* Le devenir du développement de la micro-finance est désormais lié à celui du secteur financier et non seulement à quelques institutions spécialisées. * La stricte application dune approche basée sur des règles inappropriées risque de creuser lécart entre les services financiers formels et informels dans les pays en développement. Quatre-vingts pour cent de la population mondiale na pas accès au crédit. Parmi cette population, 500 à 700 millions de personnes pourraient, grâce à un micro-crédit, développer une activité génératrice de revenus et améliorer ainsi leurs conditions de vie et celles de leurs familles. Ce sont les pauvres «actifs économiquement». 150 millions de personnes bénéficient aujourdhui de services fournis par plus de 10.000 Institutions Micro-Finance (IMF). 84% des clients de la micro-finance sont des femmes. Les chiffres dévoilés par M. Maârouf, Directeur Afrique, Planète Finance Maroc, à loccasion du banking forum tenu récemment à Marrakech, interpellent à plus dun titre. Comment cette population, aujourdhui vulnérable, pourrait-elle contribuer au développement de la bancarisation dans le monde en général et en Afrique en particulier ? Quels sont les scénarios à développer afin que laccès au crédit de cette population-cible ne tourne pas au drame, comme ce fut le cas dans certains pays tels que lInde ou la Malaisie ? En effet, ces groupes à faibles revenus nont pas souvent accès aux services financiers formels pour plusieurs raisons : rareté des agences bancaires dans leurs communautés, des populations ne répondant souvent pas aux conditions traditionnelles établies par les banques Quelle portée à la micro-finance ? Le secteur de la micro-finance est désormais en pleine croissance, mais ne répond que partiellement à la demande. Cela nempêche pas de dire que dans les pays de développement économique plus élevé, la réduction de la pauvreté dans les pans de la société vivant avec moins de 1 dollar/j était frappante dans les années 80 et 90. Dans un pays comme le Maroc, considéré comme un leader dans ce domaine, limpact de la micro-finance sur son économie nest pas négligeable. A fin 2008, lencours global du secteur était de 5,6 Mds de DH. Une évolution rapide et importante a été constatée depuis 2004. Le taux de remboursement était de 94% au 31 décembre 2008. Toutefois, et même si le nombre de clients actifs dans le milieu rural représente 29,98% de lensemble des clients des associations de micro-crédit, ce chiffre représente seulement 11% de la population pauvre au Maroc. Autres chiffres importants : limpact de la micro-finance sur lemploi, linvestissement et la consommation. A noter à cet effet que les micro-entreprises des clients anciens ont un niveau dinvestissement supérieur de 51% à celui des nouveaux clients. Toutefois, la nature des investissements ne varie pas en fonction des différents groupes de clients. 1.000 DH de crédit augmentent les investissements de 21%. En ce qui concerne le taux demploi dans les micro-entreprises, ce dernier fluctue significativement en fonction des activités et des institutions. En terme demploi, les clients anciens ont un niveau dactivité supérieur de 66% à celui des nouveaux clients. Le micro-crédit a également un impact sur le ménage dans la mesure où la contribution à un programme de micro-finance augmente la contribution du participant au budget familial. La contribution des clients anciens est de 54% au budget du ménage contre 43% pour les nouveaux clients. Aujourdhui, lenjeu est de taille et se déplace de la promotion de la micro-finance à la création de services financiers ouverts à tous. «Dès lors, le devenir du développement de la micro-finance est désormais lié à celui du secteur financier et non seulement à celui de quelques institutions spécialisées», explique le Directeur général de la Société Financière de Développement de lUNACOIS en France. Du point de vue de laccès aux services financiers, ces évolutions sont, dun côté, positives car elles permettront, a priori, de diminuer le coût des services. Mais, de lautre, elles posent la question du chômage des jeunes qui risque dempirer : comment le marché de lemploi parviendra-t-il à absorber les nouveaux arrivants et en quoi loffre des systèmes financiers pourrait-elle aider ces jeunes à sinsérer dans le marché du travail ? Quels scénarios dévolution ? Parmi les scénarios envisagés, on retient la généralisation des communications sans fil. Ce facteur permettrait, même dans les pays pauvres, de réduire considérablement le coût des transactions et de permettre à tous les clients pauvres et isolés davoir accès aux services financiers, nimporte où et nimporte quand. LEtat a également un rôle à jouer en instituant un environnement favorable à la création de services financiers et non de fournir directement ces services. Lexcès de publicité sur les avantages de la micro-finance est à modérer. Parce que cet excès entraîne un afflux de fonds internationaux. Loffre excède la capacité dabsorption des IMF locales, ce qui encourage la course aux prêts. Le surendettement devient ainsi un problème grave. Poussées à octroyer plus de crédit quelles nen ont les moyens, certaines IMF sont acculées à la faillite. La réglementation est également un point à soulever. Parce que dans la pratique, les pays en développement sont souvent contraints daccepter et dappliquer des normes élaborées dans les pays développés. La stricte application dune approche basée sur des règles inappropriées risque de creuser lécart entre les services formels et informels dans les pays en développement. Lintérêt actuel pour la micro-finance va-t-il se dissiper ou sintensifier au point dinclure la plupart des milliards de pauvres qui nont pas encore accès aux services financiers ? Le Maroc est nécessairement logé à la deuxième enseigne : la fusion des Fondations Zakoura et Banque Populaire en est un fort témoignage.