L'opposition vénézuélienne, qui célèbre lundi le premier mois de sa mobilisation contre le président Nicolas Maduro, va défiler de nouveau lors de cette journée de fête du Travail, en signe de défi au pouvoir qui organise traditionnellement de vastes rassemblements le 1er mai. Les antichavistes (du nom du défunt président Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013), qui exigent de nouvelles élections et le départ du chef de l'Etat socialiste, ont prévu de marcher dans les 24 Etats du pays ainsi qu'à Caracas vers les bâtiments de la Cour suprême et de l'autorité électorale. « Le régime mise sur notre usure, c'est pourquoi, après un mois de résistance, nous devons démontrer que nous sommes encore plus forts », a déclaré Freddy Guevara, vice-président du Parlement, seul organe contrôlé par l'opposition. En face, M. Maduro sera à la tête d'un rassemblement de ses partisans sur la place Bolivar, au centre de Caracas, considérée comme un bastion du pouvoir. « Le 1er mai appartient à la classe ouvrière. Ce n'est pas une journée pour le capitalisme, ni pour la droite », a assuré le chef de l'Etat lors de son émission dominicale. Depuis le 1er avril, date du début des protestations, presque toutes les marches ont dégénéré en heurts, pillages et échanges de gaz lacrymogènes et de cocktails Molotov entre manifestants et forces de l'ordre. A cela s'est ajoutée la violence exercée par les « colectivos », des groupes de civils armés par le gouvernement, assure l'opposition. Au total, 28 personnes sont mortes dans les violences entourant ces rassemblements, selon le Parquet, et des centaines ont été blessées. Plus d'un millier de personnes ont été interpellées, la plupart brièvement. Tandis que les opposants dénoncent la répression du gouvernement, Nicolas Maduro les accuse de commettre « des actes de terrorisme » pour faciliter un coup d'Etat et une intervention étrangère sous l'égide des Etats-Unis. « Ce qu'ils (l'opposition) ont fait en avril est une embuscade, une saillie violente pour semer le chaos dans la société, prendre d'assaut le pouvoir politique et imposer au Venezuela une contre-révolution », a déclaré M. Maduro. La crispation politique de ces dernières semaines au Venezuela secoue un pays pétrolier déjà frappé par la pénurie de médicaments et d'aliments et par l'inflation la plus élevée au monde, à 720% pour 2017, selon la dernière prévision du FMI. A la veille du 1er mai, M. Maduro a annoncé dimanche une nouvelle hausse du salaire minimum de 60%: il s'élèvera désormais à un peu plus de 65.000 bolivars, soit 90 dollars au taux de change officiel le plus élevé, ou 15 dollars au marché noir. L'aide alimentaire, versée avec le salaire, passe elle à 135.000 bolivars (188 dollars au taux officiel et 31 au marché noir). Sept Vénézuéliens sur dix souhaitent le départ de Nicolas Maduro, dont le mandat court jusqu'en janvier 2019. L'étincelle qui a déclenché ce mouvement est la décision fin mars de la Cour suprême, réputée proche de M. Maduro, de s'arroger les pouvoirs du Parlement, donnant ainsi les pleins pouvoirs au camp présidentiel. Devant le tollé diplomatique international et les accusations de « coup d'Etat » de l'opposition, l'autorité judiciaire avait fait marche arrière 48 heures plus tard. Ce qui n'a pas calmé la colère des anti-Maduro, ni apaisé la pression internationale. M. Maduro a accusé dimanche l'opposition de se soustraire à ses appels au dialogue tout en se félicitant de la proposition du pape François, qui s'est dit disposé samedi à ce que le Vatican reprenne le rôle de médiation joué en 2016, mais à « des conditions très claires » qu'il n'a pas spécifiées. « Si je dis +dialogue+, ils (l'opposition) s'enfuient épouvantés, ils ne veulent pas de dialogue. Hier, ils s'en sont pris au pape François. Moi, je respecte les déclarations du pape François », a-t-il dit. L'opposition a officialisé dimanche dans une lettre au pape son refus de reprendre un dialogue avec le président Maduro sans « garanties » sur les modalités de ce dialogue, écartant une objection du pape selon qui elle serait divisée. L'un des dirigeants de la Table de l'unité démocratique (MUD, coalition de l'opposition), Henrique Capriles, avait déjà rejeté samedi l'offre du pape. De leur côté, 8 pays latino-américains, dont le Brésil et l'Argentine, ont apporté dimanche dans une déclaration commune leur soutien à la proposition du pape, sous plusieurs conditions dont l'arrêt des violences et l'établissement d'un calendrier électoral. Caracas, qui a initié vendredi sa sortie de l'Organisation des Etats Américains (OEA), cherchera un appui du côté de la Celac(Communauté des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes) lors d'une réunion extraordinaire mardi au Salvador.