Les comportements de paiement des entreprises marocaines diffèrent selon que le fournisseur est à l'étranger ou au Maroc. A fin 2019, les faillites de PME et TPE prévues sont estimées à 9.200 unités.
Par Badr Chaou
C'est un secret de polichinelle. Les délais de paiement au Maroc pèsent lourdement sur la croissance des entreprises, notamment sur l'épine dorsale de notre tissu économique que sont les PME et TPE. Le spécialiste en assurance crédit, Coface, s'est encore une fois penché sur le sujet lors d'une conférence organisée à Casablanca, faisant le point sur les tendances économiques et sectorielles au Maroc, lors d'une rencontre sous le thème «En quoi les bénéfices de l'assurance-crédit peuvent-ils favoriser une gestion saine de votre poste client et ainsi contribuer à votre développement au Maroc et à l'export ?». Selon Mehdi Arifi, Directeur général assurancecrédit du Maghreb chez Coface Maroc, en 2018, le nombre de faillites notifiées des entreprises a été de 8.200 sociétés, et près de 9.200 faillites sont prévues à fin 2019 du côté des PME et TPE. Une situation causée essentiellement par le rallongement des délais de paiement ainsi qu'une hausse des défauts de paiement.
Les mentalités doivent changer Selon les chiffres constatés par Coface, le délai de paiement contractuel moyen est de 186 jours. Autrement dit, entre la date d'émission de la facture et le jour effectif de paiement. «Sur la problématique du délai de paiement au Maroc, le délai reste très alarmant, met sous tension les entreprises marocaines, et aggrave dans une autre mesure le climat des affaires», explique Mehdi Arifi, DG Assurance-crédit du Maghreb chez Coface. Et d'ajouter que «même si dans la majorité des cas les paiements demeurent honorés, les retards accusés détériorent la perception du climat des affaires». «Cela peut mettre fin à la vie d'une entreprise, surtout les TPE et PME qui n'ont pas beaucoup de trésorerie, et où c'est le patron qui est amené à injecter son propre argent afin d'augmenter le fonds de roulement et éviter une crise de liquidité, ce qui est une situation déplorable». «Pour l'instant, chez Coface, nous constatons tout de même une légère amélioration, surtout que l'Etat s'est beaucoup penché sur ce sujet», nous confie, pour sa part, Carmine Mandola, directeur des opérations Afrique et Moyen- Orient du Groupe Coface. Il est nécessaire de noter que les délais de paiement prolongés concernent les transactions qui se déroulent au niveau national. Car, les délais de remboursement de crédits à l'international sont dûment respectés par les entreprises marocaines. A titre d'exemple, le délai de paiement avec les Pays-Bas est en moyenne de 31 jours, avec l'Allemagne de 26 jours, et pour la France et l'Italie, il est de respectivement 41 et 60 jours. Pour Carmine Mandola, «le délai de paiement est une question de prise de conscience et d'équité de traitements de fournisseurs et non de liquidité. D'ailleurs, les délais de paiement vis-à-vis des pays étrangers sont respectés alors qu'entre les entreprises marocaines ce n'est pas le cas». Et d'ajouter : «il y a une loi au Maroc qui oblige les sociétés à payer dans un délai à 90 jours, sinon il y a déclenchement d'intérêts. Mais, à mon avis, la loi, à elle seule, ne peut obliger les entreprises à adopter la bonne attitude; il faut un changement de mentalité. Je pense que les assurances de crédit peuvent contribuer à l'amélioration de ce point-là, parce que nous notons les entreprises adhérentes quand elles accusent un retard, et cela se répercute sur leurs ratios de solvabilité».
Le Maroc engagé dans une réforme Le Maroc s'est aujourd'hui engagé à améliorer son environnement des affaires avec la mise en place de plusieurs initiatives de la part de l'Etat. Ces dernières inspirent optimisme auprès des investisseurs car, selon une étude présentée lors du même évènement, les entreprises marocaines s'attendent à une amélioration des délais de paiement, ce qui n'était pas le cas auparavant selon Coface. La perception des patrons d'entreprises s'est améliorée pour le secteur public et privé, tandis que pour les multinationales, elle est demeurée stable, vu que ces dernières respectent pour la grande majorité leurs engagements en termes de remboursements de crédits. Par ailleurs, selon les mêmes experts, la loi 49.15 relative aux délais de paiement doit être revue, car elle n'est pas adaptée à certains secteurs, comme l'agriculture où le délai est long du fait de la période de récolte. De plus, elle a été élaborée, selon eux, sans consultation préalable des problématiques des opérateurs.