Parallèlement à la 5e vague qui déferle sur l'Europe, un nouveau variant du Covid-19 vient d'être détecté en Afrique du Sud. Un cas de ce B.1.1.529, déjà présent au Botswana et même à Hong Kong, a été détecté en Israël et en Belgique. Les pays membres de l'Union européenne se sont mis d'accord pour suspendre les voyages en provenance l'Afrique australe, touchée par l'apparition d'un nouveau variant. Lire aussi |Covid-19. Un nouveau variant préoccupe la scène mondiale La présidence slovène de l'Union Européenne a annoncé ce vendredi que les 27 pays membres se sont mis d'accord pour suspendre les voyages en provenance de l'Afrique australe, où un nouveau variant potentiellement très contagieux a été détecté en Afrique du Sud, et l'UE. Les Etats membres se doivent également de tester les derniers passagers en provenance d'Afrique australe, et les mettre en quarantaine. Plus tôt dans la journée, la Commission europénne avait justement proposé aux 27 de suspendre les vols en provenance et à destination d'Afrique australe, ainsi que des autres pays touchés par l'apparition du nouveau variant de Covid-19 B.1.1.529. « La Commission européenne a proposé aujourd'hui aux Etats membres d'activer le 'frein d'urgence' sur les voyages en provenance des pays d'Afrique australe et des autres pays touchés pour limiter la diffusion du nouveau variant. Tous les voyages aériens à destination de ces pays doivent être suspendus jusqu'à ce que nous ayons une bonne compréhension du danger posé par ce nouveau variant », a indiqué sa présidente, Ursula von der Leyenn dans une déclaration. Un premier cas de ce nouveau variant a été détecté pour la première fois en Belgique, a déclaré ce vendredi le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke. D'après le virologue Marc Van Ranst, il s'agit d'un voyageur d'une trentaine d'années, qui était revenu d'Egypte le 11 novembre dernier. Lire aussi |Maroc. Les vols de et vers l'Afrique du Sud et d'autres pays d'Afrique Australe interdits Pourquoi ce variant inquiète? Ce nouveau variant inquiète, en raison du nombre extrêmement élevé de mutations de ce variant, mais aussi de sa vitesse de propagation. Il pourrait être le premier variant connu du coronavirus à s'imposer devant le Delta en population, autrement dit à se transmettre encore plus vite que lui. Jusque-là, Delta était le variant le plus contagieux : 60 % plus contagieux que le variant Alpha, lui-même 50 à 74 % plus transmissible que la souche originelle. Selon les scientifiques, le variant B.1.1.529 présente au moins 10 mutations, contre seulement 2 pour le Delta. Mais ce sont surtout les séquençages sud-africains qui inquiètent. Selon eux, le variant représenterait déjà 75 % des nouveaux cas du pays. Un tel pourcentage, s'il est confirmé, signifierait qu'il prend l'ascendant sur Delta – un fait jusque-là jamais observé dans le monde –, et qu'il serait donc potentiellement encore plus contagieux. Le séquençage n'est pas une science toujours exacte : il est la lecture d'un échantillon de population à un instant T, et peut être d'autant plus biaisé s'il se fait par inadvertance dans un cluster local. A cela s'ajoute que l'incidence en Afrique du Sud est faible, 30 fois moins de cas qu'en France pour une population moins nombreuse : un nouveau variant peut plus vite donner l'impression de s'imposer. Ces doutes ne doivent pas empêcher une crainte légitime : « La première apparition du variant date de fin septembre, on a déjà un petit bout de temps et du recul. Les scientifiques sud-africains auraient d'ailleurs pu sonner l'alerte dès fin octobre, au vu des remontées de séquençage », selon le chercheur en immuno- oncologie Eric Billy. Lire aussi |Vols Maroc-France. Décision de suspension reportée au dimanche 28 novembre Ce variant réduit-il la protection vaccinale ? S'il semble plus contagieux que le variant Delta, B.1.1.529 inquiète également en raison de son grand nombre de mutations, qui pourrait – et on insiste sur le conditionnel – diminuer l'efficacité de la protection vaccinale. De la même manière, on ignore encore si ce variant entraîne plus de formes graves ou une plus grande mortalité, là aussi une hypothèse en raison de son large panel de mutation. « S'il s'avère qu'il diminue beaucoup l'efficacité vaccinale, on pourrait même devoir refaire de nouveaux vaccins spécialement pour ce variant », s'inquiète Eric Billy. Rappelons néanmoins que même dans le pire scénario où B.1.1.529 réduit la protection vaccinale, celle-ci ne devrait pas être complètement nulle pour autant. Autrement dit, il sera toujours plus avantageux d'être vacciné que ne pas l'être : « Il est peu probable que toute l'efficacité des anticorps neutralisants soit perdue même dans la pire des hypothèses. Le vaccin restera en partie utile », rappelle le chercheur. « Il est fort probable que les expériences d'évaluation à l'échappement immunitaire seront effectuées rapidement dans les semaines à venir », note-t-il, ce qui devrait permettre d'en savoir plus sur l'efficacité vaccinale. Lire aussi |Covid. Attention à l'euphorie [Par Jamal Berraoui] Ce scénario était-il prévisible ? Hélas, oui. L'Organisation mondiale de la Santé alerte depuis longtemps sur la faible vaccination des pays pauvres, potentiels nids à variants, et demande que les pays occidentaux fassent de la vaccination mondiale une priorité. En Afrique du Sud, 24 % de la population seulement a reçu deux doses de vaccin (contre 75 % en France par exemple). Moins la population est vaccinée, plus le virus circule, plus il a de chance de muter. De plus, le pays compte l'une des populations les plus touchées par le VIH au monde, avec plus de 15 % des habitants concernés. Or, « une petite part de la population sud-africaine à cause du VIH non-traité est immunodéprimée. Quand elles sont infectées par le Covid-19, ces personnes deviennent un bioréacteur qui permet au virus de sélectionner des mutations pouvant engendrer un échappement immunitaire », soulève Eric Billy.