Le rapport de la Cour des comptes pour l'année 2023 a mentionné une réalité alarmante concernant le système de retraite au Maroc, et plus particulièrement la situation du Fonds marocain de retraite (CMR). Le déficit technique de 9,8 milliards de dirhams enregistré en 2023 par le CMR «constitue un signal critique.» Avec des réserves atteignant 65,8 milliards de dirhams à la fin de 2023, mais prévues pour s'épuiser à l'horizon 2028 selon les données du ministère de l'économie et des finances, le Maroc fait face à une situation similaire à celle de nombreux systèmes de retraite à prestations définies. Ces réserves, qui jouent le rôle de tampon financier face aux déséquilibres entre cotisations et prestations, sont tributaires de plusieurs tendances. La hausse de l'espérance de vie et la stagnation, voire le recul, des taux de natalité augmentent la proportion des retraités par rapport aux actifs cotisants. Par ailleurs, les ajustements passés, tels que la hausse des taux de cotisation ou l'élévation de l'âge de départ à la retraite, se révèlent insuffisants pour inverser durablement la trajectoire du déficit. La Cour attire également l'attention sur les "marges financières supplémentaires" nécessaires pour faire face à des crises imprévisibles, exacerbées par des changements climatiques (sécheresses, inondations) et des tensions géopolitiques. Cela traduit une reconnaissance des risques systémiques qui amplifient la fragilité des finances publiques. Les dépenses imprévues liées aux catastrophes climatiques et sanitaires augmentent les pressions budgétaires, réduisant les capacités d'intervention de l'Etat marocain. Par ailleurs, les perturbations des chaînes d'approvisionnement mondiales ou les hausses des prix des matières premières rompent l'équilibre des stratégies d'ajustement budgétaire. Intervenir dans l'urgence Le rapport recommande à juste titre «une accélération des réformes pour garantir la pérennité du système de retraite.» Quels leviers activer ? Une réforme systémique, en passant d'un régime à prestations définies à un système à cotisations définies, pourrait garantir plus de soutenabilité. Cependant, selon une source qui s'est confiée à Barlamane.com, «ce changement aurait un coût social élevé à court terme en particulier pour les générations proches de la retraite.» L'instauration d'un pilier complémentaire obligatoire, comme observé dans certains pays, pourrait atténuer la pression sur les régimes de base. Cependant, «il reste à savoir comment concilier soutenabilité financière et équité intergénérationnelle», a-t-on affirmé. Les réformes passées ont souvent reposé sur une augmentation des charges pesant sur les actifs actuels sans véritable contrepartie pour les jeunes générations, créant ainsi un sentiment d'injustice sociale. Intégration du secteur informel L'enjeu dépasse largement les seuls ajustements techniques. Il s'agit d'une réforme globale, touchant à la fois au système de retraite et à la structure économique du pays. «Cela inclut une meilleure intégration du secteur informel où une grande partie de la population active ne cotise pas au système de retraite, aggravant ainsi les déséquilibres. De plus, la diversification des sources de financement, notamment à travers des instruments financiers innovants pour soutenir les réserves de retraite, pourrait être explorée. Enfin, un dialogue social inclusif est essentiel pour garantir la mise en œuvre des réformes sans heurts majeurs», propose notre source, proche des milieux économiques. L'absence de réformes structurelles imminentes «pourrait précipiter une crise systémique», a-t-elle mentionné. Le dépassement des intérêts politiques à court terme au profit d'une vision à long terme devient une condition sine qua non pour éviter des scénarios catastrophiques. La soutenabilité financière des retraites n'est pas seulement une question budgétaire, mais aussi un enjeu de justice sociale et de stabilité économique, qui doit mobiliser une expertise technique et une direction politique déterminées.