Le nouveau président du pôle audiovisuel public unifié, Fayçal Laâraïchi, est un homme qui fait l'unanimité. Disposant des moyens financiers et intellectuels nécessaires, il a largement la possibilité de mener à bien la nouvelle mission qui lui a été confiée. Portrait. Fayçal Laâraïchi est un homme heureux, comblé. Une fée s'est certainement penchée sur son berceau. À 45 ans, ce natif de Meknès réalise un rêve immense après sa nomination, mercredi 15 février, au poste de Président-directeur général de la Soread-2M dont le ministre de la Communication, Nabyl Benabdallah, avait présidé juste la veille le conseil d'administration. Ce sera la dernière fois. M. Benabdallah n'aura pas eu le temps de communiquer suffisamment avec sa faconde habituelle sur le bilan de 2M, qui affiche un résultat net au 31 décembre 2005 de 75 millions DH, en progression de 16% par rapport à l'exercice précédent. La chaîne de Aïn Sebaâ avec sa régie publicitaire, Régie 3, qui brasse plus d'argent que le SAP (Service autonome de publicité) de la TVM tombe ainsi à point nommé dans l'escarcelle de la nouvelle SNRT (Société nationale de radiodiffusion et de télévision) dont M. Laâraïchi est également patron depuis mai 2005. En clair, c'est le petit qui avale le grand au nom de la création d'un pôle public puissant, qu'un avis de la Haute autorité audiovisuelle a indépendamment bénie la veille de cette nomination. Un pôle composé désormais de six télévisions, une Radio nationale, Radio 2M et une flopée de stations régionales et thématiques. À coup sûr, l'homme a les qualités requises pour gérer un empire de cette taille où travaillent près de 3.000 personnes, doté d'un budget public global 2006-2008 de 2,5 milliards DH auquel il convient d'ajouter un milliard DH de recettes publicitaires de TVM et de 2M. Le marché est bouclé. Un monopole sérieux et plus que légitime. Le débat n'est visiblement plus nécessaire. À quoi bon ? C'est la ligne Laâraïchi qui a gagné d'une manière indiscutable. Bravo l'artiste ! À coup sûr, cet ingénieur de l'Ecole spéciale des travaux publics de Paris, également diplômé de l'université de Stanford de Californie, a sans contexte les moyens de sa politique pour réussir dans sa mission. Gagner les paris, même les plus difficiles, ne lui fait pas peur. Regard intelligent caché derrière des lunettes de vue à montures très fines, visage lisse qui ne montre aucune aspérité, M. Laâraïchi, tiré constamment à quatre épingles, a évidemment le souci de son image. Taillé en athlète, il a la démarche de quelqu'un qui est sûr de lui, prêt à tout sacrifier pour atteindre ce qu'il considère être un objectif majeur à la fois professionnel et personnel. Ayant vécu une enfance douloureuse, Fayçal Laâraïchi saura la dépasser par le travail et la persévérance. Lorsque le ministre de la Communication, Nabyl Benabdallah, montait au créneau pour défendre, avec courage et abnégation, l'idée d'un pôle public qu'il partage avec le président de la SNRT, il avait certainement en tête l'homme qu'il faut à la place qu'il faut. Ce sera donc Fayçal Laâraïchi. Qui mieux que lui est capable de donner corps à un pôle de référence tel qu'il est décrit avec beaucoup d'autorité et d'originalité dans l'avis de la HACA? Et pourtant, l'intéressé n'était pas naturellement destiné à devenir l'homme fort de l'audiovisuel public marocain auquel il est arrivé par la production et le multimédia. Ceux qui le connaissent ne tarissent pas d'éloges sur lui. Directrice de la quatrième, la chaîne éducative, qui fêtera le 28 février son premier anniversaire, Maria Latifi trouve que le président de la SNRT est "le symbole de la générosité du cœur qui a, en plus, une maîtrise de l'outil audiovisuel qui force le respect". Même son de cloche du côté de Sarim Fassi Fihri, président de la Chambre marocaine des producteurs de films. « Depuis son arrivée à la tête de la Radio télévision nationale (RTM) en 1999, explique-t-il, une véritable politique de production s'est mise en place. Même sur le plan financier, la situation s'est améliorée et les acteurs et producteurs le remarquent tous aujourd'hui. Nous ne pouvons qu'être satisfaits de sa nomination à la tête des deux chaînes ». Toujours enthousiaste, il ajoute : « sur le plan humain, Fayçal Laâraïchi est un homme extraordinaire. Ceux qui l'ont fréquenté peuvent en témoigner. C'est une personne qui sait gérer les ressources humaines et les ménager. Elles ont la chance d'être dirigées par une personnalité de sa trempe». Un autre acteur impliqué du secteur livre, quant à lui, un avis assez nuancé : «je peux ne pas être d'accord avec l'idée de pôle public. Une idée peu libérale et assez rétrograde. Ils ont rêvé de créer France télévision, mais j'ai peur qu'ils n'aient réussi qu'à réinventer l'ORTF. Quant à la nomination de Fayçal Laâraîchi, je ne peux qu'être, sincèrement, mille fois d'accord. C'est à tout point de vue, l'homme idoine ». Unanimité donc autour d'un homme qualifié d'exceptionnel qui, maintenant que les questions de procédure de mise en place de la SNRT sont terminées, doit mettre tout le talent qui lui est reconnu au service du contenu. La bataille de la qualité. Une bonne programmation doublée d'une optimisation des ressources humaines. Tel est le défi unique qui attend M. Laâraïchi en vue de réconcilier les Marocains avec leurs télévisions qu'ils fuient en masse au profit des chaînes satellitaires. «Je trouve que Faycal Laâraïchi a désormais les moyens financiers et intellectuels qu'il faut pour faire du nouveau pôle public non pas un glacis étatique stérile mais un îlot audiovisuel moderne et compétitif capable de rivaliser avec les chaînes égyptiennes et libanaises“, indique un journaliste de la TVM. Avec le budget dont dispose le nouveau pôle public unifié, Fayçal Laâraïchi a les moyens d'être à la hauteur de la confiance qui a été placée en lui. Quant aux nouvelles chaînes qui s'installeraient au Maroc, charriées par une courageuse politique de libéralisation du secteur, elles n'ont qu'à bien se tenir. Avec Fayçal Laâraïchi et son pôle public en concurrent global et résolu, elles n'auront que des miettes d'un marché déjà rabougri. Manger après le lion n'est jamais un exercice de tout repos.