Bank Al-Maghrib nous a récemment appris être intervenu massivement lors du troisième trimestre de l'année pour absorber le déficit de liquidités du secteur bancaire qui s'est creusé de 17,2 Mds de dirhams en trois mois. Ces interventions ont réduit le coût moyen pondéré du marché interbancaire ainsi que sa volatilité. Pourquoi ce creusement et quels ont été les moyens mis en œuvre par BAM pour stopper l'hémorragie ? L'insuffisance de liquidités bancaires s'était pourtant résorbée lors du deuxième trimestre de 2013. Elle était passée de 63,8 Mds de dirhams à 59,4 Mds de dirhams en raison de la levée de fonds opérée par le Royaume à l'international et qui avait renfloué les caisses de 6,5 Mds de dirhams (1 Md de dollars). Le gouvernement s'était à l'époque félicité de cette levée de fonds, alors que le gouverneur de BAM, Abdellatif Jouahri, avait expliqué que cela maintiendrait les réserves en devises à un niveau stable jusqu'à la fin de l'année, chose qui a été effectivement constatée jusqu'à présent. Outre la sortie à l'international, le déficit de liquidités a été soulagé par des rentrées de plus de 38,7 Mds de dirhams (émissions de bons du Trésor et rentrées fiscales) qui ont absorbé en partie le remboursement des échéances de la dette intérieure au profit des banques de quelque 33,4 Mds de dirhams, le paiement des salaires des fonctionnaires pour 16,1 Mds de dirhams et les dépenses de compensation de 15,1 Mds de dirhams. Par ailleurs, les opérations en devises ont induit une injection de liquidités de 2,6 Mds de dirhams du fait des cessions de billets de banque étrangers plus importantes que les achats de devises. Pour leur part, les retraits de monnaies fiduciaires ont atteint 5,5 Mds de dirhams. C'est ainsi que le déficit de liquidités bancaires s'est légèrement estompé à fin juin, réduisant par ricochet les interventions de BAM qui ont atteint 60 Mds de dirhams, au plus bas. Mais les vacances sont passées par là ! L'année 2013 s'est caractérisée par la coïncidence de Aïd Al-Fitr avec la haute saison des vacances qui était d'ailleurs de courte durée. La majorité des congés s'est concentrée sur une vingtaine de jours, ce qui a induit des retraits d'argent importants. La monnaie fiduciaire en circulation a augmenté de 8,7 Mds de dirhams. Soit presque la moitié du creusement additionnel du déficit de liquidités qui était de 17,2 Mds de dirhams et qui a porté le besoin du secteur en liquidités à 76,6 Mds de dirhams pendant le mois d'août. Pour le reste, les opérations du Trésor ont été à l'origine d'une ponction de liquidités de 7,3 Mds de dirhams. Pendant le deuxième trimestre, les émissions de bons du Trésor de 26,7 Mds de dirhams n'ont pas permis de compenser cette fois encore, le paiement de la dette, le paiement des salaires et le règlement des dépenses de compensation, pour 9 Mds de dirhams. Face à ce déficit de 76,6 Mds de dirhams, la Banque centrale a maintenu le cap en continuant de financer inlassablement les établissements bancaires. Pour ce faire, elle est intervenue majoritairement au moyen des opérations d'avances à sept jours pour un montant quotidien moyen de 46,9 Mds de dirhams, soit le même niveau injecté le trimestre précédent. Bank Al-Maghrib a également porté l'encours de ses opérations de refinancement à 3 mois à 20 Mds de dirhams, dont 6 Mds de dirhams au titre des opérations de prêts garantis par des effets privés représentatifs de crédits destinés aux PME et TPE, un mécanisme mis en place récemment et qui porte déjà ses fruits (www.financesnews.press.ma). En outre, la Banque a accordé quatre opérations d'avances à 24 heures pour un montant moyen de 2,3 Mds de dirhams. Ces injections massives ont permis de réduire le taux moyen pondéré du marché interbancaire de 3 points de base par rapport au niveau observé durant le deuxième trimestre de 2013 pour s'établir à 3,3%, soit à un niveau très proche du taux directeur, avec moins de volatilité, ce qui indique que BAM a réussi son rôle d'irrigateur du secteur. Certes, le déficit de liquidités bancaires devient structurel et la Banque centrale a pourtant expliqué que cela ne sera jamais un problème, car elle fournira toujours les liquidités nécessaires aux établissements bancaires. Toutefois, cela lève le voile sur la dépendance, potentiellement dangereuse, du système bancaire à une Banque centrale qui joue maintenant sur tous les tableaux en se réservant une place, sans contraintes politiques, à côté de l'exécutif sur les questions relatives à la croissance. L'élargissement des prérogatives de la Banque centrale et la dépendance de plus en plus accrue du système économique et bancaire à cette dernière nous rapproche de plus en plus, toutes proportions gardées, de la nouvelle organisation financière mondiale déployée depuis 2008. Est-ce judicieux d'entretenir cette forte dépendance des banques vis-à-vis de BAM ? Est-ce judicieux d'être dans l'air du temps ? L'avenir nous le dira.