Selon plusieurs analystes, une alliance entre GM, Renault et Nissan donnera certes naissance au n°1 mondial de l'automobile, mais elle risque de détourner l'intérêt de Carlos Ghosn sur les problèmes à résoudre chez les deux marques qu'il préside actuellement. Actuellement en négociation de part et d'autre, le projet d'alliance à trois entre General Motors (GM) et Renault-Nissan continue à susciter des réactions dans le milieu automobile mondial. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les avis restent très partagés et parfois assez sceptiques même, notamment auprès de nombreux analystes. Ainsi, pour Emmanuel Bulle, l'un des directeurs de l'équipe industrielle de Fitch (la première agence de notation des sociétés de gestion), «Renault court le risque de voir sa direction distraite par cette possible alliance à un moment où il a besoin de concentrer ses ressources sur la baisse de sa part de marché et sur son nouveau plan stratégique récemment annoncé». Dans un rapport qu'elle a publié, cette même agence estime aussi que Nissan aura du mal à s'intégrer dans une nouvelle alliance dans un contexte actuellement très concurrentiel. Au cours des cinq premiers mois de 2006, la production mondiale de Nissan a chuté de 11 % par rapport à la même période l'an dernier et ses ventes sont particulièrement difficiles aux Etats-Unis, le plus gros marché automobile de la planète. C'est aussi ce qu'a évoqué Jochen Klusmann, l'un des analystes de la BHF Bank à Francfort, soulignant : «Les chiffres des ventes de Nissan au Japon et aux Etats-Unis sont actuellement en nette baisse. Est-ce que cela pourrait être compensé par les nouveaux modèles qui vont être lancés dans l'année ? Cela reste à voir». Pour l'agence Fitch, «Nissan a beaucoup à faire pour parvenir à son objectif à moyen terme, notamment avec le lancement de nouveaux modèles, et avec la recherche et le développement pour préparer une concurrence renforcée, notamment de ses rivaux japonais». Pour sa part, Renault, dont les ventes mondiales ont reculé de 3,2 % au premier semestre 2006, est au début d'un ambitieux plan de restructuration, à savoir le «Renault Contrat 2009». Présenté par son P-DG, Carlos Ghosn, ce plan vise, entre autres, à atteindre une marge bénéficiaire de 6 % en 2009, ainsi que le lancement d'une flopée de nouveaux modèles (26 entre 2007 et 2009). Mais surtout, la marque au losange devra faire en sorte que la qualité de ses produits soit nettement meilleure qu'actuellement. Renault et Nissan ont donc des priorités bien plus urgentes que l'élargissement de leur alliance. C'est ce que pense notamment l'analyste de la banque BHF qui a avancé : «Si Carlos Ghosn prend part à la restructuration de GM, il risque de perdre de vue Nissan et Renault à un moment où on lui demande vraiment des résultats concrets chez ces deux groupes». La piètre situation actuelle de GM, pour ne pas dire ses graves problèmes, pourrait donc compromettre l'aboutissement de l'alliance avec le duo franco-japonais. Faut-il le rappeler, le numéro 1 mondial de l'automobile a décidé la fermeture de plusieurs de ses sites industriels dans le monde avec à la clé des milliers de licenciements. Enfin, le scepticisme émane aussi du côté de la concurrence. Ainsi, pour Dieter Zetsche, le P-DG du groupe DaimlerChrysler, la réalisation de synergies à partir par exemple d'une plate-forme commune, est bien plus compliquée qu'il ne semble au premier abord. Sur cette question M. Zetsche estime qu'«il faut examiner le cycle de vie des véhicules et faire correspondre les cycles de renouvellement (…) Il faut non seulement cinq ou six ans pour avoir l'opportunité de regrouper ses forces sur une seule plate-forme».