En faisant de la suppression de la double nationalité un cheval de bataille, Marine Le Pen ne faisait que répondre en écho à la surenchère dans laquelle le gouvernement de Nicolas Sarkozy est rentré. Qui aurait cru un instant que le Front National de Jean-Marie Le Pen allait rester les bras croisés devant les nombreuses perches que lui tend le gouvernement à travers les prises de positions corrosives de son ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, Eric Besson ? A travers une captation ouverte et presque revendiquée du discours du Front National, la stratégie de Nicolas Sarkozy a de fortes de chances d'aboutir aux résultats inverses : réanimer le Front National au lieu d'enfoncer le dernier clou dans son cercueil. Le remettre en selle au lieu de le faire disparaître. C'est ce qui vient d'être illustré par la surenchère politique dans laquelle est entrée Marine Le Pen lorsqu'elle a fait de la suppression de la double nationalité un de ses credo mobilisateurs. «Oui, a-t-elle dit, je crois qu'il faut changer le code de la nationalité, qu'il faut supprimer le droit du sol et je pense qu'il faut supprimer la double nationalité». Cette charge soudaine surfait sur un fait majeur de ces derniers jours, la manifestation bruyante de joie et d'hystérie qui avait saisi les jeunes Français d'origine algérienne à l'occasion de la qualification de l'équipe d'Algérie pour le Mondial sud-africain. Elle visait une icône de la diversité du gouvernement, Rama Yade, en déterrant une phrase de son livre avec cette interrogation : «Comment voulez-vous demander à ces jeunes de choisir quand la secrétaire d'Etat, Mme Rama Yade, déclare dans son livre : « jusqu'à 18 ans, s'il y avait eu une guerre entre le Sénégal et la France, j'aurais choisi le Sénégal. Et depuis, je ne sais pas». Marine Le Pen fait partie de ces personnalités montées sur un ressort électrique qui donnent du fil à retordre au gouvernement. N'est-ce pas elle qui la première avait dégoupillé en direct à la télévision la grenade Frédéric Mitterrand sur fond de tourisme sexuel et de pédophilie au point de faire traverser à Nicolas Sarkozy une des séquences les plus douloureuse de son mandat et dont il peine à se remettre. En faisant de la suppression de la double nationalité un cheval de bataille, Marine Le Pen ne faisait que répondre en écho à la surenchère dans laquelle le gouvernement de Nicolas Sarkozy est rentré pour tenter de séduire l'électorat du Front National. Le débat sur l'identité nationale, la spectaculaire chasse aux clandestins, la polémique sur les «mariages gris», autant de signaux que le gouvernement de Nicolas Sarkozy tricotait à destination de ce réservoir de vote que constitue l'extrême droite. Cette suspicion est si forte au sein du Front National que même une décision comme celle de transférer les cendres du grand écrivain Albert Camus au Panthéon que Nicolas Sarkozy s'apprête à prendre, est entachée d'arrière-pensées politiciennes comme l'explique le toujours numéro un de l'extrême droite, Jean-Marie Le Pen : «C'est un choix électoraliste. Celui d'un écrivain pied-noir à quatre mois des élections régionales où probablement la majorité va subir une lourde défaite». Pour Marine Le Pen comme pour l'ensemble du Front National, ces élections régionales s'annoncent comme une occasion de revanche à prendre sur Nicolas Sarkozy qui, lors de précédents scrutins, s'était emparé de leurs héritages et de leurs discours. Cette période est baptisée par Marine Le Pen comme «une phase de reconquête». La détermination est telle que Marine Le Pen semble avoir abandonné le discours arrondi et prétendument modéré qui était destiné à donner une image fréquentable du Front National. Pour partir en guerre, elle a repris l'ensemble de l'arsenal qui avait fait la fortune de son père, avec ce mot d'ordre qu'elle veut pertinent et actuel : «Le peuple (…) ne se reconnaît pas dans ce gouvernement de jouisseurs qui se comportent en parvenus».