* Bien que les femmes représentent pratiquement la moitié des MRE, il nexiste pas détudes ou de recherches pointues sur la mutation qua connue cette migration durant les 20 dernières années. * La 2ème rencontre des Marocaines dIci et dAilleurs a connu la tenue du premier colloque scientifique international et dont les informations collectées seront rendues publiques. * Le CCME soumettra ses premiers avis au Roi dans les semaines à venir, de même quil publiera son premier rapport stratégique. * Driss Yazami, le président du Conseil de la Communauté Marocaine à lEtranger, nous dresse un bilan de la situation des femmes MRE. - Finances News Hebdo : Peut-on aujourdhui dresser un bilan de la situation de la femme MRE ? - Driss Yazami : Il y a dabord des évolutions générales qui concernent toutes les zones géographiques. La première évidence est la poussée et lexpansion démographiques de la migration marocaine y compris féminine. Un chiffre pour illustrer cela : au milieu des années 90 nous étions 1,4 million Marocains dans le monde. Aujourdhui, moins de 20 ans après, nous avons atteint le nombre de 3,4 millions. Faut-il souligner quil ne sagit là que des personnes immatriculées au niveau des consulats. Le deuxième élément est la mondialisation de cette migration. En effet, 80 des MRE sont encore en Europe, mais les 20 % restant sont un peu partout dans le monde. Le troisième phénomène à noter est la féminisation de la migration. Aujourdhui, pratiquement la moitié des MRE sont des femmes. Lorsquon réfléchit sur cette migration féminine, on constate quelle sest généralisée à toutes les régions du Maroc, quelle concerne toutes les couches sociales et tous les niveaux déducation. De plus, les femmes émigrent de plus en plus seules et non pas uniquement dans le cadre de regroupement familial. Cela révèle les mutations en cours dans la société marocaine où les femmes sont de plus en plus autonomes et où elles élaborent leurs propres projets de vie. Cela a aussi des conséquences, puisque la femme par ses transferts dargent à sa famille, change de situation et de rapport. Lautre constat important à signaler est que nous manquons encore de connaissances scientifiques rigoureuses sur cette mutation radicale ou révolution douce qui est en train de se faire. - F. N. H. : Justement, comment expliquer que le Maroc sintéresse de près à la migration depuis une vingtaine dannées sans pour autant disposer de données fiables concernant les femmes migrantes ? - D. Y. : Il y a une sorte dinvisibilité des femmes de manière générale y compris dans lagenda de la recherche. Il faut aussi que la recherche ait le temps de faire son uvre et la particularité de cette rencontre est que cest pour la première fois quon soutient un séminaire scientifique international sur cette question. Donc, au terme de ce colloque, nous aurons déjà fait un pas en avant et les informations collectées seront rendues publiques. On a choisi pour ce colloque scientifique davoir un focus très important sur la migration féminine marocaine mais, en même temps, de procéder à une approche comparative avec la migration des Mexicaines ou encore celle des Philippines. Nous savons déjà quà travers le monde, les femmes envoient plus dargent et quelles lorientent vers la scolarisation des petites filles. Mais, il nous manque des études très pointues de ce que font les femmes marocaines de leurs transferts. Aujourdhui, ce qui est clair cest que, concernant la condition socio-économique et les problèmes de ces migrantes marocaines, il y a un certain nombre de situations difficiles notamment en Afrique Subsaharienne, dans certains pays arabes ainsi que dans certains nouveaux pays de limmigration comme lItalie ou lEspagne. Ce sont des pays où on constate une acuité des problèmes socio-économiques et parfois dordre juridique, notamment dans les pays du Golfe où il nexiste pas de système juridique de protection des immigrés, dont les Marocaines. Lautre constat crucial à faire est quil y a une méconnaissance juridique des réformes engagées par le Maroc et qui peuvent apporter une amélioration de la situation juridique des femmes. Il y a encore un travail très important dinformation sur le Code de la famille qui reste encore mal connu. Il faut aussi quon trouve les moyens pour que toutes ces femmes puissent exiger leurs droits offerts. - F. N. H. : Vous en tant que Conseil, quelles sont les principales doléances qui vous parviennent de ces femmes MRE ? - D. Y. : Dabord, deux principales missions du Conseil nous différencient radicalement des autres institutions et acteurs en matière de migration. Nous sommes dabord une institution consultative. Cest-à-dire que nous sommes une institution qui doit examiner les politiques publiques en la matière, voire les mutations de la migration marocaine et émettre des avis consultatifs à soumettre à SM le Roi pour améliorer ces politiques publiques. Nous sommes en train de préparer notre plénière qui va adopter les premiers avis consultatifs de cette jeune institution. La deuxième mission essentielle est que nous sommes une institution de prospective, cest-à-dire qui doit voir les problèmes à court et moyen termes. Cela passe par lélaboration, tous les deux ans, dun rapport stratégique. Le premier rapport stratégique du CCME que nous sommes en train de finaliser sortira durant lannée 2010. Dailleurs, la question de la féminisation de la migration sera lun des points forts de ce rapport stratégique. Pour revenir à votre question, il y a divers types de problèmes exprimés par les femmes émigrées. Il y a par exemple le problème du statut et linformation des bénéfices possibles en termes dégalité. Deuxième point récurrent : souvent, dans les pays anciens de lémigration, survient la question des discriminations, surtout au niveau socio-économique. La troisième interrogation fondamentale est dordre identitaire. En effet, les jeunes générations sont sommées de se définir dans un climat dislamophobie et dans un climat tenace. Ces jeunes doivent faire face à cette interrogation lancinante : « que suis-je ? ». Parce quen même temps ces jeunes sont en train de senraciner dans le pays daccueil tout en maintenant un lien étroit avec leur pays dorigine, le Maroc. Cest un défi sur lequel nous sommes en train de travailler et de préparer un avis consultatif. Notamment comment amplifier loffre culturelle marocaine. De même que nous sommes en train de voir comment les potentialités du Marocains dailleurs peuvent sinvestir dans les différents chantiers du pays.