La religion exempte les malades du devoir de jeûne, surtout si le fait de jeûner peut avoir des conséquences néfastes sur la santé de l'individu, affirme, dans un entretien accordé à ALM, le Dr Abdelhilah Bennani endocrinologue et spécialiste en diabète. ALM : En tant qu'endocrinologue et spécialiste en diabète, quels sont selon vous les cas où les malades diabétiques doivent s'abstenir de jeûner ? Abdelhilah Bennani : Il faut d'abord rappeler que le diabète est une maladie chronique qui se caractérise par une hyperglycémie. C'est-à-dire une augmentation du taux du sucre dans le sang. Dès que ce taux est supérieur à 1,26 g par litre de sang à jeun, on parle de diabète. Le diabète est une maladie chronique et le diabétique doit apprendre à vivre avec sa maladie, savoir quel type de diabète il a et savoir ce qu'il faut faire pour normaliser le taux de sucre. Pour ce qui est des cas où le jeûne est unanimement interdit; il s'agit du diabète insulino traité, diabète non insulino-dépendant déséquilibré, diabète avec complications dégénératives, diabète et grossesse, diabète et allaitement, diabète instable. Il existe également un risque plus élevé d'acidocétose chez les diabétiques (principalement de type 1) qui jeûnent pendant le Ramadan, surtout s'ils étaient hyperglycémiques avant le début de la période de jeûne. Ce risque est d'autant plus élevé que de nombreux patients diminuent leurs doses d'insuline en estimant que pendant le mois du Ramadan, leur prise alimentaire est réduite. Autre risque auquel sont exposés les diabétiques pendant le Ramadan: la déshydratation. Celle-ci conduit à une hypovolémie et à une augmentation de la viscosité sanguine et donc à un risque d'hypotension orthostatique et de thrombose, en particulier chez les personnes âgées. Quels sont les risques du jeûne chez le diabétique ? Les problèmes potentiels posés par le jeûne sont : l'hypoglycémie qui demeure le risque majeur. Elle est induite par les médicaments (sulfamides d'action retard ou l'insuline) et peut être favorisée par les efforts physiques au cours de la journée. Lorsqu'elle survient en fin d'après-midi, elle requiert une rupture du jeûne sans délai, avec un apport sucré d'assimilation rapide avec une collation sucrée. Si le malade est inconscient, une hospitalisation est obligatoire pour une perfusion glucosée par voie intraveineuse. A côté de l'hypoglycémie, nous avons l'hyperglycémie avec ou sans cétose. Elle peut être induite par une suralimentation la nuit et par des doses relatives de médicaments réduits ou oubliés chez les patients mal équilibrés ou par une surinfection fébrile, avec une polyurie abondante, voire une déshydratation. Il y a certainement des cas où les diabétiques peuvent se permettre de jeûner tranquillement et sans risque ? En principe, les diabétiques ne doivent pas jeûner. Pourtant la majorité de ces malades s'entêtent à faire le Ramadan. Il existe néanmoins certains cas où le patient est autorisé à jeûner. Il s'agit du diabète non insulino-dépendant, bien équilibré, stable, indemne de toute affection intercurrente ou dégénérative. Ces malades doivent être constamment soumis à une surveillance médicale régulière afin de détecter toute complication aiguë susceptible de faire interrompre le jeûne. Il faut savoir déterminer les glycémies , savoir adapter les doses des traitements… Une consultation à la veille du Ramadan pour les patients diabétiques, est-elle recommandée ? Absolument. Cela permet d'apprécier l'état sychologique du patient, l'informer et le sécuriser quant au bien-fondé de l'abstention du jeûne vis-à-vis de sa santé, de la société et de la religion islamique. C'est aussi une manière d'éviter les complications graves en particulier l'hypoglycémie… Une consultation à la veille du Ramadan permet de dépister également l'absence ou la stabilité des complications dégénératives oculaires, rénales, cardiaqu). Quels sont les aliments à éviter pendant le mois sacré du Ramadan? Il faut garder le rythme de trois repas espacées, éviter les sucreries, les fritures (chabakia, béghrir, patisserie, sodas, les fruits oléagineux (amandes, noix, avocat…), les viandes rouges et grasses et favoriser les viandes blanches. Il faut limiter les œufs et fromages à trois fois par semaine.