Pour Abdelali Benameur, le PJD deviendra un parti «normal» au moment où il mettra fin à la confusion qui fonde son discours. Entretien. ALM : On remarque ces derniers temps que le PJD est en train de ratisser large. Ce parti est de plus en plus courtisé. Est-ce que vous trouvez cela normal ? Abdelali Benameur : On a effectivement l'impression que le PJD semble ratisser large. C'est compréhensible. Cela témoigne de l'ambition de ce parti. Mais ce que je ne comprends pas, c'est le fait que la classe politique et certains organes de presse sont en train de faire campagne pour le PJD uniquement parce qu'il est un parti représentatif, organisé et structuré. Historiquement, on a vu plusieurs partis politiques qui étaient bien organisés, mais dès qu'ils ont accédé au gouvernement, ils ont changé de cap. Le PJD veut jouer le jeu politique. Mais, pour cela, il faut accepter la démocratie dans son sens universel, c'est-à-dire accepter la séparation entre valeurs et normes. Se proclamant pour la démocratie, le PJD obéit à une orientation générale fondamentalement anti-démocratique. Quand le PJD parle de l'Islam, il confond volontairement les valeurs et les normes de notre religion. Avec le risque, si jamais ce parti s'empare du pouvoir, de voir la Constitution touchée par cette confusion. Accepter un tel état de fait revient à accepter de ne plus être dans un Etat démocratique, mais dans un Etat islamique. Certaines personnes, des politiques notamment, soutiennent l'idée que les islamistes accèderaient au pouvoir parce qu'ils sont des gens intègres. Ont-ils le monopole de cette valeur ? Le bon et le mauvais existent chez l'être humain en général. Voilà ce que j'ai à dire pour répondre à votre question. Pour revenir au fond du problème, je tiens à rappeler ce qu'avait déclaré M. Al Othmani à un journal belge. Le parton du PJD avait qualifié son parti de conservateur et démocrate comparable à plusieurs partis conservateurs européens. Là, il tient un double discours. Si, effectivement, tel est le cas, qu'il le dise et le proclame haut et fort ! Que faut-il faire ? Devons-nous tomber corps et âme dans l'escarcelle du PJD ? Les partis politiques qui pensent qu'en s'alliant avec le PDJ, ils veulent le rendre modéré doivent se pencher sur la question suivante : et si ce sont leurs propres troupes qui devenaient extrémistes ?! Je ne suis pas contre le PJD. Ce parti doit respecter les valeurs universelles de la démocratie. À mon avis, si le PJD accède au pouvoir, nous devons nous attendre à un gouvernement dangereux. Sauf si ce parti accepte, comme je viens de le dire, la séparation entre valeurs et normes. Ne pensez-vous pas qu'on assiste à une démission surtout du côté des partis de gauche ? Je ne vais pas jeter la pierre aux partis de gauche. Je dirais que la classe politique dans sa globalité n'offre pas un champ de débat intéressant. Lorsque les partis ne jouent pas leur rôle, lorsque le Parlement agit, comme on le voit maintenant, de façon triste, lorsque l'espace audiovisuel ne contribue pas à mobiliser les gens…, on peut dire que la vie politique est morose. Dans ce cas, le PJD est-il la seule alternative politique ? Non, cela serait grave. Le PJD n'est qu'un parti politique. Et personnellement, je désapprouve son référentiel tel qu'il est affiché et exprimé. Le Maroc dispose de potentialités modernistes énormes. Il faut donner à ces forces de progrès leur chance. Comment imaginez-vous le champ politique après les législatives de 2007 ? Je vais être un peu optimiste. Je vois un champ politique qui se recompose avec plus de représentativité. Je vois l'espace audio-visuel travaillant réellement pour la démocratie. Et je vois surtout des élections libres dont va émerger une majorité claire avec un Premier ministre leader d'un gouvernement qui appliquera son programme et qui sera alors jugé sur ses résultats.