L'émission de Sukuk suppose un partage des risques avec les investisseurs. Le montage financier est identique à une titrisation et peut être encouragé par la fiscalité. Le Maroc approché pour une émission en Sukuk. Par simplification, il est fréquent de considérer que les Sukuk sont à la finance islamique ce que les obligations sont à la finance conventionnelle. Cette affirmation est en partie vraie puisqu'il existe des différences fondamentales sur plusieurs plans entre ces deux produits. Pour certaines industries marocaines, l'éventuel lancement de cette offre de financement sur le marché local devrait constituer une alternative sérieuse aux financements traditionnels. D'ailleurs, le Maroc, et comme le signale le CDVM dans son étude sur les Sukuk, aura tout intérêt à orienter ces produits vers des secteurs clés tels que l'agriculture, l'immobilier et le tourisme pour accroître leurs capacités à lever des fonds. Toutefois, un problème de taille se pose en ces temps de morosité : l'émission de Sukuk suppose une confiance supérieure de la part des souscripteurs par rapport aux obligations conventionnelles. Le montage financier d'une émission de Sukuk est semblable à celui d'une opération de titrisation. L'émetteur apporte un actif capable de générer des flux financiers clairement définis tels qu'un immeuble, une machine ou un terrain agricole à une entité ad-hoc créée par ses soins. Cette entité détiendra l'actif qui sera sorti du bilan de l'émetteur. Elle procédera ensuite à l'émission des Sukuk au profit des investisseurs. Les souscripteurs auront un droit de propriété sur le bien titrisé et non un droit de créance comme dans une émission obligataire. La rémunération, selon le type de Sukuk émis, sera fonction de la rentabilité dégagée sur l'exploitation de l'actif tangible par l'émetteur. Les actifs éligibles au financement par Sukuk sont des actifs compatibles avec la Sharia et doivent générer des flux financiers maîtrisables. Si des actifs financiers conventionnels qui génèrent un flux d'intérêt ne sont pas acceptables d'un point de vue sharia, un flux basé par exemple sur un revenu locatif ou des profits résultant de projets d'investissements spécifiques demeurent tout à fait envisageables. C'est pour cette raison que le secteur de l'immobilier est celui qui draine le plus de volumes de Sukuk à travers le monde. Quant à la fiscalité des Sukuk, il ressort d'un large benchmark effectué par le CDVM qu'il existe deux grandes tendances dans le traitement fiscal de ces produits. La première tendance consiste à leur appliquer une fiscalité identique à celle des produits de la finance conventionnelle. C'est ce qu'on retrouve dans les pays occidentaux comme la France et le Royaume-Uni. Par contre, en Malaisie, pays avancé en finance islamique, les autorités se sont montrées plus volontaristes en encourageant l'accès au Sukuk, et aux produits islamiques en général, par un traitement fiscal plus avantageux. A titre d'exemple, les investisseurs résidant en Malaisie sont entièrement exonérés d'impôts sur les fruits de leurs placements en Sukuk émis en Malaisie. On note également que les entités ad-hoc créées à l'occasion d'émission de Sukuk sont totalement exonérées d'impôts. Les risque liés aux Sukuk Le risque de crédit ou de défaut de l'émetteur est le principal risque lié à une émission de Sukuk. En effet, contrairement à une émission d'obligations, les investisseurs en Sukuk partagent les risques avec les émetteurs. Le rééchelonnement de la dette étant prohibé aux yeux de la Sharia, il faut s'assurer du coté de l'investisseur de la qualité du papier dans lequel il investit. Quant au risque de détérioration des conditions de marchés tel qu'une baisse du taux de référence, il existe aussi bien en finance islamique qu'en finance conventionnelle. Car lors du montage financier d'une émission de Sukuk, les accompagnateurs financiers ont besoin d'un taux de référence pour monter le produit. Les rendements seront comparés à ce taux de référence pour juger de la performance. Enfin, le risque le plus important en matière de Sukuk et qui limite l'innovation en la matière est le risque de conformité avec la Sharia. La concrétisation d'un tel risque annule totalement les clauses d'un contrat d'émission en Sukuk. A ces risques s'ajoute celui de la liquidité qui est la principale crainte des gérants d'OPCVM au Maroc (www.financesnews.press.ma). L'émission de nouveaux produits financiers de cette nature nécessite une période d'observation de la part des investisseurs. Outre l'accroissement de la volatilité sur le marché secondaire, les investisseurs de deuxième main devront s'acquitter d'une prime d'illiquidité tant que les volumes de transactions sur le marché secondaire restent faibles. Pour cette raison, les gérants d'OPCVM qui se disent prêts à investir dans ces produits préfèrent des maturités courtes au départ. Par A. H. Le Maroc approché pour une émission en Sukuk Le ministre de l'Economie et des Finances, Nizar Baraka, nous a confié dans une conférence de presse à l'occasion de l'émission obligataire souveraine que lors du road show mené récemment à l'international, il a été approché pour une émission en Sukuk. Selon lui, «ce produit a beaucoup d'avantages et sera étudié lors des prochaines émissions d'emprunts à l'international. Le Maroc ne pouvait pas émettre ce type de produits cette année car le montage financier n'est pas conforme à une émission de Sukuk».