Au-delà des répercussions financières, la fraude entraîne des incidences non chiffrées parfois très importantes. La détection par les dispositifs de prévention et de contrôle baisse de 55% en 2014 à 48% en 2016. 22% des entreprises sondées déclarent n'avoir jamais réalisé de cartographie de risques. Les réglementations évoluent, les techniques de fraude évoluent également... Quelques-uns des faits saillants de l'étude présentée récemment par PwC. Il n'y a pas un jour qui passe sans que nous entendions parler d'une histoire de fraude. La dernière en date est celle de Panama Papers détaillant des informations sur plus de 214.000 sociétés offshore ainsi que sur les actionnaires. Ce phénomène mondial aux lourdes conséquences financières ne cesse de susciter l'intérêt de PwC qui a récemment dévoilé à un panel d'opérateurs, les résultats de sa dernière étude sur la fraude. Il s'agit de la 8ème édition que cet organisme de prévention de fraude publie tous les deux ans pour tâter le pouls des chefs d'entreprise et suivre la tendance de la fraude, tout en établissant des recommandations. Sur un échantillon de 6.337 entreprises provenant de 115 pays (Amérique (26%), Europe (22%), Afrique (10%), Middle East (5%), Europe de l'Est (17%) et APAC (20%), les résultats varient d'un continent à un autre. Au Maroc, une seule entreprise a répondu au questionnaire de PwC. C'est dire que les dispositifs antifraude ne sont pas encore ancrés dans la culture marocaine. Mais cela n'empêche pas pour autant les responsables de PwC de faire quelques extrapolations. L'étude montre que durant les dernières années, le phénomène reste relativement stable. «36% des entreprises ont déclaré un cas de fraude: c'est un chiffre élevé, mais c'est la borne basse de la réalité», alerte Reda Loumany, associé PwC Advisory. Et d'ajouter : «En dépit des textes réglementaires mis en place, les fraudes continuent. Les réglementations évoluent, les techniques de fraude évoluent également». Autres faits saillants Il ressort de la présente étude qu'en Afrique, le taux de fraude a évolué de 50% en 2014 à 57% en 2016. En Europe, il est passé à 40% en 2016 contre 34% en 2014. Il s'agit du même ordre de grandeur en termes d'évolution qu'en Afrique, bien qu'il soit en deçà de 50%. R. Loumany a tenu à rappeler qu'en Europe, la France réalise le score le plus élevé (55% en 2014 et 68% en 2016). Des chiffres qui, selon les investigateurs, révèlent que les entreprises françaises sont très sujettes à la délinquance astucieuse. Une criminalité qui repose sur le changement de coordonnées bancaires de la part de personnes, se passant pour des fournisseurs de l'entreprise. Du coup, des sommes faramineuses partent en fumée et ne sont jamais récupérées. C'est ce qui pousse aujourd'hui les entreprises à réfléchir sérieusement à mettre en place des dispositifs de contrôle et de prévention. 64% des fraudes détectées portent sur des détournements d'actifs (argent, stocks...), 39% sont liés à la cybercriminalité et 24% résultent de la corruption. A noter que 35% des entreprises en Afrique ont à subir des cas de corruption. Un niveau qui demeure élevé. Quid de la manière dont la fraude a été détectée ? Pour 48% des sondées, elle a été décelée par le dispositif de contrôle. Pour 22% des entreprises, elle l'est par un système de dénonciation ou de remontée d'alerte. Et pour 17%, c'est un pur hasard, le plus souvent suite à une rotation des postes. Dans ce sillage, Fabienne Borde, associée PwC France du département Litiges & Investigations, exhorte les entreprises à une rotation de poste essentiellement dans la fonction achat. «La détection par les dispositifs de prévention et de contrôle baisse de 55% à 48%. 22% des entreprises interrogées affirment n'avoir jamais réalisé de cartographie de risques de fraude», annonce F. Borde dans la foulée. Et d'ajouter : «Ceci illustre la complexité et l'évolution permanente de la fraude et, donc, la nécessité d'une adaptation rapide des dispositifs de détection et de l'environnement de contrôle pour faire face notamment au risque de cybercriminalité». En effet, la croissance exponentielle des données de la digitalisation de l'activité et la multiplication des supports augmentent la vulnérabilité des entreprises à des attaques cybercriminelles : environ 50 entreprises ont déclaré des pertes, représentant plus de 50 millions de dollars, du fait de ce type d'attaques. Les investigateurs ont tenu à rappeler aux opérateurs que souvent la fraude provient de l'intérieur de l'entreprise. C'est dire que des garde-fous doivent être mis en place aussi bien à l'intérieur que pour faire face aux tentatives de fraude venant de l'extérieur. La question qui se pose d'emblée est donc la suivante : comment peut-on sécuriser nos données en interne ? Quelles sont les datas les plus sensibles à protéger ? Une chose est sûre : la fraude étant aujourd'hui un sujet majeur, des dispositifs de contrôle, de prévention et de sécurité sont à mettre en place. «Si aujourd'hui les Américains imposent leur réglementation de par le monde, les Européens vont certainement leur emboîter le pas, d'où la nécessité pour les entreprises, y compris marocaines, qui nouent des partenariats à l'étranger, de mettre en place des plans de conformité», fait remarquer F. Borde. Exemple de missions (corruption et blanchiment d'argent) réalisées en Afrique francophone Suite à une dénonciation visant le dirigeant d'une filiale africaine d'une compagnie aérienne internationale, l'équipe de PwC a procédé à l'investigation portant sur des soupçons de corruption d'agents publics, des conflits d'intérêt et des détournements de fonds. Suite à la dénonciation d'actes de corruption et d'agissements frauduleux dans neuf filiales africaines d'une société multinationale, l'investigation a porté sur des schémas frauduleux consistant en une analyse des emails des personnes concernées, une restauration et analyse des fichiers effacés, des entretiens avec les personnes suspectées et une étude de certains schémas comptables.