Malgré les propositions formulées par l'ICPC à l'adresse des pouvoirs publics, la situation du Maroc en matière de lutte contre la corruption ne s'est pas améliorée de manière significative. La politique poursuivie à cet effet est jugée sans dimension stratégique et dépourvue d'un engagement effectif anticorruption. L'un des faits marquants relevés par le bilan des activités de l'Instance Centrale de Prévention de la Corruption durant l'exercice 2010-2011, reste la poursuite de l'accomplissement des principales missions qui lui sont dévolues par le décret de création. Le deuxième est que la plateforme de propositions prioritaires destinées à insuffler une nouvelle dynamique à la politique de prévention et de lutte contre la corruption, présentée par l'ICPC aux pouvoirs publics, n'a pas obtenu l'écho souhaité. Pourtant, la nouvelle constitution a consacré la pertinence des recommandations et propositions de l'ICPC, particulièrement à travers l'insistance sur l'impératif du renforcement d'un ensemble de mécanismes visant la moralisation de la vie publique, la mise en liaison entre la responsabilité et la reddition des comptes et la constitutionnalisation des institutions de bonne gouvernance. En conséquence, le rapport, suivant un travail scientifique, conclut en démontrant que le champ de la corruption est en passe de s'étendre à l'ensemble des domaines de la chose publique. S'agissant de l'évaluation des politiques de lutte contre la corruption, le rapport tout en soulignant l'importance des réalisations judiciaires et institutionnelles et leur conformité avec les standards internationaux observés en la matière, s'arrête en revanche sur certaines lacunes qu'il y a lieu de combler, notamment l'absence d'une dimension stratégique susceptible d'asseoir une politique de lutte contre la corruption efficace, conditionnée, intégrée et fondée sur des objectifs fixés pouvant être suivis et évalués. Concernant l'existant, il y a lieu aussi de noter le manque d'harmonisation du dispositif pénal et judiciaire avec les exigences de la lutte contre la corruption, perceptible notamment au niveau du champ restreint d'incrimination des actes et des parties et l'effet dissuasif limité des sanctions. La faiblesse de leurs relations institutionnelles, de coopération et d'échange d'expertises et d'informations est également pointée du doigt. La gouvernance publique passée au peigne fin Le bilan des activités de l'Instance Centrale de Prévention de la Corruption durant l'exercice 2010-2011 a dévoilé la faiblesse du niveau de la gouvernance publique particulièrement imputable aux défaillances relevées en matière d'interdiction des conflits d'intérêts et d'enrichissement illégal et au niveau tant de la gestion des ressources humaines et financières et des marchés publics que des relations entre l'administration et les citoyens. L'autre élément révélateur et non des moindres, est à la portée limitée des mécanismes de la gouvernance politique tant au niveau des dispositions juridiques ayant trait à l'éligibilité, au contrôle de l'utilisation des subventions publiques accordées aux partis politiques et pour le financement des campagnes électorales, que par référence aux insuffisances de la pratique parlementaire qui ne permettent pas d'exercer la fonction du contrôle politique avec l'efficacité requise. Le rapport ne se contente pas d'une analyse au niveau central puisqu'il a mis au grand jour la défaillance de la gouvernance territoriale due à la faiblesse de la transparence de la gestion locale, à la relation floue et hésitante entre les instances élues et les citoyens, à l'inadéquation des organismes de tutelle et de contrôle, à la portée limitée des actions des institutions de reddition des comptes et aux retards accumulés pour l'intégration de la gouvernance de l'espace dans l'approche globale d'aménagement du territoire. Pis encore, il reste difficile d'apprécier les résultats des efforts entrepris pour l'amélioration du climat des affaires et de la gouvernance des entreprises privées, en raison de la persistance des contraintes relatives à la mise en œuvre de la concurrence, à l'absence de la diffusion régulière des informations sur les marchés de privatisation, les adjudications d'achat et les subventions octroyées, au manque d'un système autonome, transparent et périodique pour l'évaluation de toute intervention publique sélective et à la portée limitée de la tendance à réduire le recours au système des autorisations. La Constitution, une donne qu'il faut intégrer Persuadée de l'importance de l'amélioration du niveau de la gouvernance et de la consécration des valeurs d'intégrité, de transparence et de responsabilité en tant que leviers essentiels du développement humain durable, l'ICPC a tenu, dans le cadre de ce rapport, à passer en revue les principales dispositions constitutionnelles consacrant les règles de bonne gouvernance, tout en insistant sur la nécessité de leur déclinaison à la fois juridique et opérationnelle. A ce titre, le rapport a mis en relief les dispositions constitutionnelles régissant l'Etat de Droit et la Justice indépendante, et notamment les dispositions relatives au droit d'accès à l'information, au procès équitable et à la protection judiciaire. Mention est également faite des nouveaux mécanismes introduits par la Constitution au titre du renforcement du contrôle et du lien entre la responsabilité et la reddition des comptes, particulièrement à travers les dispositions relatives à la motion de censure, aux commissions parlementaires d'investigation, à la soumission des responsables des établissements publics à l'obligation de rendre compte au Parlement, à la garantie d'une place de choix à l'opposition, à la suppression de la Haute Cour des Ministres, à la limitation de l'immunité parlementaire et à la consolidation du rôle de la Cour des Comptes et des Cours Régionales des Comptes. Dans la même lignée, le rapport a ciblé les allusions institutionnelles ayant trait à la garantie de la démocratie participative, en mettant particulièrement l'accent sur les dispositions relatives à la transparence des élections, à l'encadrement du rôle central des partis politiques dans l'exercice de la démocratie, à l'interdiction de la transhumance parlementaire, à la consolidation de la participation de la société civile et à la création d'instances de consultation permettant l'institutionnalisation de cette implication. Les dispositions constitutionnelles relatives aux déterminants de la bonne gouvernance ont été également mises en relief dans le cadre de ce rapport, notamment celles qui concernent la consécration des principes d'égalité entre citoyennes et citoyens, dont l'accès aux services publics, la soumission de la gestion de ces services aux règles de qualité, de transparence et de reddition des comptes et aux prescriptions d'une charte de bonne gouvernance, ainsi que la constitutionnalisation des institutions de bonne gouvernance avec garantie de leur indépendance. Le rapport n'a pas occulté, par ailleurs, les dispositions constitutionnelles relatives à la gouvernance territoriale, particulièrement celles accordant une place de choix à la région dans l'accomplissement des opérations d'élaboration, de suivi et de mise en œuvre des programmes régionaux de développement, ainsi que celles clarifiant le rôle des walis et gouverneurs qui représentent l'autorité centrale au niveau des collectivités territoriales et agissent au nom du gouvernement.