Passer une retraite heureuse sous d'autres cieux ? Un nombre croissant de Français font ce choix. Pour le soleil, pour s'éloigner d'un pays où il est de plus en plus difficile de vivre pour les petites retraites. Et donc pour améliorer leur niveau de vie ou tout simplement pour changer d'air. Ils n'ont qu'une petite retraite, et pourtant ils habitent une maison confortable avec jardin, sous le soleil, une employée de maison et un jardinier… Quelque trente-six mille Français sont déjà partis profiter d'une retraite paisible et ensoleillée au Maroc. Le pays, il est vrai, leur déroule le tapis rouge. Il leur accorde, comme aux retraités marocains, un abattement de 40 % sur leurs revenus imposables et réduit encore leur impôt sur le revenu de 80 % à la seule condition qu'ils transfèrent dans le pays la totalité de leur pension de retraite française. Ils leur restent donc largement de quoi vivre, et même souvent, de très bien vivre. Car ici, on s'offre une villa pour quelques dizaines de milliers d'euros et une employée de maison à plein temps pour une dizaine d'euros par semaine. La belle vie quoi ! D'autant plus que beaucoup de ces « vieux » s'aperçoivent que dans la société marocaine : vieillesse est encore associée à sagesse et respect des anciens. Bien loin de ce qu'ils vivent en France. Et si malgré tout le mal du pays frappe parfois, la France n'est qu'à quelques heures d'avion. Ces pionniers, en tout cas, font école. Candidats à l'expatriation «Nous sommes de plus en plus souvent consultés par des retraités désireux de s'installer au Maroc», reconnaît-on à la maison des Français de l'étranger qui dépend du ministère des Affaires étrangères et renseigne les candidats à l'expatriation. C'est que les règles du jeu sont parfois un peu compliquées, pour ces personnes. Retraite, impôts, sécurité sociale : Il faut se repérer dans le dédale des lois et règlements en vigueur. Qu'à cela ne tienne. Internet - 80% des « seniors » comme on dit maintenant, sont des accrocs d'Internet- foisonne de sites tous plus officiels ou militants les uns que les autres pour tout leur expliquer. Chance supplémentaire pour les « néo-Marocains », il existe tout un tas de conventions : fiscalité, santé, sécurité sociale… Une seule chose n'est pas prévue et il faut bien chercher dans les sites pour la trouver. En cas de décès dans le pays d'accueil, les biens immobiliers situés dans l'Hexagone seront partagés entre les héritiers suivant les règles du droit français. «Mais le reste (c'est-à-dire tous les placements financiers et le patrimoine immobilier situé hors de France, dans le nouveau pays de résidence) sera réparti entre les héritiers selon les règles successorales en vigueur dans ce pays», souligne Me Patrice Bonduelle, notaire à Paris ! La seconde vie de Dame Claude Elle s'appelle Dame Claude. Après 43 ans de « bons et loyaux services » en tant que fonctionnaire internationale à Paris, c'est au Maroc qu'elle choisit de venir prendre sa retraite. « J'ai passé plusieurs vacances à Marrakech dans ma vie, et j'ai toujours eu l'idée que je viendrai ici un jour poser mes valises, explique-t-elle. J'ai eu envie de commencer une nouvelle vie au moment de ma retraite, et le Maroc m'a semblé être l'endroit idéal : le climat, la majorité des gens parlent le français, et bien sûr les avantages fiscaux proposés pour les retraités ». Installée dans la ville ocre depuis 3 ans, Dame Claude ne se contente pas de couler des jours paisibles. Comme elle ne souhaite pas avoir une retraite « transat au bord de la piscine », elle prépare avec un ami français le projet d'une maison d'hôte dans la médina. Elle investit quelque 400 000 euros pour acheter et rénover le riad de charme. « Au début, ça n'a pas été facile, d'autant que je suis une femme seule, poursuit-elle. Surtout, je me suis heurtée aux tracasseries et aux lenteurs administratives, à la légalisation des documents –une démarche qui n'existe pas en France-, aux exemplaires à fournir en double ou en triple, aux bakchichs à donner à droite et à gauche pour accélérer le mouvement… Bref, il a fallu me familiariser avec tout un comportement, des codes différents et un fonctionnement assez inhabituel pour nous Français. Et surtout, j'ai dû me battre contre quelques individus dont l'honnêteté n'est pas le point fort, Français ou Marocains, qui ont vu en moi la poule aux œufs d'or et qui ont profité sans scrupules de mon ignorance.» Aujourd'hui, Dame Claude est plus sereine. Elle juge son intégration plutôt réussie : « Je suis d'une nature enjouée et j'ai le contact facile, avoue-t-elle, et j'ai découvert que les Marocains avaient un vrai sens de l'entraide. En Europe, tout est réglé comme du papier à musique et personne ne fait beaucoup d'efforts pour aider son voisin ; Ici, en revanche, les gens sont débrouillards. Bien sûr, c'est un peu le système D, mais ça fonctionne, et au quotidien ce n'est pas négligeable, même si parfois on a l'impression –surtout à Marrakech- que rien ne se fait sans facture. » Dame Claude ne s'ennuie jamais. Elle s'est recréé toute une vie, fait de nouveaux amis, français ou marocains. « Attention, je ne fréquente pas tous les Français d'ici pour la simple raison qu'ils sont français. Il y a toute une clique de gens que j'évite, en particulier ceux qui se prennent encore pour des colons et dont le comportement est inadmissible. Ce sont ces Français là qui mettent une ombre sur notre réputation. Ils devraient comprendre qu'ils ne sont pas chez eux et que la première chose est de respecter cette terre d'accueil, les coutumes et les habitants de ce pays. » Pour rien au monde Dame Claude n'envisage un retour en France. « Je rentre de temps en temps, histoire de me ressourcer et de retrouver ma famille, mes amis et ma culture, mais ma vie est ici maintenant. Le soleil, la place Djemaa El Fna, les souks, les ruelles de la médina, les couleurs, les sourires, la gentillesse, pour moi, c'est chaque jour une nouvelle magie et ça vaut tout l'or du monde… Et puis, vous me voyez faire du tricot en regardant tomber la pluie ? »