Le modèle marocain doit prendre en considération les spécificités du Royaume. Il s'agira d'une révolution statistique qui devra être précédée d'une révolution des mentalités. La conférence-débat organisée par la Fondation d'Attijariwafa bank a permis de confronter différents courants de pensées et de dégager des pistes de réflexion. Depuis le discours royal du 30 juillet 2014, la question du capital immatériel est analysée sous toutes les coutures. Bien que le sujet ait été développé depuis plusieurs décennies, il n'existe cependant pas une grille de lecture et d'évaluation propre au Maroc et c'est dans ce sens que l'appel royal a été adressé au Conseil économique, social et environnemental ainsi qu'à Bank Al-Maghrib en vue de réaliser une étude pour déterminer la richesse globale du Maroc. Un appel aussi à un plus large débat des différentes composantes de la société afin de faire émerger un modèle marocain avec des critères spécifiques capables de mesurer l'efficience des politiques publiques et leurs impacts sur le citoyen lambda. C'est dans cette perspective que la Fondation Attijariwafa bank a organisé récemment une importante conférence-débat autour du thème «Capital immatériel : utilité, évaluation et impact» réunissant des experts de différents horizons pour confronter leur avis sur le sujet. Mohamed El Kettani, le Président-Directeur général d'Attijariwafa bank, a rappelé qu'avant le discours royal du 30 juillet dernier, le Maroc s'est toujours basé, comme la plupart des pays, sur l'indicateur économique classique qu'est le produit intérieur brut, pour mesurer sa richesse nationale. Désormais, la prise en compte du capital immatériel va permettre d'apprécier tous les efforts déployés par l'Etat en intégrant, contrairement aux approches financières classiques, d'autres facteurs comme les compétences humaines, la cohésion sociale, la confiance dans les institutions ou encore la sécurité, souligne El Kettani. En somme, il s'agira d'établir un nouveau paradigme à même de mesurer également l'impact «intangible» des politiques publiques et des différentes stratégies sur les citoyens marocains. Le PDG d'AWB soutient par ailleurs qu'il s'agit d'une révolution statistique que le pays a engagée de son propre chef, qui nécessitera des investissements dans les technologies les plus modernes et les compétences humaines les plus pointues, qui tienne compte des spécificités du pays et qui nécessite une évolution des mentalités pour créer une émulation au sein de notre tissu économique. Ce souci de spécificité a également été soutenu par Tawfik Mouline, président de l'Institut Royal des études stratégiques (IRES), que doit prendre en considération le concept de capital immatériel, appelé à être un outil de pilotage des politiques publiques. En attendant que ce concept voit le jour, le DG de l'IRES a relevé une progression soutenue de la richesse globale et immatérielle du Maroc entre 2000 et 2013, sur la base du mode de calcul de la Banque mondiale. Justement, est intervenu lors de cette conférence Jean Pierre Chauffour, économiste principal auprès de la Banque mondiale, étayant les détails du modèle de l'institution de Bretton Woods, qui a travaillé depuis plusieurs années sur le sujet englobant plus de 120 pays, tout en affirmant que travailler sur le seul cas du Maroc dans la dynamique lancée par le Souverain permettrait de développer un modèle plus affiné. Dans son intervention, il a d'ailleurs expliqué que le capital immatériel regroupe aussi bien le capital humain, social qu'institutionnel d'un pays. Plutôt que de quantifier le flux de production, il s'intéresse à l'évolution du patrimoine d'un pays. Ainsi, le capital immatériel serait la différence entre la richesse totale, calculée sur la base de la consommation soutenable, et la somme du capital fixe et du capital naturel. Pour sa part, Jean-Claude Dupuis, enseignant à l'IAE Paris, a attiré l'attention, tout en qualifiant le modèle de la BM d'intéressant, de prendre garde à ne pas opposer le capital matériel au capital immatériel. Il a d'ailleurs axé son intervention sur la corrélation positive entre capital immatériel et performance des entreprises, dont l'enjeu est le développement et la préservation de l'avantage concurrentiel de l'entreprise. Contrairement à l'échelle d'un Etat, le capital immatériel en entreprise se divise en capital naturel et sociétal, et en capital intellectuel qui regroupe aussi bien le capital humain, structurel que relationnel. Jean-Claude Dupuis a établi par ailleurs un lien certain entre performance financière et qualité du capital immatériel dans le secteur des télécoms. Il soutient néanmoins que c'est un lien qui n'a rien d'automatique y compris au niveau macroéconomique. Le débat a donc permis de cerner d'autres approches de ce qu'est le capital immatériel, en attendant de voir de quels ingrédients sera composé notre modèle national. Rappelons que le CESE et BAM devront livrer leur copie en avril prochain !