L'orage gronde au-dessus d'Alger, les nuages s'amoncellent et le ciel s'assombrit. La nomination de Marco Rubio comme secrétaire d'Etat américain est une mauvaise nouvelle pour le régime algérien. Une de plus. Elle n'est que la plus récente d'une série de coups durs, tous plus alarmants les uns que les autres. À ce rythme, le régime algérien peut sans peine reprendre à son compte le mot célèbre de Jacques Chirac : «Les emm..., ça vole toujours en escadrille.» Au passage, notons que la nomination aux fonctions prestigieuses de ministre des Affaires étrangères des Etats-Unis d'un descendant d'immigrés cubains est en soi un événement. C'est la première fois qu'un Latino occupe ce poste. Cette nomination présage une période tendue pour les relations entre les Etats-Unis et l'Algérie. Rubio a en effet souvent critiqué le gouvernement algérien, surtout concernant les droits humains et ses liens commerciaux avec la Russie. En 2022, le sénateur républicain pour la Floride, vice-président de la Commission spéciale du renseignement du Sénat, avait demandé des sanctions contre l'Algérie. Dans une lettre adressée au Secrétaire d'Etat Anthony Blinken, Rubio écrivait en effet que l'Algérie «est l'un des principaux acheteurs mondiaux d'équipements militaires de la Fédération de Russie.» Or, la loi Countering America's Adversaries Through Sanctions Act (CAATSA) autorise la prise de sanctions contre toute partie qui contribue au financement de la Russie. «La Russie, ajoutait le sénateur, est le plus grand fournisseur militaire de l'Algérie. L'Algérie fait partie des quatre principaux acheteurs d'armes russes dans le monde, avec un accord d'armement de sept milliards de dollars en 2021. L'afflux d'argent de n'importe quelle source vers la Russie ne fera que renforcer davantage la machine de guerre russe en Ukraine.» En conclusion, Marco Rubio «encourageait» le département d'Etat «à désigner de manière appropriée les parties dont les achats importants de matériel russe permettent les actions déstabilisatrices de la Russie.» Quelques jours plus tard, 27 membres du Congrès ont emboîté le pas au sénateur et adressé un courrier similaire au secrétaire d'Etat. Blinken n'avait pas donné suite à cette démarche. Son successeur prendra-t-il les mesures qu'il préconisait en 2022 ? Tout semble pointer dans ce sens, car non seulement les achats d'armes russes par Alger ont considérablement augmenté, mais le rapprochement militaire s'est renforcé entre les deux pays, dont les armées participent à des exercices conjoints, en Russie et en Algérie. En outre, Alger a renforcé ses liens militaires avec des Etats ou des entités que Washington juge hostiles aux Etats-Unis comme l'Iran et des groupes classés comme terroristes. Enfin, Alger, qui veut perpétuer son image de pays insoumis et récalcitrant, se distingue par ses prises de position provocatrices nourries par une volonté irresponsable de défiance et un sentiment factice de puissance. Pour preuve, le ton insolent et injurieux des médias algériens ainsi que de multiples déclarations officielles impertinentes. La récente diatribe antiaméricaine du représentant algérien aux Nations unies est encore dans les mémoires, comme le sont les déclarations stupéfiantes du président algérien qui, en visite à Moscou en juin 2023, avait demandé l'aide de la Russie pour «rejoindre l'organisation BRICS et quitter la zone du dollar et de l'euro.» En verve, Tebboune avait qualifié le président russe d'«ami de l'humanité», pour le plus grand embarras de l'intéressé, et affirmé « compter sur la Russie pour nous armer et pour défendre notre indépendance.» Quoi qu'il en soit, Rubio pourrait adopter une posture plus sévère qui se traduirait par des condamnations du régime algérien et une pression diplomatique accrue. Le vent est en train de tourner. L'époque où l'Algérie bénéficiait d'une grande mansuétude à Washington et en Europe occidentale semble finie. Les sanctions américaines renforceraient l'isolement d'Alger et hâteraient le règlement de la question du Sahara. Marco Rubio, qui a défendu l'autonomie sous souveraineté marocaine, offrira un soutien renforcé aux positions marocaines, au détriment de l'Algérie. Il n'aura même pas à convaincre le président Donald Trump, qui, sur ce dossier, lui laissera une totale liberté d'action. Un journal algérien, sous le titre «Marco Rubio : Un faucon au département d'Etat», conclut, avec le tact et la finesse bien connus des médias de ce pays : «Imprévisibles, Donald Trump et sa future équipe sont capables de tout.» Avis de tempête donc pour les quatre prochaines années. À moins de baisser le ton et de redéfinir au plus vite ses orientations et sa diplomatie pour les adapter à la modestie de son poids international et à la faiblesse de son influence, Alger se condamne à entrer dans une zone de turbulences et s'enfoncera davantage dans une crise annonciatrice de grands bouleversements.