Compagnie d'assurance Soumise à un feu nourri de critiques suite à des mails anonymes communiqués à la presse sur certains faits qui ont marqué sa situation financière considérée comme chaotique et sa gestion technique jugée hasardeuse, la Marocaine Vie, une compagnie rachetée en juin 2001 par le groupe Société générale, passe par un chemin à deux temps. Si les nouveaux patrons de la compagnie ne nient pas que cette dernière souffrait d'une situation financière difficile, ils confirment toutefois qu'ils sont en train de la redresser par voie de recapitalisation et d'assainissement. Etat des lieux d'une compagnie comme les autres. Après avoir longtemps attendu l'obtention d'un agrément pour la création d'une nouvelle compagnie d'assurance, un processus au parcours très “lent” et conditionné par l'accord tacite et indirect du lobbying professionnel, le groupe Société générale a préféré opter pour l'acquisition d'une compagnie existante, la Marocaine Vie, qu'il a rachetée en juin 2001. L'opération, financée en bonne partie par Sogecap, le spécialiste de l'assurance dans le groupe Société générale, a permis, certes, au groupe désormais “complet” d'accompagner le développement rapide de son activité bancaire, mais, revers de la médaille, elle s'est révélée mangeuse de fonds car, tout simplement, pleine de nombreux dysfonctionnements. À ce propos, Jean-marie Stein, président du conseil de surveillance de la compagnie, se montre catégorique, “Avant que nous procédions au rachat de la Marocaine Vie, nous étions au courant de toutes ses difficultés financières et organisationnelles car elle avait fait l'objet d'un diagnostic et d'une étude que nos spécialistes avaient réalisés”. Mais, pour justifier cet achat que plusieurs observateurs ont qualifié de “moins judicieux”, J-M Stein a fait savoir qu' “au lieu de tomber dans le labyrinthe tissé par les professionnels pour l'obtention d'un nouvel agrément, nous avons préféré acheter une structure existante même avec ses risques de défaillances”. Voilà un choix économique risqué. Depuis son acquisition en juin 2001, la Marocaine Vie a eu droit à deux opérations de recapitalisation, l'une s'est réalisée en octobre 2001 et l'autre est en cours de réalisation. La première augmentation de capital d'un montant de 56 millions de dirhams a eu pour effet direct de réduire l'ampleur du déficit de la compagnie que les comptes comptables ont chiffrée à 119,313 millions de dirhams. Ce déficit, tel qu'il est expliqué dans le rapport d'activité pour l'année 2001, est la résultante de deux mesures parallèles : l'annulation d'une plus-value provenant de la réévaluation du bilan de la filiale immobilière comptabilisée en produits en 2000 et la poursuite de l'effort de constitution de provisions au titre des moins-values constatées sur le portefeuille d'actions. En injectant, par les actionnaires, la somme de 56 millions de dirhams dans les caisses de la compagnie, la situation nette de celle-ci s'est sensiblement améliorée. Son capital social est ainsi passé à 73,5 millions de dirhams après avoir été entièrement ou presque englouti par les pertes subies. Quant à la seconde augmentation de capital, elle aura lieu au mois de janvier 2003 après la convocation d'une assemblée générale extraordinaire qui va examiner l'opportunité de cette opération. D'un montant de 150 millions de dirhams, cette opération est destinée, comme la première, à renforcer la situation nette de la compagnie et à améliorer ses capacités financières pour faire face aux projets de développement qu'elle envisage de réaliser au courant de l'année 2003. Ni direction financière, ni contrôle de gestion Déplorable était en effet la situation financière dans laquelle se trouvait la compagnie d'assurance créée par ses deux fondateurs emblématiques, Hamza Kettani et Ahmed Benkirane. Gérée d'une manière quasi-traditionnelle malgré l'image transparente qu'elle a cultivée avec la presse depuis son introduction en bourse en 1998, la Marocaine Vie était une compagnie sans direction financière ni contrôle de gestion. Deux départements pourtant incontournables dans la gestion de n'importe quelle compagnie d'assurance qui se veut moderne et transparente. L'arrivée du groupe Société générale a créé une onde de choc dans sa gestion. Des experts français ont été en effet invités à créer ces deux départements vitaux qui manquaient à la compagnie et à former ses cadres aux techniques d'assurance les plus sophistiquées. Petit à petit, la Marocaine Vie sort sa tête de l'eau. “En 2004, on est sûr qu'on va renouer avec les bénéfices”, explique, très confiant, Jean-Marie Stein, l'actuel homme fort de la compagnie qui s'est vu confier la mission d'expliquer à la presse les tenants et les aboutissants de l'opération d'acquisition de la Marocaine Vie et de faire face à la campagne de déstabilisation dont elle fait l'objet depuis quelque temps. Quant à l'année 2003, Stein avance qu'elle sera une année d'équilibre pendant laquelle la compagnie assainira ses finances ainsi que son réseau de revendeurs. Lequel réseau qui coûtait à la Marocaine Vie d'énormes frais de formation et d'entretien. D'ailleurs, c'est pour cette raison parmi d'autres, bien sûr, que les fondateurs de la compagnie ont cherché à vendre leurs parts à un partenaire de poids. D'un côté, il y avait la Société générale marocaine de banques qui cherchait un assureur pour accompagner le développement rapide de son réseau bancaire, d'un autre, des fondateurs d'une compagnie à la recherche de repreneurs qui payent le prix fort. La convergence des deux intérêts a donné lieu à une opération fortement critiquée par les observateurs. Néanmoins, le poids très important de la Société générale, couplé à ses ambitions clairement affichées de développer la bancassurance au Maroc, peut motiver cet investissement inscrit par ses nouveaux actionnaires dans un cadre à long terme. Le patrimoine immobilier en diminution Quid de ses placements financiers et immobiliers ? Sur ce registre, l'assainissement a déjà commencé. Son patrimoine immobilier au rendement net de seulement 1,8% va connaître une réduction significative dans son patrimoine général. Ce rendement, faible pour les nouveaux patrons de la compagnie, est motivé par la filialisation de l'activité immobilière de la Marocaine Vie. Laquelle filialisation se soldait sur le plan fiscal par d'énormes frais comptabilisés, en l'occurrence l'IS (Impôt sur les sociétés) et de ces frais, le rendement, initialement fixé à 6%, tombait à 1,8%. Pour y remédier, une seule solution : procéder au démantèlement de la filiale immobilière de la compagnie. Autre chantier sur lequel planchent les nouveaux dirigeants de la Marocaine Vie : les fonds de placement. Au nombre de trois, ces fonds ont été entièrement repris par la compagnie alors que leur gestion était auparavant confiée à trois sociétés de gestion. “C'était une hérésie”, voilà comment Stein a qualifié la décision de l'ancienne direction générale de confier la gestion des placements financiers à des structures externes. Last but not least, la mise en place d'un système de gestion actif/passif, connue sous le sigle ALM (Asset Liabilities management), est l'ambition actuelle de la nouvelle direction de la compagnie. Réussira-t-elle à l'imposer vu les règles encore “sous-développées” de la gestion des compagnies d'assurance au Maroc ? Le nouveau code des assurances, sorti depuis peu, l'aidera probablement à le faire.