Les ministères de la Justice et de l'Intérieur ont convenu de mettre fin aux «interférences pouvant porter atteinte à l'indépendance de la justice». Des mesures concrètes seront prises. Et c'est tant mieux pour l'Etat de droit. Sous ses accents laconiques, l'information est révolutionnaire. Le ministère de la Justice et celui de l'Intérieur –longtemps présenté comme le supra-ministère- sont parvenus à un accord, qui, sous nos cieux, est loin d'être ordinaire. Décortiqué, l'accord qui vient d'être annoncé par le ministre de la Justice himself, reconnaît et admet que des interférences pouvant porter atteinte, directement ou indirectement, à l'indépendance de la justice existaient bien entre le département de Azziman et le ministère de l'Intérieur. L'annonce révèle que ces deux ministères, lesquels n'ont jamais été « normaux » aux yeux de l'opinion publique, ont convenu de mettre fin à cette situation ». La reconnaissance, malgré l'utilisation d'un concept aussi générique que politiquement correct telle que «situation, vaut son pesant d'or. Car c'est un pas de géant qui vient d'être franchi dans le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs. La sujetion de la justice n'est plus une vue de l'esprit ou une publicité mensongère. Elle est officiellement identifiée et les pouvoirs publics, tête sortie du sable, ont décidé d'adopter une panoplie de mesures pour y mettre fin. Au-delà des mesures qui vont être très prochainement adoptées, et dont la plus importante est probablement l'exécution des jugements prononcés à l'encontre du ministère de l'intérieur et des collectivités locales, c'est un pas de plus dans la mise en pratique du nouveau concept de l'autorité. Depuis un certain 9 novembre 1999, c'est en effet le ministère de l'Intérieur qui avait et a toujours l'épineuse charge de donner sens et contenu à ce concept de l'autorité auquel avait appelé le Souverain quelques mois seulement après son accession au Trône. Et pour que «nouveau concept de l'autorité» ne soit pas un énième slogan creux, le ministère dirigé par le tandem Driss Jettou et Fouad Ali-Himma se devait de donner l'exemple, en s'interdisant toute forme d'impunité. L'Intérieur n'est pas au-dessus des lois et désormais les jugements dont il a fait l'objet seront exécutés. L'annonce, faite officiellement sur la fin des interférences entre l'Intérieur et la Justice, ne devrait pas passer inaperçue. Elle signe peut-être la fin d'une époque et l'ouverture d'une page nouvelle où l'Etat de droit ne serait pas un vain mot.