Abdelouahed avait tout pour être heureux : un travail, un ami et l'amour d'une jeune femme. Mais la jalousie a mis fin à la belle vie. Convaincu que Najia, son amie, le trompe avec son meilleur ami, il poignarde à mort ce dernier. Nous sommes à la Cour d'appel de Settat. La salle d'audience réservée à l'examen des affaires criminelles est archicomble. Un brouhaha indescriptible règne dans la salle. En prenant place, le président, accompagné de ses assesseurs, du représentant du ministère public et du greffier, ordonne à l'assistance de se taire et ouvre aussitôt l'audience. Après avoir reporté quelques dossiers à une date ultérieure et en avoir examiné d'autres relatifs à des vols qualifiés, il a appelé à la barre Abdelouahed. L'homme est âgé d'une trentaine d'années, il porte un tricot de laine noire, un blue-jean et des sandales en cuir. Il se lève et se dirige vers la barre en traînant les pieds. Né à Berrechid, Abdelouahed y est demeuré en compagnie de sa famille jusqu'au jour de son arrestation et sa remise à la justice à Settat. Il y a poursuivi ses études jusqu'à la septième année de l'enseignement fondamental. Lorsqu'il a quitté l'école, il a travaillé durant quelques mois dans un café avant d'être accueilli par un boucher, ami de son père. Au cours de son apprentissage du métier, il fait la connaissance d'Abdelhak. Plus âgé que lui de deux ans, ce dernier a abandonné l'école au niveau de la sixième année de l'enseignement fondamental. Il a chômé durant quelques années, avant de trouver, lui aussi, du travail au sein d'une boucherie. Au fil des mois, ces deux apprentis bouchers ont réussi à devenir des professionnels. Leurs relations se sont consolidées au fil du temps au point qu'ils sont devenus inséparables : après le travail, ils se rencontraient pour bavarder, fumer un joint ou ingurgiter quelques tournées d'un «trois-quart» de vin rouge. Pour autant, ils n'abusaient jamais ni du haschich ni du vin. Abdelouahed et Abdelhaq semblent composer un couple d'amis modèles : jamais un malentendu n'a assombri leur relation. Jusqu'à ce qu'une femme vienne s'emparer du cœur d'Abdelouahed. Le jour où ce dernier est tombé amoureux de Najia a marqué le début d'un drame à retardement. La jalousie s'est installée au cœur de leur relation. Abdelouahed n'a pas su s'y opposer : très vite, il ne supportera pas voir Najia en conversation avec qui que ce soit, quand bien même il s'agirait d'un membre de sa famille. Jalousie dévorante : celle qui empêche de dormir, qui donne naissance à d'étranges pulsions, de violence notamment lorsque Abdelouahed a l'impression que sa bien-aimée se montre trop familière ou trop souriante envers quelqu'un… C'est ce qui s'est produit ce jour-là. Najia se rendait vers son rendez-vous avec Abdelouahed lorsqu'elle a rencontré Abdelhak. Ce dernier s'apprêtait d'aller faire des courses pour son patron. Sans arrière-pensée, il s'est arrêté en croisant Najia, qu'il connaissait bien pour être sa voisine de quartier et surtout, la petite amie de son collègue Abdelouahed. «Il m'a saluée respectueusement en me serrant la main avant de me parler d'Abdelouahed qui est devenu très nerveux ces derniers temps…», déclarera Najia devant la Cour. Hélas, Abdelouahed les aperçoit. Pris de vertige, il se fige dans le doute : Najia le tromperait-elle avec Abdelhaq ? Se sont-ils rencontré par hasard ? Lui a-t-elle donné rendez-vous ? Un tourbillon de questions s'installe dans son esprit. Abdelouahed s'avance vers Najia et son interlocuteur, très énervé. Sans adresser la parole à Abdelhaq, il saisit sa bien-aimée par la main et lui ordonne de ne plus parler à personne, pas même à son ami. Abdelhak tente de lui expliquer qu'ils viennent de se croiser. Mais Abdelouahed ne veut rien entendre. Abdelhak aura beau essayer de le calmer en lui déclarant notamment qu'il considère Najia comme sa propre sœur. Abdelouahed, qui était armé d'un couteau, s'en saisit et le plante dans le cœur de son ami. «Je n'avais pas l'intention de le tuer, M. le président…J'étais sous l'effet de la colère et il aurait dû comprendre qu'il aurait mieux fait de se taire parce que ces explications n'ont fait que me provoquer…». Devant la cour, Abdelouahed tentera vainement de se justifier. Il sera condamné à quinze ans de réclusion criminelle pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner.