Ramadan s'en va et nous débarrasse d'un tas de sitcoms et de programmes ramadanesques dont une bonne partie est d'un dilettantisme décourageant ! D'excellents acteurs sont parfois poussés à l'improvisation pour minimiser les dépenses. Et comme certains se mettent à compenser le manque de spontanéité dans l'improvisation par des expressions faciales, nos sitcoms sont pleins de grimaces, comme des clowns s'adressant à des enfants. On a envie de citer le fameux dicton marocain : «Allez ! Du balai jusqu'au fond de l'océan !» Durant un mois, à l'heure où trente millions de mâchoires et d'estomacs s'activent sans répit, et que des millions de têtes sont à la merci de l'industrie de l'image, on balance des navets dans le seul but de caser quelques spots publicitaires. L'image pour s'enrichir, parfois aux dépens de la culture locale. «Contrôler les médias (les images), c'est contrôler la culture» (Allen Ginsberg, poète américain) Bien sûr, la culture de masse est un phénomène contemporain et mondial. Cependant, elle est associée à différents degrés de médiocrité. Certaines cultures sont plus exigeantes en termes de qualité que d'autres. Et c'est déprimant de prendre la mesure de notre souci de la qualité en se regardant dans ce miroir qu'est notre télévision. Comparez les caméras cachées du Canada, comme «Juste pour rire» par exemple, à celles de chez-nous : dans l'une, les gens sont piégés de manière drôle alors que dans l'autre, on frôle souvent la bagarre… Pour abrutir un peuple, on n'a plus besoin de brûler ses livres. Il suffit de l'empêcher de les lire ! C'est ce que fait la culture de masse : Harry Potter est plus connu que Ibn Khaldoun, Molière, Goethe ou Shakespeare. Le temps libre est récupéré par le temps commercial. Ainsi, cette culture destinée au plus grand nombre fait que les rapports entre les hommes ne sont plus gérés que par des intérêts et des processus économiques qui institutionnalisent les modes de vie. Cela dit, pour rester optimiste, il faut reconnaître qu'il n'y a pas que du mauvais dans ces programmes ramadanesques. Depuis quelques temps, on voit inévitablement des tableaux accrochés aux murs dans les sitcoms. Certes, des tableaux presque tous orientalistes ou décrivant des scènes folkloriques mais c'est bien car ainsi, on habitue les gens à l'idée d'accrocher des tableaux chez eux, ce qui est très bon pour cultiver le goût. Un autre avantage est que, en insérant dans les sitcoms des individus de la même culture et qui paraissent plus épanouis, le peuple se met à rêver et a envie de vivre comme eux, d'améliorer son quotidien… Un cas où la culture de masse semble œuvrer pour la démocratie. L'art étant l'expression d'une culture par un individu -l'artiste, ce dernier est une sorte de protecteur de sa culture, qu'elle soit riche ou pauvre. Apres tout, c'est la sienne. «Une chose pauvre peut-être, mais c'est la mienne !» (William Shakespeare).