrés dans la livraison des premières capacités hôtelières, se cachent des vérités inavouées. Des 70.000 lits hôteliers attendus dans le cadre du plan Azur, aucun lit n'a encore été livré. À l'origine de cette situation, le non-respect par les aménageurs développeurs des calendriers d'exécution initialement arrêtés dans les conventions signées par ces derniers avec l'Etat. Pourtant, à lui seul, ce programme représente la moitié de la capacité additionnelle d'ici 2010. Il s'agissait ni plus ni moins de réaliser l'équivalent de six stations de la taille d'Agadir en l'espace de dix ans. Aujourd'hui, si l'ensemble des six stations balnéaires du Plan Azur prévues dans l'accord-cadre ont été concédées, les premiers hôtels ne seront opérationnels au mieux qu'en 2010, hormis Saïdia dont les premières capacités sont attendues en mai ou juin prochain. Un hôtel 5 étoiles, géré par la chaîne Barcelo, ouvrira alors ses portes ainsi qu'un second, de la même catégorie, géré par Iberostar. La capacité globale est de 1.200 lits pour la première unité et de 1.000 pour la seconde. Normal que les professionnels du tourisme ne cachent pas leur volonté de voir le site accueillir les prochaines assises du tourisme. Echéances sans cesse repoussées Toujours est-il que les échéances fixées par les aménageurs développeurs des stations ne cessent d'être repoussées, au grand dam du département du tourisme. À l'exception certes de Plage Blanche, concédée à Fadesa et dont les travaux vont démarrer en septembre prochain, toutes les autres le sont déjà. Mais, toutes les stations ont pratiquement connu des retards allant d'un an à un an et demi. «Nous veillerons à ce que les retards ne s'allongent pas. Seulement, il ne faut pas perdre de vue que nous avons affaire à des investissements colossaux et que les aménageurs développeurs réaménagent souvent leurs plans initiaux pour s'adapter», a souligné Mohamed Boussaid, ministre du Tourisme. Rappelons que l'aménagement des six sites, représente environ 5 milliards de DH d'investissement et que la construction des chambres dans ces stations devrait engager entre 45 et 50 milliards de DH supplémentaires. Ces montants font sans doute de cette opération la plus importante jamais réalisée au Maroc. C'est dire que la mission de Boussaid n'est guère facile. Son prédécesseur, Adil Douiri, n'y est pas arrivé, si ce n'est de demander aux aménageurs développeurs, à chaque fois que l'occasion s'est présentée, d'accélérer la cadence. Pourtant, les conventions signées entre l'Etat et les aménageurs sont censées prévoir et définir l'ensemble des modalités de réalisation des investissements jusqu'à finalisation des stations balnéaires. Jusque-là, l'Etat a tenu ses engagements en équipant les terrains en infrastructures hors-site pour un investissement de près de 700 millions de DH. Paradoxalement, les adjudicataires estiment que si des retards ont pu être constatés, ils n'influent en rien ni sur la réalisation de la Vision 2010, du moins son volet hôtelier, ni sur les objectifs à cette échéance. La marge de manoeuvre des promoteurs De quels moyens dispose l'Etat pour obliger les aménageurs développeurs à respecter à leur tour leurs engagements ? Omission volontaire ou pas, pour les trois premières stations (Saïdia, Lixus et Mogador), l'Etat n'a pas intégré dans les conventions qu'il a signées une clause de pénalité de retard. Toutefois, une clause lui donne le droit de résilier la concession et de récupérer son site. Résultat : il ne peut qu'exhorter «poliment» ces promoteurs à aller vite. C'est ainsi que les trois autres conventions qu'il signera plus tard vont intégrer cette donne. Kerzner, Colony Capital et Fadesa, respectivement promoteurs des futures stations balnéaires, Mazagan, Taghazout et Plage Blanche, ont eu ainsi moins de chance car contraintes de respecter les délais de livraison au risque de payer des pénalités. Les deux premiers devront livrer leurs premières unités hôtelières en 2010, tandis que Fadesa s'est vu fixé l'échéance de 2012. En guise d'exemple, le consortium formé par Kerzner chargé de la construction de la station balnéaire Mazagan devra payer des indemnités de retard estimées à 5% du montant qu'il devait investir dans la première tranche (220 millions de dollars), soit des indemnités de 11 millions de dollars. À noter toutefois que pour toutes les stations, les promoteurs ne sont tenus à réaliser eux-mêmes que les premiers hôtels. Pour le restant des capacités hôtelières, les promoteurs des sites peuvent se contenter d'aménager puis de vendre des zones foncières prêtes à l'emploi. C'est pourquoi d'ailleurs, pour des raisons de rentabilité, les aménageurs développeurs ont plutôt tendance à privilégier la composante «immobilière» au détriment de la composante «hôtelière». Il est vrai qu'en offrant la possibilité aux aménageurs développeurs de consacrer 41.000 lits au résidentiel, les initiateurs du Plan Azur cherchaient à rendre plus attractifs les sites aux yeux de ces investisseurs et donc de rentabiliser leurs projets. Conséquence : les promoteurs des stations commercialisent d'abord leur offre immobilière. C'est le cas par exemple de Fadesa sur Saïdia, qui a vu ses projets de villas «exploser» par la demande. Depuis un an et demi, il a tout vendu. Comment l'Etat contrôle-t-il l'état d'avancement des travaux sur les futures stations balnéaires? «Le contrôle se fait à deux niveaux, grâce au comité de suivi local et à un autre au niveau central», précise Omar Bennani, directeur des investissements et aménagements touristiques au ministère du Tourisme. En effet, dans la province hébergeant un des six sites existe un comité de suivi local de la station. Ce dernier est généralement composé de représentants du ministère du Tourisme, de la province, de l'ONEP (Office National de l'Eau Potable), de l'ONE (Office National de l'Electricité), de la Régie autonome de distribution de l'eau et de l'électricité de la région, de la direction des équipements et des eaux et forêts. Son principal objectif est l'aménagement des infrastructures «hors site» de la station. Quant au comité central, il est localisé au niveau du ministère du Tourisme. Quoi qu'il en soit, les adjudicataires des futures stations balnéaires ne se gênent pas pour bénéficier des avantages autres que ceux prévus par les conventions. Le géant mondial de l'aménagement des infrastructures de loisirs et de vacances et du développement, Kerzner International, a lié le démarrage de son chantier avec l'octroi d'une licence de casino. Il est vrai que sur toutes les conventions liant les adjudicataires des concessions de stations et le gouvernement, on ne fait point allusion au projet de casino. Le gouvernement n'a pas souhaité aborder la question lors des différentes négociations avec les adjudicataires, en promettant d'étudier au cas par cas. Mais il a accédé finalement à la demande de Kerzner. «C'est le métier de Kerzner. Partout où il a initié de tels projets, il a intégré le volet casino», essaie-t-on de justifier. Le concessionnaire de Mazagan est même allé plus loin en négociant également l'exclusivité d'opérer dans l'industrie des jeux dans un rayon de 160 km à partir du centre de Casablanca. Depuis, tous les autres aménageurs développeurs ont demandé des licences de casino mais leurs requêtes ont été rejetées. Sur Taghazout, Colony Capital, qui avait également tenté de faire réaliser par l'Etat le prolongement de la voie de contournement prévue dans le cadre des travaux hors site, n'a pas été suivi. Une fois cette voie achevée, il se chargera lui-même de sa continuation.