- La DGI scrute les prix de transfert des filiales étrangères. - Un accord est prévu afin d'éviter la double imposition.
Par Badr Chaou
La problématique sur la fixation des prix de transfert des multinationales est aujourd'hui au cœur du débat fiscal. De quoi s'agit-il ? Selon la définition de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), «les prix de transfert correspondent notamment aux prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels ou rend des services à des entreprises associées». Autrement dit, ils se définissent plus simplement comme étant les prix de transactions entres sociétés appartenant au même groupe. La Loi de Finances 2019 a revu le cadre régissant le contrôle fiscal des entreprises étrangères installées au Maroc. En effet, le fisc a imposé à ce type d'entreprise l'obligation de lui fournir tous les éléments lui permettant de traiter leurs politiques de prix de transfert afin d'éviter les évasions fiscales. Aujourd'hui, les prix de transfert font quasi systématiquement l'objet d'un redressement lors des contrôles fiscaux de sociétés ou succursales membres de groupes multinationaux. Mais comment ce mécanisme fonctionne-t-il ? Arji Abdelaziz, expert-comptable, auditeur commissaire aux comptes, président de la Commission juridique et fiscale de la CFCIM, explique que «l'évasion fiscale se fait par la minoration du chiffre d'affaires de la filiale ou la majoration des charges facturées par la maison-mère et ses filiales, qui traitent avec la filiale basée au Maroc. Elle intervient également par la mise en place d'un montage consistant à passer par un pays de transit dans lequel la fiscalité est très avantageuse. Ainsi, le groupe réalise des bénéfices réduits dans les pays fortement taxés et localise sa grande marge dans ce pays que l'on peut qualifier de paradis fiscal».
Quel accord avec le fisc ? La Direction générale des impôts (DGI) a voulu implanter cette nouvelle mesure de manière progressive afin de conserver la confiance des investisseurs étrangers. En effet, les entreprises étrangères implantées sur le sol marocain sont invitées par le fisc à signer un accord préalable sur la fixation des prix de transfert (APP), et ce dans une optique d'harmonisation du système fiscal avec les normes internationales et de renforcement des moyens de contrôle de la DGI des prix de transfert. «Les filiales des multinationales opérant au Maroc doivent déposer une demande auprès de la DGI, et ce au moins six mois avant l'ouverture de l'exercice concerné par l'accord. Les entreprises peuvent également solliciter une entrevue informationnelle avec un responsable de l'administration fiscale pour tenir compte des conditions d'application de l'accord, des procédures à suivre, de la nature des informations nécessaires ainsi que de la politique du prix de transfert pratiquée par les entreprises concurrentes», a indiqué par ailleurs Arji Abdelaziz lors d'une conférence tenue récemment sur le sujet. Cette mesure figure parmi les règles applicables en matière de prix de transfert, mises en pratique par le Code général des impôts (CGI), plus précisément dans son article 213. Ce dernier stipule que «lorsqu'une entreprise marocaine a directement ou indirectement des liens de dépendance avec des entreprises situées au Maroc ou hors du Maroc, les bénéfices indirectement transférés soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont rapportés au résultat fiscal et/ou au chiffre d'affaires déclarés. En vue de cette rectification, les bénéfices indirectement transférés indiqués ci-dessus de l'entreprise concernée sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires ou par voie d'appréciation directe sur la base d'informations dont dispose l'administration». Pour Arji Abdelaziz, «le fisc marocain dispose de l'article 213 du CGI qui lui permet de redresser les sociétés qui ne pratiquent pas des prix qui répondent au principe de pleine concurrence. Mais la contrainte de ce processus, c'est que ce n'est pas une science exacte. La fixation des prix nécessite une réflexion approfondie de tous les intervenants sur la chaîne de valeur de la société». Ainsi, ledit accord est un instrument de sécurité juridique pour les investisseurs afin d'éviter la double imposition. C'est aussi pour l'administration fiscale un instrument de garantie des résultats des filiales de sociétés étrangères implantées au Maroc. ◆
Encadré : Périmètre de l'APP «Les parties concernées par l'accord préalable sur la fixation des prix de transfert peuvent être une ou plusieurs DGI étrangères et ayant conclu avec le Maroc des conventions fiscales internationales, contenant une disposition relative à la procédure amiable de règlement des différends. Les opérations objet de la demande de l'accord devront être transfrontalières et peuvent concerner les biens, les services et les incorporels, cibler une ou plusieurs transactions», indique un document de Eurodefi Audit, spécialiste en conseil juridique et fiscal, expertise-comptable, audit et commissariat aux comptes.