Mieux que la compassion, la citoyenneté pleine et entière couplée au droit à l'égalité, a préconisé un récent rapport du Conseil économique et social (CES) au profit des personnes en situation de handicap. Le document qui a été approuvé par la 16ème session ordinaire du Conseil et dont les conclusions ont été présentées par Chakib Benmoussa a appelé à un changement du regard de la société vis-à-vis de ceux qui présentent un handicap en les considérant non comme des assistés mais comme des sujets de droit. Les rédacteurs du rapport estiment que ce changement de perception est essentiel à l'évolution des mentalités qui aménage les conditions d'émergence de l'inclusion des 5 millions de Marocains présentant un handicap. Le rapport qui invite à une refonte des concepts présidant à la gestion de l'existant, conseille de bannir le mot handicapé et à lui préférer celui de personne en situation de handicap, comme premier pas vers une reconnaissance affirmée de «l'humanité» de celui qui le présente. Selon Zahra Zaoui, présidente de la commission sociale au sein du Conseil, «il faut commencer par éviter les noms qui blessent et considérer les personnes en situation de handicap comme des égaux». Cependant, estime le CES, ce projet de comportement est un vaste chantier restructurant qui exige du temps et de la volonté politique. «Le chemin qui y mène sera d'autant plus long et rude que la situation actuelle n'est pas particulièrement satisfaisante». Pour les seuls droits fondamentaux que sont l'accessibilité, la santé, l'enseignement et l'emploi, elle est même préoccupante. Nulle part, a dit le CES, la règle de l'accessibilité -même accommodée au coût d'aménagement raisonnable- n'est entièrement observée, nulle part –pas même dans les établissements publics– la norme des 7% de postes alloués aux personnes en situation de handicap (PSH) n'est pas appliquée et, dans aucune école les enfants à besoins spécifiques n'ont place. En vérité, estiment les rédacteurs du rapport, la situation des personnes présentant un handicap est une exclusion permanente qui les accompagne quasiment tout au long des différents stades de leur vie. Il faut donc changer cela. Au nom de l'égalité et de la conformité à la Constitution, aux conventions internationales et aux principes de citoyenneté bien comprise, il est même urgent d'agir sans trop s'embarrasser des «habituelles considérations financières». Car la marginalisation des personnes en situation de handicap a, elle aussi un coût. Et, invariablement, il est supérieur à celui de leur inclusion. Exemple, sur le seul marché du travail, la facture de l'exclusion est estimée en 2004 à 9,2 milliards de dirhams, soit 2% du PIB. Sachant que 2 enfants en situation de handicap sur 3 ne vont pas à l'école et qu'une PSH sur 5 n'a jamais fréquenté un établissement sanitaire, considérant en outre que le handicap nourrit la précarité et vice versa, le coût global est évidemment astronomique. Le coût humain est, quant à lui, une tache dans le tableau des indicateurs du développement humain. Alors pour éviter que les choses ne touchent au handicap social à l'échelon de toute une nation, il faut agir. Comment ? En travaillant à une vision unifiée déclinée en actions sectorielles homogénéisées et, en reconnaissant aux PSH les mêmes droits que tout un chacun est en situation d'exiger dans une société égalitaire. Le rapport sur le «respect des droits et inclusion des personnes en situation de handicap» est probablement l'un des derniers sujets dont le CES débat sur autosaisine. Répondant à une question d'ALM, le président Chakib Benmoussa a laissé entendre que le Parlement pourrait prochainement inaugurer la procédure de la saisine extérieure en demandant au Conseil des avis sur des questions telles que la retraite ou des questions liées aux lieux de vie et aux normes de travail. «C'est une affaire de procédures internes au Parlement et sitôt qu'il y aura trouvé solution, je pense que cela se fera. En tout cas y sommes-nous prêts ?», s'est-il interrogé.