La pandémie de la Covid-19 n'empêche pas les autorités algériennes de poursuivre et de condamner militants du Hirak, opposants politiques, journalistes et internautes. Fait remarqué, des voix respectées s'insurgent contre la privatisation de l'Etat et la très faible participation de la population aux institutions névralgiques. Du code électoral en passant par les lois en gestation dans le cadre des réformes politiques, tous les textes régissant la vie publique en Algérie obéissent à la logique de l'emprise autoritaire. Le mouvement contestataire a atteint une étape critique dans la contestation du pouvoir en place et de son système de prédation, qui accentue sa répression contre les figures les plus en vue du Hirak. Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), près de soixante prisonniers politiques sont actuellement derrière les barreaux. L'ancien président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme en Algérie, Mustapha Bouchachi, a attaqué la récente campagne d'arrestations de nombreux militants, indiquant que «le maintien du régime se fait au prix d'une dégradation de la situation économique et sociale de plus en plus intenable pour une population qui suffoque». M. Bouchachi a estimé que le but de ces arrestations est de chercher à imposer la tenue des prochaines élections législatives, affirmant dans un post sur sa page Facebook: «L'Algérie n'est plus un Etat de droit, mais plutôt un système totalitaire qui privatise les institutions de sécurité, l'administration et la justice.» L'éminent avocat a noté également que tout ce qui vise à faire passer des élections, dont les résultats sont connus à l'avance, aggravera la crise politique dans le pays. M. Bouchachi a déclaré que les autorités arrêtaient actuellement des personnes qui exercent leur droit garanti par la Constitution de manifester pacifiquement, soulignant que ces arrestations ont lieu en dehors des «cadres juridiques», et «ne font pas de distinction entre professeurs d'université, étudiants et journalistes ; entre jeunes ou vieux, hommes ou femmes.» M. Bouchachi a souligné que ces «arrestations et violations des droits de l'homme» ne conduiront pas à la construction d'une Algérie démocratique, envoyant un message aux autorités : «Ayez pitié de ce pays». Le taux de participation aux différents scrutins ces dernières années a en effet été très bas. Dans l'ensemble, les Algériens estiment que les véritables enjeux ne sont pas dans l'urne. Le jeu électoral est fermé d'avance. De nombreux observateurs algériens sont convaincus que le régime n'est pas viable dans le long terme tant était faible sa légitimité, mais ils pensent cependant que le soutien financier et politique de l'Occident qui lui est destiné doit cesser. Et à la fin du mois de mars, l'Autorité nationale indépendante des élections en Algérie a émis sept conditions pour se présenter aux prochaines élections législatives, dont la principale est que le candidat ne doit pas être connu pour ses liens avec les milieux financiers et économiques. Le Comité national pour la libération des détenus s'est dit préoccupé par «l'escalade de la répression qui vise toutes les voix de l'opposition et du mouvement de contestation populaire». Il a exhorté le gouvernement à «mettre immédiatement fin au harcèlement et aux arrestations arbitraires de militants pacifiques, des composantes de la société politique et civile et des journalistes». Les associations algériennes qui apportent un soutien aux prisonniers d'opinion estiment qu'il y a actuellement environ 65 personnes derrière les barreaux jugées dans des affaires liées au mouvement du Hirak ou aux libertés individuelles.