À quand cette terrible banalisation de l'assassinat du président Mohamed Boudiaf, l'homme qui a voulu sauver son pays et redonner l'espoir à une jeunesse sans repère ? Et jusqu'à quand ce silence terriblement cruel, qui enveloppe le sort d'un chef daté assassiné pour avoir entamé, aux premiers mois de son investiture, une démarche sans merci, pour que la mémoire des Algériens ne soit pas un concept virtuel, un mirage sans fin, une aspiration lointaine, et pour que les droits humains soient respectés en Algérie. Trente-deux ans après la disparition de Boudiaf, son assassinat demeure toujours une énigme, et les proches du défunt qui vivent toujours au Maroc, se posent encore la question : qui se cache derrière ? Leurs efforts pour faire éclater la vérité sont restés vains, 32 ans après son exécution publique par le capitaine Lembarek Boumaârafi, en juin 1992, lors d'une rencontre avec des cadres à Annaba, ville située au nord-est de l'Algérie. À ce jour, la vérité n'a pas été établie et plusieurs ONG de défense des droits de l'Homme continuent déplorer, à maintes reprises, le fait que les hommes politiques et militaires impliqués dans son assassinat soient toujours en activité, et bénéficient arbitrairement de l'impunité, qui a non seulement permis à nombre de responsables des crimes, d'échapper à la justice, mais en plus, la plupart d'entre eux, occupent aujourd'hui des postes de très haute responsabilité. Dans le cas de Boudiaf, l'autopsie n'a jamais été faite, l'arme du crime a disparu et tout cela laisse les analystes et défenseurs des droits de l'homme, en Algérie et ailleurs, notamment au Maroc, puisqu'il s'est fait naturalisé marocain, selon les dires de sa famille, jurer qu'il s'agit d'un complot. Ils appellent aujourd'hui l'actuel président, Abdemajid Tebboune, à relancer l'enquête sur le rôle joué dans cette affaire par les différents chefs de départements et organes affiliés à la Direction des renseignements (DRS), comme le département de la sécurité intérieure et le département de la sécurité de l'armée. Ils ont adressé par la même, une liste de quelques anciens cadres du DRS, et des services auxquels incombait la mission de protection du président Boudiaf, et qui se sont retrouvés cités dans la procédure d'enquête. Rappelons haut, très haut, que c'est dans les plus forts moments de violence et de tuerie que l'Algérie avait fait appel à lui pour assumer la très dure tâche de remettre de l'ordre dans un pays menacé par une guerre civile. Il a quitté le 16 janvier 1992 sa deuxième patrie, le Maroc, où il vivait en sérénité avec sa petite famille, pour répondre sans hésitation à l'appel de son pays. Moins d'une année après, il parlait encore de construction et d'espoir, quand une rafale de balles arrêta net le souffle de sa vie. Deux rapports contradictoires sur son assassinat avaient été émis par la commission chargée de l'enquête : le premier évoquait la thèse du complot, le second la théorie de l'acte isolé. La justice avait opté pour l'acte isolé et avait condamné, le 3 juin 1995, à la peine capitale, le capitaine Boumaârafi. La Cour suprême confirma la sentence réfutée par la famille Boudiaf. Les officiers de la sécurité présidentielle ont été, quant à eux, arrêtés pour négligence avant d'être relâchés sans explication aucune. Certains ont même été promus à des grades supérieurs. En janvier 2002, le général Larbi Belkheir, ministre de l'Intérieur au moment des faits, a été accusé par le fils du défunt, Nacer Boudiaf, d'être derrière l'assassinat de son père. Mais rien n'a été fait et le mystère demeure entier autour de cette affaire.