Au centre d'une crise majeure qui perdure entre le Maroc et l'Espagne, le chef du Front Polisario, Brahim Ghali, va être entendu mardi par la justice espagnole dans le cadre de deux enquêtes pour «tortures» et «génocide». Un procès qui constitue une véritable épreuve pour l'indépendance de la justice espagnole. L'accueil de Brahim Ghali en avril en Espagne pour y être soigné de la Covid-19 a provoqué l'ire de Rabat et l'arrivée mi-mai de près de 10 000 migrants dans la ville de Sebta. Il sera jugé début juin par visioconférence dans les dépendances de l'Audience nationale, juridiction spécialisée dans les affaires politiques majeures, et qui siège à Madrid. L'hospitalisation du chef séparatiste en Espagne, pour des complications liées à laCovid-19 selon son entourage, a été marquée par le sceau du secret. Révélée par l'hebdomadaire français Jeune Afrique, elle a été confirmée par le Polisario puis par le gouvernement espagnol qui a mis en avant «les raisons strictement humanitaires» de son accueil et refusé de donner le moindre détail sur son état de santé. Selon le quotidien espagnol El País, citant des sources diplomatiques, le septuagénaire est arrivé le 18 avril «en danger de mort» à bord d'un avion médicalisé de la présidence algérienne et muni d'un «passeport diplomatique» avant d'être admis à l'hôpital de Logroño (nord) sous un faux nom «pour des raisons de sécurité». Autorisée au «plus haut niveau», selon El País, cette faveur accordée à Alger, principal fournisseur de gaz de l'Espagne, a fait enrager Rabat qui a demandé une «enquête transparente» sur les conditions de l'arrivée de Ghali, accusée d'être venu en Espagne «avec des documents falsifiés et une identité usurpée». Le juge devant auditionner Brahim Ghali mardi a envoyé des policiers à Logroño pour vérifier son identité et l'informer de sa convocation. Qu'est-il reproché au chef du Polisario ? Des crimes contre l'humanité Désormais «hors de danger» selon son entourage, Brahim Ghali sera interrogé mardi depuis l'hôpital en vidéoconférence par un juge dans le cadre de deux enquêtes. L'une découle d'une plainte pour «tortures» déposée par Fadel Breika, dissident du Polisario naturalisé espagnol et commises, selon le plaignant, dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, en Algérie. L'autre plainte a été déposée notamment contre Ghali pour «génocide», «assassinat», «terrorisme», «tortures» ou «disparitions» par l'Association sahraouie pour la défense des droits de l'homme (ASADEDH), basée en Espagne. Malgré ces lourdes accusations, le juge n'a pas ordonné de mesures préventives à l'encontre de Brahim Ghali, comme la confiscation de ses papiers, selon un document judiciaire. Quel est le lien avec l'arrivée des migrants à Sebta ? Alors que Rabat considère Brahim Ghali comme un «criminel de guerre», les forces marocaines aurait, selon des médias espagnols, relâché les contrôles aux frontières à Sebta, ce qui a entraîné le passage d'une marée humaine de près de 10 000 migrants, selon la préfecture de la ville, une théorie peu vérifiable et remise en cause par des membres du gouvernement espagnol, qui affirment qu'aucun connecteur ne permet l'expression d'une relation causale entre les deux événements, laquelle serait nulle. «La véritable source de la crise, c'est l'accueil par Madrid sous une fausse identité du chef séparatiste des milices du Polisario», a estimé le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita. Le gouvernement espagnol avait convoqué l'ambassadrice marocaine en Espagne, rappelée ensuite par le Maroc où elle reste «tant que dure la crise», selon M. Bourita.