On le sait depuis déjà vingt ans: la question du «foulard islamique» départage les Français d'une façon qui brouille les clivages politiques habituels. Des gens de droite et des gens de gauche se retrouvent ainsi dans les camps des «pour» ou des «contre», le camp des partisans de l'acceptation ou celui des adversaires absolus de cette manifestation d'identité religieuse. Alors que l'on ne sait encore pas si le gouvernement français va, ou non, déposer un projet de loi visant l'interdiction au moins partielle du «voile intégral» dans certains espaces publics, une nouvelle polémique s'est déclenchée à cause d'une décision du NPA, le «Nouveau Parti Anticapitaliste» dirigé par le facteur trotskiste Olivier Besancenot. Cette formation d'extrême gauche, en effet, a choisi de présenter, dans le Vaucluse, aux prochaines élections régionales, une candidate portant un foulard, emblème de sa piété religieuse. La jeune fille s'appelle Ilham Moussaïd, elle a 22 ans et elle est étudiante en BTS-gestion à Avignon. Elle a rejoint le NPA il y a un an, après avoir participé, avec les militants trotskistes, à des manifestations de soutien aux Palestiniens pendant la guerre de Gaza. Ses camarades du parti, pour défendre sa présence sur la liste des élections régionales, disent d'elle que c'est une croyante ouverte «qui est pour le droit à l'avortement et défend l'homosexualité». Mais le NPA se définissant comme un parti aux convictions «laïques» affirmées, ce choix de la présence sur ses listes d'une jeune musulmane voilée, provoque interrogations et protestations. On peut être sûr, en effet, que ce parti n'aurait jamais choisi comme candidate une jeune fille catholique arborant une croix militante autour de son cou! «L'identitarisme» ou le traditionalisme religieux, serait, selon lui, acceptable quand il vient des musulmans mais point lorsqu'il serait d'origine chrétienne. Un étonnant «racisme à l'envers»! Serait-ce là une nouvelle compréhension de ce que d'aucuns appellent «la discrimination positive»? Nous ne savons rien des convictions religieuses profondes d'Ilham Moussaïd, et il ne nous appartient pas de les juger. Ce qui est intéressant dans cette affaire du NPA, c'est de relever combien certains affidés de l'idéologie marxiste, peuvent être fascinés par l'idéologie islamiste. Le phénomène n'est pas nouveau. Déjà en 1979, des intellectuels de gauche français, au premier rang desquels les philosophes Michel Foucauld et Roger Garaudy, s'étaient enthousiasmés pour la révolution islamique iranienne. Ils y avaient vu l'accomplissement de leurs rêves messianiques, une revanche des «damnés de la terre». Ces dernières années, on a bien vu, aussi, combien Tariq Ramadan, petit-fils de Hassan al-Banna, fondateur des Frères Musulmans, fascinait une partie de la gauche internationaliste anti-impérialiste française, à commencer par la mouvance dite «écologiste libertaire» incarnée par le leader José Bové. En fait, le puritanisme des courants islamistes ne fait pas forcément peur aux marxistes radicaux. On peut se souvenir que, dans l'Union Soviétique d'hier comme dans la Chine de Mao Tsé-Toung, la rigueur morale et le puritanisme étaient de règle.