L'anniversaire du retour de Boudiaf en Algérie coïncide, cette année, avec de nouvelles accusations lancées par le propre fils du défunt contre le général Belkheir, directeur de cabinet du Président Bouteflika, qui serait le commanditaire direct de l'assassinat. L'auteur matériel de l'assassinat du Président Mohamed Boudiaf est bien le sous-lieutenant Boumaarafi Lembarek dit Abdelhak, élément du GIS. Outre ses propres aveux, il a été formellement reconnu comme étant le tireur derrière le dos du Président, d'une part, par MM. Mohamed Guitta et Ait Idir Samir, assis à la tribune officielle aux côtés du Président et d'autre part, par les éléments postés lors du drame derrière le rideau, Lahouali Mohamed et Belaib Aissa. Par ailleurs, les services chargés de l'enquête préliminaire ont trouvé dans une poche intérieure du blouson appartenant au sous-lieutenant Lembarek Boumaarafi une lettre datée du 27 juin 1992 dont il a reconnu être l'auteur, destinée à son camarade de promotion le sous-lieutenant Abdelhamid Hadjadji et dans laquelle il explique les raisons de son acte. L'auteur matériel du crime a depuis le début tenté de justifier son crime par l'influence de l'action des mouvements islamistes à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Selon lui, la source essentielle de l'oppression se situe au plus haut niveau de l'Etat . C'est pourquoi il estime qu'il n'a pas tué Mohamed Boudiaf en tant que personne mais en tant que symbole et chef d'Etat . Il affirme que l'idée de commettre un tel attentat est née dans son esprit a partir de l'année 1989. Le premier acte matériel de préparation de l'attentat a consisté dans la récupération de la grenade lors de l'opération du Telemly, à laquelle il la participé au mois de mai 1992. Il a procédé à l'exécution de l'opération dès que la première occasion lui a été fournie. Boumaarafi invoque le djihad et le martyre. Mais de fait, il tient un discours plus politique que religieux et ne présente nullement le profil d'un kamikase. S'il est constant que l'assassin affirme qu'il a agi seul et insiste sur ses mobiles, tirés de ses convictions religieuses, il n'en demeure pas moins que les négligences, défaillances, lacunes et le laisser-aller à tous les niveaux des services ayant planifié la visite, organisé son déroulement et assuré la sécurité présidentielle ont constitué, de manière directe ou indirecte, des éléments ayant facilité objectivement l'organisation du crime. A ce stade de l'enquête, la commission retient la thèse de négligences coupable et criminelles Au moins trois agents du SSP directement concernés par la protection physique du Président n'etaient pas à leurs poste au moment du drame. Il s'agit de: Saâd Djellal, chargé de protéger le dos du Président et porteur de son gilet pare-balle, qui était assis à l'intérieur de la salle à une distance d'environ 12 mètres du Président, ainsi que des deux agents SSP Lahouali Mohamed et Belaib Aissa, postes derrière le rideau et qui auraient du demeurer en position fixe de part et d'autre de la fenêtre du rideau. Lorsque le bruit de la grenade s'est fait entendre, il n'y a eu aucune réaction de la part des membres de la garde rapprochée dont les responsables (Cdt Hadjres, Cpt Zaidi, Cpt Sadek) se trouvaient à l'extérieur de la salle. Après la rafale tirée sur le Président et l'explosion de la grenade, quelques agents SSP ont tire en direction du rideau en levant leurs armes sur sa partie supérieure. A l'entrée du Président à l'intérieur de la salle de conférences, il y a eu absence totale des consignes données aux équipes du SSP. La commission constate la facilité avec laquelle l'auteur matériel de l'attentat a pu s'échapper et déplore la passivité complice des éléments du groupe GIS, ainsi que l'intervention de l'un d'entre eux, Driham Ali, qui a tiré et blessé un agent de la DGSN Hamadi Nacer qui poursuivait le nomme Boumaarafi. S'agissant de la ceinture extérieure de protection de la maison de la culture, théoriquement assurée par des éléments de la sûreté de wilaya, la commission constate l'absence totale de gardes stationnés le long du mur d'enceinte arrière de la maison de la culture et devant le portail d'accès arrière, ce qui a permis a l'assassin de s'enfuir sans être inquiété. S'agissant de la deuxième fusillade déclenchée 10 a 15 minutes après l'attentat au moment ou l'ambulance présidentielle quittait l'esplanade de la maison de la culture, la commission estime qu'elle est le résultat de la panique générale et de la perte de contrôle de la situation par des responsables de la sécurité. La couverture médicale du déplacement du président à Annaba était quasiment inexistante. L'ambulance présidentielle mise à sa disposition qui rejoint Annaba par route ne comportait aucun équipement fonctionnel et était conduite par un chauffeur n'ayant aucune connaissance para-médicale et ignorant l'itinéraire menant a l'hôpital. Après l'attentat, l'ensemble des témoins ont été unanimes pour déplorer le retard mis par l'ambulance présidentielle à évacuer le Président qui a été la dernière personne atteinte à arriver à l'hôpital.