Présentation de l'ouvrage Afrique et puissances, édité par l'Institut des études africaines de Rabat sous la direction de : Yahia Abouelfarah, Echkoundi Mhammed, Mustapha Machrafi et Khadija Boutkhili. Avec le déplacement du centre de gravité de la croissance mondiale en faveur des pays émergents, l'Afrique redevient un enjeu stratégique aussi bien pour les pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Corée du Sud, Russie, Turquie, Singapour, Qatar...etc.) que pour les anciennes puissances (qui s'intéressent de nouveau au continent après avoir commencé à s'en détourner). En effet, la part croissante des pays émergents (PE) dans la croissance mondiale plaide pour la mise en place d'une nouvelle gouvernance mondiale susceptible de refléter les nouveaux rapports de force sur la scène internationale. L'Afrique n'est pas en reste de ce basculement du monde. En effet, avec l'irruption de nouvelles puissances en Afrique, ses dirigeants se tournent de plus en plus vers des sources non traditionnelles de financement. II va sans dire que les pays comme la Chine, l'Inde, la Malaisie et Singapour qui comptent parmi les 20 premiers investisseurs en Afrique sont plus intéressés. Effectivement, nous observons ces dernières années la présence d'une panoplie d'acteurs issus des PE dans le continent. D'où le regain d'intérêt que suscitent ces nouvelles puissances pour l'Afrique. Toutefois, aussi bien pour les anciennes que pour les nouvelles puissances, l'intérêt pour ce continent est motivé principalement par des considérations énergétiques et minières. On peut tout de même souligner l'importance de cette nouvelle situation pour l'Afrique en ce sens que l'intérêt des nouvelles puissances est synonyme à la fois d'une diversification des partenaires et des sources de financement. Ce qui suppose la multiplicité des stratégies, des modes de pénétration et d'intégration dans les économies locales africaines. Cela est d'autant plus intéressant que les relations commerciales et financières entre l'Afrique et les nouvelles puissances ne sont assorties d'aucune conditionnalité politique ou économique. Ce qui signifie une nouvelle marge de manoeuvre pour les Etats africains dans l'élaboration de leurs politiques économiques de développement. En d'autres termes, la diversification des partenaires en Afrique traduit la concomitance de deux modes de gouvernance : la «bonne gouvernance» imposée par les anciennes puissances à l'Afrique et la «gouvernance neutre» émanant de nouvelles puissances. En dernière instance, l'Afrique se trouve devant une nouvelle opportunité de développement, marquée par l'essoufflement du modèle de développement occidental qui a inspiré les dirigeants africains jusque-là, et l'émergence d'un nouveau modèle asiatique reposant sur «l'Etat stratège». Les Etats africains sauront-ils faire la synthèse des deux modèles et par conséquent, élaborer de nouvelles stratégies de développement basées sur la diversification de la structure productive et le développement humain ? En somme, cet ouvrage ambitionne d'apporter un éclairage sur la nouvelle réalité africaine, marquée par l'arrivée de nouvelles puissances et le redéploiement des anciennes sur le continent. Cette internationalisation de la concurrence en Afrique suscite un regain d'intérêt pour un continent qui continue d'être considéré comme un simple réservoir de ressources énergétiques, minières et naturelles. En quoi cette nouvelle réalité offre de nouvelles opportunités de développement pour les pays africains ? Et quelle est la nature de la concurrence livrée par les anciennes et les nouvelles puissances sur le continent africain ? Pour ce faire, l'ouvrage est constitué de deux parties réunissant les articles d'éminents chercheurs africains. La première se focalise sur les enjeux des puissances nouvelles et anciennes en Afrique. Elle ambitionne d'éclairer la nouvelle situation devant laquelle se trouvent les pays africains, marquée par la diversification des partenaires en raison de l'irruption sur le contient de nouvelles puissances issues du Sud et le retour, par le biais de nouvelles stratégies, des anciennes puissances sur un terrain qui leur est familier. Les thématiques développées dans cette partie tentent de mettre en lumière cette nouvelle situation en cherchant à comprendre les mobiles qui sous-tendent ce regain d'intérêt pour l'Afrique, les différentes stratégies des puissances qui s'y déploient, la nature des échanges commerciaux et financiers entre ces puissances et l'Afrique et, finalement le genre de coopération (conditionnalités ou pas). Dans ce contexte mondial en pleine métamorphose, l'Afrique saura-t-elle se positionner comme une puissance en devenir ? Tout dépendra de sa capacité à se doter d'une stratégie de développement et de réintégration dans le commerce mondial. En d'autres termes, de l'image qu'elle se fait d'ellemême. Cette dernière est restée jusqu'à maintenant empruntée de l'héritage colonial. D'où l'importance pour les pays du continent de s'émanciper de cette image misérabiliste et réductrice. En effet, si le sous-développement du continent s'explique, en partie, par les conséquences du colonialisme, tout développement futur repose fondamentalement sur des ressorts internes et donc, il devrait être en cela autoentretenu. C'est ainsi que la deuxième partie de cet ouvrage est consacrée à l'examen des leviers internes de développement en Afrique à savoir, la dynamique de croissance, la tendance à la diversification de la structure économique, la gouvernance et l'émancipation de la société civile.