Présentée hier au Parlement, la loi sur la fusion entre les Erac et le holding Al Omrane inquiète le secteur privé. Les promoteurs immobiliers avaient hier, mercredi 3 mai 2006, les yeux rivés vers le Parlement, à l'occasion de la présentation de la loi sur la fusion entre les établissements Erac et le holding Al Omrane, société à capitaux publics, née elle-même de la fusion trois ans plus tôt, entre la defunte Agence nationale de lutte contre l'habitat insalubre, la Société nationale d'équipement et de construction (SNEC) et Attacharouk. L'exposé du ministre, Taoufiq Hejira aura duré plus de soixante minutes, suivi par une quinzaine de députés. Les éclaircissements et l'examen des différents amendements sont prévus mardi prochain. Le projet de loi stipule que les Erac, transformés en SA, apurés de leurs dettes vis-à-vis du CIH, rejoignent le holding, complétant ainsi le processus du regroupement des établissements étatiques intervenant dans l'Habitat. Pour sa part, le holding Al Omrane est appelé à jouer un rôle de premier plan dans le partenariat public-privé. L'objectif, assurer le programme des 100 000 logements économiques par an. Appuyé par le ministère de l'Habitat, ce projet de loi ne fait pas que des heureux dans les rangs des opérateurs du BTP. Pour quelques membres du secteur privé, la mesure va à l'encontre de la politique du désengagement de l'Etat et renforce le semi-public au détriment de la libre concurrence. Président de l'Association des lotisseurs et promoteurs immobiliers de Casablanca, Ibn Mansour Youssef tempère : «la conséquence première de cet acte sera la naissance d'un gros acteur au niveau du secteur public. Maintenant l'expérience des ERAC, nous la connaissons tous. Le bilan n'est pas reluisant. Nous allons nous retrouver avec une grosse structure bras armé de l'Etat ». Et d'être plus précis : «pour nous en tant qu'opérateurs privés, nous avons toujours pensé que la construction des logements serait au mieux aux mains du secteur privé. Bien entendu, il y a toujours un marché entre le public et le privé. Mais l'expérience a démontré que le privé peut construire et mieux vendre que le public ». Des remarques non partagées par ce haut fonctionnaire du département de l'Habitat qui rappelle que la fusion en cours s'inscrit dans une tendance générale de fusion des OST (organismes sous tutelle). Un processus commencé sous l'ère de Mohamed M'Barki et qui s'est accéléré sous Taoufiq Hejira. Selon le même fonctionnaire, «il n'y aura pas de concurrence entre le secteur privé et Al Omrane ». Les premiers interviendront toujours et sans restriction là où les appelle la loi du profit, alors que le second, étatique, a hérité des attributions précises. Le holding n'interviendra à la place du privé que : quand il n'y a pas de privé dans un marché quand l'offre d'Al Omrane est plus compétitive. L'Etat aura aussi recours à Al Omrane pour introduire de nouveaux produits à la place du privé. Cas des villas économiques. De même, faute d'engagement du privé, ce sera à Al Omrane d'implanter la politique de l'Etat dans le monde rural. «Ceux qui ont peur d'Al Omrane ont peur d'eux-mêmes et de la logique du marché!», conclut le haut fonctionnaire. Erac : retour à l'équilibre L'exemple des sept établissements d'aménagement et de construction, mis en place en 1971, dans le but d'appuyer la politique de l'Etat, alors engagée dans des programmes de logements économiques, est on ne peut plus éloquent. Trente ans d'exercices plus tard, ces établissements devaient au CIH, plus d'un milliard de dirhams. La banque étatique avait d'ailleurs intenté une action en justice. La première tranche de 300 millions a été versée en juillet 2004, la deuxième, de 500 millions, en décembre 2004. C'est une fois assainie, de nouveau en équilibre, que ces établissements passent sous l'escarcelle du holding Omrane. Pourvu que l'histoire ne se répète pas.